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Elle a dansé, dansé, dansé. La volupté de sa danse était telle que celui pour qui elle a dansé lui promettait en récompense la moitié du patrimoine. Et quel patrimoine ! Car celui-ci s’étendait sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, sans compter tous les trésors qu’il recelait.

Mais elle n’en demandait pas tant ! Elle n’avait que faire des kilomètres de terres, elle voulait juste deux empans : deux empans qui faisaient le pourtour d’un espace circulaire.

Drôle de requête, n’est-ce pas ?

La chapelle rectangulaire consacrée à Saint Athanase dans le quartier historique de Πρέβεζα – ΠΡΕΒΕΖΑ, que certains connaissent déjà grâce à l’affaire de Joseph avec la femme de Potiphar, évoquée dans l’article « la volupté de la jeunesse », a une fresque qui montre ce pourtour circulaire, réclamé et obtenu par la volupté de la danse. Voici cette fresque :

 

La volupté de la danse

 

Il s’agit du tour de cou de Jean Baptiste, le cousin du Nazaréen.

Du cou tranché, le sang continue de gicler et se répand par terre. Le bourreau soulève la tête coupée et la tend à une jeune femme qui montre l’opulence de sa poitrine à travers un grand décolleté.

La jeune femme est Salomé. Elle vient de danser devant Hérode Antipas, qui règne sur des territoires au Nord d’Israël, et à l’Est du Jourdain.

L’histoire est rapportée dans le récit de la Bonne Nouvelle selon Marc, au chapitre 6.

Dans quel contexte cette danse a-t-elle eu lieu ?

On peut lire aux versets 21 et 22 :

21 καὶ γενομένης ἡμέρας εὐκαίρου ὅτε Ἡρῴδης τοῖς γενεσίοις αὐτοῦ δεῖπνον ἐποίησεν τοῖς μεγιστᾶσιν αὐτοῦ καὶ τοῖς χιλιάρχοις καὶ τοῖς πρώτοις τῆς Γαλιλαίας

22 καὶ εἰσελθούσης τῆς θυγατρὸς αὐτῆς τῆς Ἡρῳδιάδος καὶ ὀρχησαμένης...

TO KATA MAPKON ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ς’. Στίχοι κα’ – κβ’

 

21 Mais un jour opportun arriva lorsqu’Hérode, à l’anniversaire de sa naissance, offrit un repas à ses hommes de haut rang, aux commandants et aux principaux personnages de la Galilée.

22 Et la fille de cette même Hérodiade entra et dansa...

Bonne Nouvelle selon Marc. Chapitre 6. Versets 21 – 22

 

Le verset 21 indique le cadre de la danse : il s’agit de la fête que donne le roi Hérode Antipas pour fêter son anniversaire. Pour cette occasion, le souverain réunit trois catégories d’invités : les plus hauts placés parmi ses courtisans, les plus gradés dans l’armée et les plus connus de la société civile. Conviés pour seulement se divertir, ils ne tarderont pas à se transformer, malgré eux, en juges pour scruter la consistance de la parole royale.

Le peintre turinois Andrea Marchisio a illustré le lieu de la réception donnée par Hérode Antipas.

 

La volupté de la danse

 

Le faste et la liesse, qui sont manifestes, correspondent au souhait initial du souverain.

Le tableau de l’artiste italien a fait l’objet d’une vente aux enchères cet automne. Il a été estimé à une quarantaine de milliers d’euros.

Le verset 22 désigne Salomé en se référant à sa mère Hérodiade, car dans toute cette affaire, la fille est l’instrument de la mère, qui a des comptes à régler avec le Baptiste. Autrement dit, la volupté de la danse est un atout pour la fille et une arme pour la mère.

Les versets qui précèdent ce passage décrivent la nature du conflit qui oppose Hérodiade au Baptiste.

Dans les versets 17 à 19, on peut lire ceci :

17 Αὐτὸς γὰρ ὁ Ἡρῴδης ἀποστείλας ἐκράτησεν τὸν Ἰωάννην καὶ ἔδησεν αὐτὸν ἐν τῇ φυλακῇ διὰ Ἡρῳδιάδα τὴν γυναῖκα Φιλίππου τοῦ ἀδελφοῦ αὐτοῦ ὅτι αὐτὴν ἐγάμησεν

18 ἔλεγεν γὰρ ὁ Ἰωάννης τῷ Ἡρῴδῃ ὅτι Οὐκ ἔξεστίν σοι ἔχειν τὴν γυναῖκα τοῦ ἀδελφοῦ σου

19 ἡ δὲ Ἡρῳδιὰς ἐνεῖχεν αὐτῷ καὶ ἤθελεν αὐτὸν ἀποκτεῖναι καὶ οὐκ ἠδύνατο

TO KATA MAPKON ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ς’. Στίχοι ιζ’ – ιθ’

 

17 Car Hérode lui-même avait envoyé arrêter Jean et l’avait lié en prison à cause d’Hérodiade la femme de Philippe son frère, parce qu’il l’avait épousée.

