Le canal était voluptueux dans ses sinuosités langoureuses.
Il reliait sans hâte Roanne et Digoin.
Volupté de la ouate du matin, qui créait une atmosphère de douceur au dessus de l’eau et autour des arbres.
L’eau n’était pas pressée d’aller dans un sens, ni dans l’autre. Discrètement, le vent faisait mouvoir quelques feuilles.
Rondeurs voluptueuses des gouttes de rosée qui obéissaient avec nonchalance à la gravitation universelle.
Volupté de l’adhérence du végétal au minéral.
Tours de cou affectueux de la mousse et du lierre au sommet de la borne de pierre qui faisait partie de la balustrade du pont-canal.
Lumière voluptueuse, qui réinventait le charme délicatement, sans changement brusque.
Chatoiement enchanteur.
Joie voluptueuse des vibrations chromatiques.
Volupté d’une harmonie séduisante, d’une agréable gaîté.
Volupté de la campagne environnante, qui se prélassait sous la douce caresse du soleil.
Déploiement voluptueux des paysages qui n’avaient rien à envier à la Toscane.
Envoûtement des horizons sans fin.
Bonheur des arbres jouissant du privilège de la solitude.
Plaisir voluptueux de la marche, de l’exercice physique. On mettait un pied avant l’autre, sans effort, sans précipitation.
Volupté rousseau-iste, car nous nous abandonnions à la rêverie, à la manière de l’auteur de L’Émile. La promenade aux abords du canal n’était pas, littéralement, celle d’un « promeneur solitaire », car elle réunissait, sur le plan physique comme sur le plan affectif, l’équipage de l’Aventy et celui du Zeph.
Mais le petit groupe de marins reconvertis à l’eau douce était absolument seul à flâner sur les terres du canal. La sensibilité de Jean-Jacques Rousseau était la nôtre, dans ce cadre champêtre paisible, où tout n’était que murmure.
Volupté de faire corps avec la nature, d’en être un élément sans artifice, sans contrainte.
Plaisir voluptueux des moments au coin de l’âtre. Volupté d’une chaleur agréable, généreuse, bienfaisante.
Volupté des flammes qui pourléchaient le bois. Sensualité des profils dansants, ardeur du contact. C’est l’illustration de la sollicitude que l’Aventy a à l’égard du Zeph, même après l’aventure sur les flots.
Volupté de l’ocre rouge, qui coloriait le feu de bois et faisait resplendir l’assiette de la convivialité.
Volupté des saveurs de la cuisine du Sud, pour dire la joie d’être de nouveau ensemble et la générosité du partage.
Mise en commun des initiatives, des contributions spontanées, sans aucun calcul en amont ou en aval.
Volupté d’un sommeil délicieux, dans un lit bien douillet, à la halte de Melay.
Volupté du repos, du répit.
L’Aventy s’est toujours occupé avec promptitude des intérêts du Zeph, que ce soit au milieu des flots ou sur la terre ferme.
Volupté de l’instant, à cause de l’intensité du dévouement.
Témoin de cette touchante bienveillance, la vigne sauvage s’empourprait par empathie.
Volupté du week-end, de celui qui vient d’avoir lieu, grâce à une belle amitié née sur le rivage de Camerota, il y a trois ans. Une volupté faite de tendresse et de réciprocité entre l’Aventy et le Zeph.
La volupté n’est pas dans le choc du sensationnel, mais dans la suave douceur de ce qui nous émeut.
L’amitié, sincère et désintéressée, incite à savourer la volupté de l’instant, sans en perdre une miette.
Le lien amical entre l’Aventy et le Zeph est un cadeau de la mer.
Et la volupté du canal, savourée tout récemment, montre que la richesse d’une navigation ne prend pas fin quand on quitte le bateau.
La volupté du canal apportait un contentement profond et une douce plénitude.
Tim Cahill, qui a marqué le premier but australien dans une Coupe du Monde, disait : « A journey is best measured in friends, rather than miles. »
Un voyage se mesure mieux en amis qu'en miles.
La beauté de la navigation du Zeph se voit, non pas sur le cadran des miles nautiques mais à travers des amitiés qui sont nées des flots.
La volupté du canal était une incitation à choyer cette beauté.