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Le désir peut venir d’en face, de la rive opposée. Il peut aussi naître juste à côté, sur le même bord.

Au cinquième siècle avant notre ère, en face d’Athènes, de l’autre côté de la Mer Égée, c’était le territoire du Roi des rois. Un désir violent, impérieux et impérialiste poussait le monarque à ne faire qu’une bouchée de la toute jeune démocratie grecque.

Mais les Grecs ne se laissaient pas avaler aussi facilement. En l’an 490 avant notre ère, Marathon avait déjà mis un frein au désir avide de l’ennemi.

L’envahisseur, incarné par la dynastie perse des Achéménides, n’allait pas abandonner de sitôt son désir de Grèce. Devant Marathon, Darius le Perse a échoué. Désormais, c’était son fils Xerxès qui nourrissait le désir obsessionnel de venger la défaite subie à Marathon..

Chez Xerxès le Perse, le désir de Grèce s’affichait avec la plus grande transparence. Cette transparence avait une finalité double. Premièrement, il s’agissait de semer l’effroi chez l’ennemi. Deuxièmement, le Roi de rois y trouvait une jouissance anticipée de la victoire rêvée. Il va de soi que son désir de victoire ne pouvait qu’aller crescendo.

Pour envahir la Grèce et la punir, il lui fallait passer de l’Asie à l’Europe. D’où l’indispensable traversée de l’Hellespont. Pour Xerxès, c’était l’occasion de faire frémir le monde entier par le savoir-faire des ingénieurs de l’empire perse. La passerelle de l’Hellespont devait être une prouesse technique époustouflante et un coup de pub terrifiant. La transparence de l’intention guerrière du Rois des rois était affichée : il s’agissait de gagner la guerre psychologique dès le début de la campagne, avant même le fracas des armes.

L’effroi escompté a eu lieu et marque encore jusqu’à nos jours la conscience nationale grecque. Pour les Grecs, ce pont de Xerxès est une manifestation de l’ὕϐρις – ΥΒΡΙΣ, mot qui désigne la démesure, la monstruosité, le sacrilège.

La tâche n’était pas aisée. Il a fallu s’y prendre à deux fois pour que le pont tienne ses promesses. Cela voudrait-il dire qu’il n’avait pas tenu sa promesse à la première fois ? Tout à fait. La fureur du Roi des rois est facile à imaginer. Lui, qui se croyait tout-puissant, qui pouvait tout obtenir tout de suite, se retrouvait bloqué et humilié par un simple bras de mer !

Tous les responsables qui avaient participé à la construction du premier pont ont été décapités pour laver l’affront fait à l’autorité royale. Aux yeux du souverain, c’étaient des incapables et des incompétents, qui méritaient leurs châtiments. Mais quelqu’un d’autre devait aussi être châtié, quelqu’un dont l’indocilité s’est opposée à la volonté du monarque et entravé le désir royal. C’était la mer, qui a osé emporter le premier pont bâti par le Roi des rois. Comme elle s’était mal comportée à l’égard de la réputation du souverain, celui-ci a ordonné qu’elle soit flagellée de trois cents coups de fouet. Fouetter la mer, qui s’est montrée désobéissante !

Avant Xerxès et après Xerxès, personne n’a songé et n’a osé fouetter la mer ! Seul un être enflé du désir irrépressible de toute-puissance comme Xerxès l’a fait !

La transparence de l’ὕϐρις – ΥΒΡΙΣ perse donne froid dans le dos.

Aux dires d’Hérodote, le second ouvrage au-dessus de l’Hellespont a supporté l’énorme poids et les vibrations incessantes pendant sept jours et sept nuits pour permettre à un million sept cent mille hommes de passer de la rive asiatique à la rive européenne.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

Désormais, plus rien ne semblait pouvoir arrêter l’avancée des Perses qui progressaient à la fois par voie de terre et par voie de mer. Athènes, la fière et la rebelle, a été incendiée. Sa mise à sac faisait exulter le désir de vengeance de ceux qui, dix ans plus tôt, avaient été battus à Marathon.

Le désir de victoire était si énorme qu’il a engendré chez l’envahisseur une confiance absolue et le sentiment d’invincibilité.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Assuré de son succès, le monarque a fait installer son trône sur les pentes du mont Αιγάλεω – ΑΙΓΑΛΕΩ , qui dominait le détroit de Salamine. Ainsi il serait en première loge et assisterait en direct à l’affrontement dans les flots.