18 Car Jean n’avait cessé de dire à Hérode : “ Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. ”

19 Or Hérodiade lui gardait rancune et voulait le tuer, mais elle ne le pouvait pas.

Bonne Nouvelle selon Marc. Chapitre 6. Versets 17 – 19

 

Le verset 17 nous apprend qu’Hérode Antipas a pris la femme de son frère Philippe.

Le verset 18 décrit la réprobation publique de Jean Baptiste, qui condamne l’immoralité de ce mariage.

Le verset 19 explicite le violent ressentiment nourri envers le Baptiste, par celle qui a quitté son époux pour se marier avec le beau-frère.

La volupté de la danse a donc pris place dans un climat de haine et de vengeance.

Hérode Antipas donne le festin. Salomé offre la danse. Mais c’est sa mère, Hérodiade, qui tire les ficelles du spectacle.

Volontairement ou involontairement, ils sont donc quatre à être emportés par le tourbillon de la danse : Hérode Antipas, Salomé, Hérodiade et Jean le Baptiste.

Le dessinateur néerlandais Willem Arondeus a illustré le tourbillon de volupté qui entrelaçait les quatre destins. On voit une multitude de volutes monter :

 

La volupté de la danse

 

Le mouvement aérien enroule ou déroule des formes spiralées. C’est l’évocation des voiles que Salomé fait tourbillonner autour de son corps.

Des ocelles se forment, comme sur le plumage d’un paon. Ils signifient que le spectacle est chatoyant et que l’assistance est sous le charme d’un monde onirique.

La silhouette de Salomé se trouve au centre du dessin. Autour d’elle flottent trois autres têtes.

Les trois têtes volantes sont-elles des répliques de celle de Salomé ? L’artiste a-t-il composé son dessin comme une photo en pose longue, où plusieurs étapes du mouvement sont enregistrées sur le même cliché ?

La multiplicité de l’empreinte peut aussi servir à décrire la présence scénique de Salomé et la perception visuelle d’un public fasciné de la voir partout dans l’espace.

L’illustration peut encore avoir une portée prophétique. Les trois têtes flottantes se meuvent de gauche à droite, dans la direction opposée à celle du regard de Salomé. Une tête se trouve sous la silhouette de Salomé, une autre tête a déjà dépassé cette silhouette tandis que la troisième tête s’en approche. Est-ce l’évocation des têtes d’Hérode Antipas, d’Hérodiade et de Jean Baptiste, qui gravitent autour de la danse ce jour-là ?

L’artiste donne à ces trois têtes l’allure de trois méduses, dont les chevelures flottent avec légèreté et grâce.

Des boucles apparaissent aux extrémités des nombreux bras allongés et incurvés de manière lascive. Tout en faisant allusion aux gestes sensuels de la danse, cette représentation utilise la silhouette d’une pieuvre pour signifier l’étreinte tentaculaire de la volupté et l’enserrement par un destin implacable.

En combinant les caractéristiques du paon, de la méduse et de la pieuvre, l’artiste a fait surgir une créature hybride qui incarne l’univers irréel produit par la volupté de la danse.

Cette composition picturale a été réalisée au pinceau, à l’encre brune, au lavis brun et au graphite.

Le tableau du dessinateur néerlandais Willem Arondeus se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York.

Le peintre parisien Gustave Moreau aussi n’a pas cherché à restituer de manière objective l’enregistrement rétinien. Il s’est surtout employé à traduire des états d’âme engendrés par la volupté de la danse.

L’un de ses tableaux montre l’éblouissement ressenti par Hérode Antipas.

 

La volupté de la danse

 

Le palais royal scintille grâce à une constellation de points lumineux. L’émerveillement d’Hérode Antipas remplit tout l’espace scénique.

Salomé apparaît comme au milieu d’un feu d’artifice.

 

La volupté de la danse

 

La séduction s’opère par le ballet des parcelles lumineuses qui se dispersent ou se regroupent. La lumière affectionne particulièrement le haut du corps de Salomé, la cuisse droite et l’extrémité du pan de tissu qui s’envole vers le trône.

L’anatomie du corps féminin joue avec l’abondance des étoffes, qui cachent tout en dévoilant. Très peu de tissu semble opaque. Au contraire, la transparence est savamment orchestrée pour exciter le désir.

Parmi ce qui n’est pas dissimulé, figurent les pieds. Les talons ne touchent pas le sol. Salomé est en train d’exécuter des pointes. Dans cette configuration, la ballerine prend appui sur les extrémités des orteils et pousse vers le haut. En suivant jusqu’au bout cet élan vertical, à quoi aboutit-on ? À d’autres pointes, qui sont des extrémités florales.

Comme il est magnifique, le lotus que Salomé tient dans sa main droite ! La forme subtilement arrondie des fleurs et leur teint éclatant aiguisent l’appétit charnel. À qui ce message de la sensualité est-il adressé ?

La hampe de lotus est comme un sceptre, qui indique les privilèges de Salomé tout en faisant écho au sceptre que tient Hérode Antipas.

Le sceptre de Salomé est fait d’une matière douce, agréable au regard mais aussi au toucher et à l’odorat. Celui d’Hérode Antipas n’a pas la même sensualité.

Le sceptre de Salomé est en pleine lumière. Celui d’Hérode Antipas se trouve dans la pénombre.

Le sceptre floral est dressé à la verticale. Le sceptre royal est incliné.

Le sceptre de Salomé est celui de l’érection triomphante, de la sève montante et irrésistible.

L’aspect hiératique de la silhouette de Salomé est trompeur. Car en fait, Gustave Moreau a peint un pas de danse dont la dynamique de l’ascension verticale fait sortir des zones enfouies toute la volupté de l’existence.

Dans cette mise en scène de l’érotisme, un geste échappe à l’hégémonie de la verticalité. Il se dirige bien vers le haut, mais n’obéit pas à la verticalité, car il s’étire selon une ligne oblique. Il s’agit du bras gauche de Salomé. Et si l’on poursuit la trajectoire au-delà des extrémités des doigts, on tombe sur la pointe acérée de l’épée du bourreau.

 

La volupté de la danse

 

Le peintre parisien propose une perspective de la salle du trône où le profil de l’index pointé vers le tranchant de la lame s’arrête juste avant la silhouette d’Hérode Antipas. Dans la symbolique de l’espace pictural comme dans les faits, il faut donc passer par le roi pour que l’intention du corps dansant aille jusqu’à l’épée vengeresse et la faire mouvoir.

Par terre, à droite du tableau, une panthère noire montre ses crocs. Les crocs du félin et l’épée du bourreau sont du même côté du tableau : c’est le côté de la férocité et de la cruauté.

Le tableau a une valeur prophétique. Gustave Moreau ne peint pas seulement le déploiement de la volupté, mais aussi sa finalité.

Cette toile se trouve au musée qui porte le nom du peintre parisien, sur la Butte Montmartre, à Paris.

Un autre tableau, toujours au sujet de la danse de Salomé, montre le talent fascinant de Gustave Moreau. Dans cette représentation, Salomé est un peu moins vêtue, pour montrer un déhanchement un peu plus suggestif. Elle est aussi moins courtisée par l’éclairage, qui donne la prééminence à la tête de Jean Baptiste, le cousin du Nazaréen.

 

La volupté de la danse

 

L’auréole de la sainteté inclut la couleur du sang dans nombre de ses alvéoles. Du sang sort en abondance du cou tranché. Par terre, juste au-dessous de la tête en lévitation, s’étend une grande flaque de sang.

Face au regard réprobateur du Baptiste, résistent trois autres regards.

Au premier plan, celui de Salomé est rempli d’animosité et de violence. Derrière elle, Hérode Antipas regarde le spectre sanglant avec tristesse et peine. Enfin, à l’arrière-plan, le visage d’Hérodiade se contente d’ouvrir un peu plus grand les yeux et d’esquisser un léger sourire.

L’affrontement visuel ne concerne que les quatre personnages peints de profil par Gustave Moreau. Ce chiffre quatre n’est pas sans rappeler les quatre têtes qui apparaissent dans le dessin de la créature hybride imaginée par le Néerlandais Willem Arondeus.