Le Roi des rois a procédé à la mise en scène de la jouissance de son triomphe, dont il ne doutait plus l’éclat. Son désir de mainmise sur le destin était manifeste. La transparence de la présomption et de l’arrogance du Perse faisait partie du spectacle. Mais c’est méconnaître le destin qui n’a pas dit son dernier mot. En effet, secrètement, le destin a décidé d’être en faveur des Grecs. Le stratagème grec consistait à transformer le gigantisme de la machine de guerre perse en faiblesse irrémédiable, en attirant leurs innombrables mastodontes flottants dans un goulet, qui était le détroit de Salamine.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Grecs sont sortis victorieux à Salamine grâce à l’extrême légèreté de leurs trières et à leur redoutable maniabilité.

Deux cents vaisseaux appartenant à l’envahisseur ont sombré dans le feu, le sang et les flots, tandis que les Grecs n’ont perdu que quarante trières.

D’un bout à l’autre du projet perse, du détroit de l’Hellespont jusqu’à celui de Salamine, la mer Égée véhiculait la transparence du désir impérialiste du Roi des rois.

Au détroit de l’Hellespont, le désir de Xerxès se répandait dans la mer, la jugulait et en faisait sa servante. Dans la baie du Phalère, le désir des Perses a densifié les flots. Dans le détroit de Salamine, le désir du Roi des rois l’a éclaboussé de sang et de suie.

Le désir de venir à bout de l’Hellespont a ébloui Xerxès. Le désir de venger Marathon l’a aveuglé. Le désir de vaincre à Salamine l’a enfumé.

Le désir ne s’arrête jamais en chemin, ne fait jamais marche arrière. Il arrive toujours à son terme, peu importe la nature et la viabilité de celui-ci.

Le désir ne vient pas toujours de loin. Il peut même surgir du milieu du groupe des intimes.

Un homme a consacré ses plus belles années à bâtir un patrimoine colossal. L’homme avait du talent, de la chance et du succès. Sa confiance reposait sur deux êtres. À l’un, il devait faire confiance. À l’autre, il pouvait faire confiance. Le premier était son propre fils, le second était un intendant dévoué, courageux et efficace.

Le fils était dévoré par le désir de domination et de possession. Il donnait libre cours à ses impulsions. La violence était la réponse qu’il apportait pour résoudre les problèmes.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il aimait sa personne plus que tout, d’un amour passionnel, fougueux et sans bornes. La jalousie et la suspicion ne cessaient de l’entraîner dans des machinations ténébreuses.

L’intendant, lui, était mû par le désir de servir les intérêts de son maître et d’être fidèle.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il avait de l’affection pour son maître, admirait la sagesse de celui-ci et prenait grand soin du patrimoine. La gratitude guidait ses décisions, dans l’espace public comme dans la sphère privée.

Quand l’heure du grand départ approchait, l’homme que la fortune avait tant comblé devait choisir l’administrateur qui le remplacerait.

Sentant le moment crucial venir, le fils a fait irruption dans l’espace des réflexions intimes et des décisions solennelles en s’approchant de l’effigie en marbre de son père, image de la maturité avant le déclin.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déjà, à cet instant, le désir perfide était transparent au sujet de son mode opératoire. Il indiquait à l’avance qu’il s’accomplirait par un geste au niveau de la tête et dans le silence. Un geste qui amadouerait la future proie et descendrait de la barbe, en épousant les ondulations de celle-ci. Les concavités et les convexités du marbre évoquaient les sinuosités de la pensée paternelle, auxquelles il faudrait s’adapter astucieusement pour parvenir à l’objectif final.

Puis est venu le moment où l’intendant a été officiellement déclaré comme étant le seul et unique héritier. Fou de rage, le fils déchu a commencé à mettre en route un stratagème diabolique pour assouvir son violent désir de reconquête du pouvoir.

L’histoire s’est passée il y a dix-neuf siècles. Le conteur est Ridley Scott. Il a donné comme nom à l’homme qui devait léguer son immense patrimoine, Marcus Aurelius. Quant au fils sans scrupules, il l’a appelé Commodus. Et pour le fidèle intendant, il a choisi le nom Maximus.

Shakespeare n’aurait peut-être pas donné les mêmes noms, mais il aurait très certainement aimé ce conte, qui met à nu les abîmes du désir.