Dans ce tableau du peintre parisien, c’est le personnage qui semble le plus en retrait qui désigne la tête du Baptiste comme enjeu de la danse.

Hérodiade se sert de Salomé. Puis Salomé utilise Hérode Antipas. Cette chaîne d’influences successives apparaît clairement dans la disposition spatiale que Gustave Moreau a prévue pour les trois têtes responsables de la décapitation du Baptiste. De bas en haut, on trouve d’abord la tête d’Hérodiade, puis celle de Salomé, et enfin celle d’Hérode. Ce trajet, qui n’est pas rectiligne et zigzague quelque peu, évoque le va-et-vient de Salomé quand elle va consulter sa mère avant de retourner donner la réponse à Hérode Antipas.

À ce sujet, on peut lire aux versets 24 et 25 :

24 ἡ δὲ ἐξελθοῦσα εἶπεν τῇ μητρὶ αὐτῆς Τί αἰτήσομαι ἡ δὲ εἶπεν Τὴν κεφαλὴν Ἰωάννου τοῦ Βαπτίζοντος

25 καὶ εἰσελθοῦσα εὐθὲως μετὰ σπουδῆς πρὸς τὸν βασιλέα ᾐτήσατο λέγουσα Θέλω ἵνα μοι δῷς ἐξαὐτῆς ἐπὶ πίνακι τὴν κεφαλὴν Ἰωάννου τοῦ βαπτιστοῦ

TO KATA MAPKON ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ς’. Στίχοι βδ’ – βε’

 

24 Et elle sortit et dit à sa mère : “ Que dois-​je demander ? ” Elle dit : “ La tête de Jean le Baptiseur. ”

25 Aussitôt elle entra en hâte chez le roi et fit sa demande, en disant : “ Je veux que tout de suite tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. ”

Bonne Nouvelle selon Marc. Chapitre 6. Versets 24 – 25

 

Le va-et-vient que fait Salomé entre sa mère et Hérode Antipas obéit à un rythme accéléré, que décrivent trois expressions du verset 25.

En premier, l’adverbe εὐθὲως ( aussitôt ) lie l’explicitation orale du dessein d’Hérodiade à sa mise en œuvre. Salomé n’a pas de temps à perdre après qu’elle a entendu de vive voix la demande de sa mère.

Puis le substantif σπουδῆς ( hâte ) dit que le temps du trajet entre Hériodade, la manipulatrice, et Hérode Antipas, le détenteur du pouvoir exécutif, doit être réduit au minimun. Salomé doit presser le pas, voire même courir, pour se rendre d’un lieu à l’autre.

Enfin, l’adverbe ἐξαὐτῆς ( tout de suite ) signifie que Salomé réclame un accomplissement immédiat du serment d’Hérode Antipas. Pas de délai, pas de sursis. Finies les tergiversations, le temps de la réflexion est terminée !

Le verset 25 mentionne trois exécutions instantanées, qui s’enchaînent sans temps mort. Le rouleau compresseur du destin fonce à folle allure. L’accélération du rythme est démentielle !

Il faut faire vite, très vite, avant que le roi ne se ravise.

En effet, on peut lire au verset 26 :

26 καὶ περίλυπος γενόμενος ὁ βασιλεὺς διὰ τοὺς ὅρκους καὶ τοὺς συνανακειμένους οὐκ ἠθέλησεν αὐτὴν ἀθετῆσαι

TO KATA MAPKON ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ς’. Στίχος βς’

 

26 Bien qu’il en fût profondément attristé, le roi cependant ne voulut pas lui refuser, à cause des serments et de ceux qui étaient étendus à table.

Bonne Nouvelle selon Marc. Chapitre 6. Verset 26

 

Le texte grec décrit clairement la manière dont Hérode Antipas est affecté par la mise en œuvre de son serment. L’adjectif περίλυπος ( profondément attristé ) employé dans le verset 26 se compose du préfixe περί ( autour ) et de la racine λύπη ( tristesse ). Littéralement, il signifie « encerclé par la tristesse ». Cette pression périphérique est une compression qui enserre et augmente l’intensité de la peine.

Hérode Antipas n’est pas qu’attristé. Il est attristé, mais profondément, suite à la demande exprimée par Salomé.

Ce degré de tristesse d’Hérode Antipas ne peut passer inaperçu aux yeux de Salomé, ni à ceux d’Hérodiade. C’est pourquoi mère et fille, dont l’intuition féminine est accrue par le flair propre aux panthères évoquées précédemment, agissent très vite, de peur que la profonde tristesse du roi n’entraîne un revirement de la situation.

Cette œuvre de Gustave Moreau est une aquarelle. Elle est exposée au Musée d’Orsay, à Paris.

Le verset 27 raconte la réaction d’Hérode Antipas qui se trouve acculé dans l’impasse. En effet on peut y lire ceci :

27 καὶ εὐθὲως ἀποστείλας ὁ βασιλεὺς σπεκουλάτωρα ἐπέταξεν ἐνεχθῆναι τὴν κεφαλὴν αὐτοῦ ὁ δὲ ἀπελθὼν ἀπεκεφάλισεν αὐτὸν ἐν τῇ φυλακῇ

TO KATA MAPKON ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ς’. Στίχος βζ’

 

27 Aussitôt le roi envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde alla le décapiter dans sa prison

Bonne Nouvelle selon Marc. Chapitre 6. Verset 27

 

On retrouve l’adverbe εὐθὲως ( aussitôt ), déjà employé au début du verset 25. Hérode Antipas, lui aussi, veut agir vite, parce qu’il n’en peut plus, parce qu’il veut se débarrasser de cette affaire qui tourmente terriblement sa conscience.

Le peintre milanais Michelangelo Merisi, encore appelé il Caravaggio, a peint la décapitation du Baptiste.

 

La volupté de la danse

 

L’impétuosité du jet de sang qui s’échappe du cou du condamné est à l’image de celle du serment qui s’est échappé du gosier d’Hérode Antipas. Nul retour n’est possible dans les deux cas.

L’artiste a inscrit dans la trace de sang au sol son propre prénom.

Cette œuvre du Caravaggio est conservée à l'Oratoire de San Giovanni Battista dei Cavalieri dans la Concattedrale de San Giovanni à La Valette, sur l’île de Malte.

Dans la chronologie des faits, c’est ici que devrait s’insérer la fresque de Πρέβεζα – ΠΡΕΒΕΖΑ, décrite tout au début de l’article.

Comment Salomé ramène-t-elle le trophée à sa mère ?

Avec une allure dansante, qui exprime le triomphe et la jubilation.

 

La volupté de la danse

 

Après la volupté de la danse, c’est la volupté de la victoire.

Ce pas dansant est l’œuvre du peintre slovaque Éder Gyula. La toile est conservée en Roumanie, au Palatul Culturii din Târgu Mureș.

On parle encore aujourd’hui de la danse de Salomé parce qu’elle a fait tomber la tête du Baptiste. Si celui-ci n’était pas décapité à cette occasion, la danse de Salomé, même terriblement voluptueuse, aurait été balayée par le vent du désert pour disparaître de la mémoire collective.

La tête du Baptiste est tombée, parce qu’Hérode Antipas, le souverain des lieux, ne pouvait pas rétracter sa parole.

La parole d’un souverain ne pouvait pas se rétracter, à cause de l’honneur de la position sociale. Mais la parole de tout un chacun ne doit pas non plus se rétracter, à cause de l’estime de soi.

Dans l’Antiquité, la parole donnée était chose sérieuse, extrêmement sérieuse. De nos jours, elle devrait l’être tout autant.

Par ordre chronologique, voici trois exemples au cours de la récente navigation, où la parole avait, dans les faits, valeur de serment sans en avoir l’oralité pompeuse.

Le premier cas a eu lieu avec nos amis Danielle et Alberto, qui habitent à l’embouchure du Tibre. Nous nous sommes dit au revoir en juillet 2016, dans la baie qui se trouvait devant le Musée Archéologique de Κέρκυρα – ΚΕΡΚΥΡΑ. Trois ans après, il était convenu que nous reverrions nos amis romains le 15 mai, dans le port d’Ostie. Malmenés par la mer et le vent, nous tions encore à Imperia le 15 mai, c’est-à-dire à plus de 500 km au Nord-Ouest d’Ostie.

Aucun serment n’a été prononcé pour valider les retrouvailles de 2019. Pourtant tout a été mis en œuvre pour qu’en dépit des conditions météo exécrables, la promesse ne connaisse pas le triste sort d’une parole rétractable.

La suite du séjour romain, beaucoup de nos lecteurs la connaissent, avec sa magnificence et son enchantement. Il n’y a pas que des paysages splendides et des repas savoureux. Il y a eu surtout le bonheur d’une parole fiable. Une parole d’ami se doit d’être fiable, exempt de recul ou d’abandon.

Grâce à la chronique, nos amis romains sont restés informés de notre progression le long des côtes ligures, puis de notre entrée dans le Latium. Et dès qu’ils ont su que nous étions à Porto Ercole, Alberto s’est empressé de nous téléphoner pour nous dire sa grande joie de nous avoir comme à portée de voix.

Voici une image du Zeph, qui venait de s’amarrer à Porto Ercole.

 

La volupté de la danse

 

C’est à ce moment-là que le téléphone a sonné, pour donner corps à la promesse des retrouvailles à l’embouchure du Tibre.

Le deuxième cas d’exemplarité de la parole concernait l’Aventy.

En juillet dernier, l’Aventy remontait la Mer Tyrrhénienne en direction de la Ligurie pendant que le Zeph filait vers le Sud, en direction du détroit de Messine.

Il était dit que l’Aventy et le Zeph pourraient se rencontrer. On n’a pas dit cela parce qu’on n’avait rien d’autre à dire, ou parce qu’il fallait meubler, sottement, la conversation. On na dit cela parce que c’était la pensée et la parole du cœur. Une parole du cœur, qui ne résonnait pas avec les sonorités péremptoires d’un serment, mais qui tenait énormément à son efficience.

Dans les faits, comment cette parole a-t-elle trouvé son accomplissement ?

Dans les faits, c’était extrêmement compliqué de faire coïncider deux emplois du temps et d’établir une jonction entre deux itinéraires. Car chacun avait ses exigences et ses priorités. À un moment donné, l’affaire semblait même insoluble. Mais ni l’Aventy, ni le Zeph ne voulaient que leur parole se dévalue dans un mouvement rétrograde.

Après une intense cogitation de part et d’autre, un compromis a été trouvé. Le lieu du compromis était l’île de Ponza, dans l’archipel des Pontines.

 

La volupté de la danse

 

Honorer sa propre parole n’est pas toujours facile.

Mais la parole de l’amitié doit être une parole fiable, qui ne prévoit pas ou qui n’a pas l’habitude de se rétracter.

Autre exemple de parole ni oiseuse, ni oisive : celle du Mayapi, que le Zeph a revu à Kαλαμάτα – ΚΑΛΑΜΑΤΑ, trois ans après la première rencontre à Πόρος – ΠΟΡΟΣ.

Pendant trois ans, le Mayapi a attendu le retour du Zeph dans les flots grecs. Et le hasard a fait qu’en août dernier, tous les deux se sont retrouvés dans le Péloponnèse, du côté du flanc Ouest, le Zeph à Πύλος – ΠΥΛΟΣ, et le Mayapi à Kαλαμάτα – ΚΑΛΑΜΑΤΑ.

Tout allait bien alors pour organiser les retrouvailles ? Nullement ! Les deux nefs étaient séparées par la largeur de la presqu’île du Magne, largeur qui faisait un peu plus de cinquante kilomètres. Cependant, l’obstacle ne venait pas de l’espace, mais du temps. Une fois de plus, le casse-tête de l’emploi du temps s’est invité à la table de la réflexion. C’est le Mayapi qui a fait le premier pas. Il a décalé sa visite de Κορώνη – ΚΟΡΩΝΗ pour venir voir le Zeph. Il y a eu aussi la concession par rapport à la distance : le Mayapi a utilisé un jour de location de voiture pour venir jusqu’à Πύλος – ΠΥΛΟΣ et y passer la journée avec le Zeph.

 

La volupté de la danse

 

Le Zeph remercie vivement le Mayapi de s’être opposé efficacement aux contre-temps qui menaçaient la perspective des retrouvailles.

La parole du Mayapi n’avait pas l’apparence grandiloquente d’un serment, mais elle avait la puissance infaillible d’un serment.

Et le Mayapi a veillé à ce que cette parole ne se rétracte pas, malgré les circonstances défavorables qui se développent.

Le Zeph est très heureux de rencontrer, sur sa route, des navigateurs qui tiennent parole. La confiance ainsi établie est un puissant réconfort face à l’inconfort de l’aléatoire.

La volupté de la danse de Salomé a fonctionné en tant que révélateur de la consistance de la parole d’Hérode Antipas.

Une parole d’honneur est irrévocable.

En 1728, la Marquise de Lambert a écrit : « La seule parole d'une honnête personne doit avoir toute l'autorité des serments. »

La parole de nos amis romains, de l’Aventy et du Mayapi correspond à la définition donnée par la Marquise de Lambert.

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