Marcus Aurelius, s’adressant à son fils Commodus, dont l’amertume de la déception était terriblement transparente : Ma décision te déçoit ?

Commodus :  Tu m'as écrit autrefois quelles sont les quatre vertus majeures : sagesse, justice, force morale et tempérance. Quand j'ai lu cette liste, j'ai su que je n'en avais aucune. Mais j'ai d'autres vertus, père. L’ambition, qui est bien une vertu quand elle conduit à exceller. L'ingéniosité, le courage, peut-être pas sur un champ de bataille, mais... Il y a plusieurs formes de courage. Le dévouement, à ma famille et à toi. Mais aucune de mes vertus n'était sur ta liste. Et même là, tu te comportes comme si tu ne voulais pas de moi pour fils.

Commodus a prêché le rejet pour guetter la protestation et bénéficier d’un désir de rapprochement de la part de l’interlocuteur.

Commodus n’a pas répondu directement à la question. Il n’as pas confirmé la déception, ni ne l’a infirmée. En guise de réponse, il a montré que sa mise à l’écart ne datait pas de ce jour, parce qu’elle était due au fait qu’il affectionnait un système de valeurs autres. Comme son système de valeurs semblait aussi judicieux que celui de son père, la mise à l’écart serait tout simplement une forme d’injustice.

Avec habileté, le désir de mainmise, qui a toujours hanté Commodus, a amené le débat hors du champ des privilèges accordés par l’hérédité et l’a situé dans le domaine éthique, où se trouvaient les cordes sensibles du père qui était aussi philosophe.

Marcus Aurelius était comme amusé quand il entendait son fils énumérer les quatre vertus majeures. Au fur et à mesure que progressait la démonstration, le visage du père devenait le théâtre d’une agitation croissante. Quand la conclusion qui parlait du rejet injustement subi par le fils est tombée, Marcus Aurelius, qui jusque-là est resté debout pour écouter son fils, a cherché à s’asseoir, comme si les forces commençaient à lui manquer.

Marcus Aurelius : Oh Commodus, tu vas trop loin...

Le père était ébranlé.

Commodus, avec une voix entrecoupée de sanglots : J'ai cherché sur les visages des dieux... les moyens de te plaire, de te rendre fier. Un seul mot tendre, une seule étreinte où tu m'aurais pressé contre ton cœur et serré très fort aurait été comme un soleil dans mon cœur pour des siècles et des siècles...

La manière physique de témoigner que la réconciliation était en cours était suggérée : une étreinte où l’être aimé est pressé contre le cœur de l’être aimant, et « serré très fort ».

Hélas, ce serait ce mode opératoire qu’adopterait le fils pour assouvir le désir d’être l’unique successeur. La parole rendait transparente la préparation du geste. Quelle transparence inquiétante et morbide !

Le père écoutait avec une empathie poignante le dernier développement du fils. La transparence du destin de celui qui cessait progressivement d’être le maître du monde pour devenir une chétive marionnette est bouleversante.

Commodus, les yeux larmoyants et la voix entremêlée de sanglots : Mais qu'est-ce qu'il y a en moi que tu hais tant ?

Marcus Aurelius : Oh schhh Commodus...

Le père rapprochait les mains de la bouche comme pour implorer le silence.

Commodus, conscient de son immense talent de comédien et de son redoutable savoir-faire de manipulateur : Tout ce que j'ai voulu, c'est vivre selon tes vœux, César... Père.

Le fils venait de dérouler une longue ligne de pêche, et au bout de l’hameçon, se trouvait un appât très, très bien choisi. Le plaidoyer s’est terminé par une double apostrophe : « César...Père ». Les deux mots « César » et « Père » sont apparus dans cet ordre et non dans l’ordre inverse. Puisque la disqualification avait eu lieu sur le plan administratif, la revanche devait se réaliser sur un terrain plus favorable, qui était celui de de l’affectif. Le plaignant, qui était très intuitif et rusé, a fait appel en s’adressant, non pas à l’autorité impériale, mais à l’affection paternelle. C’est pourquoi le mot « Père » devait être le tout dernier mot, le mot qui résumait tous les autres, le mot qui servait d’appât pour faire venir le poisson. Et effectivement, le poisson est venu !

Le père a cédé aux stimuli des deux mots bien pensés et admirablement coordonnés.

Marcus Aurelius a fait le premier pas, s’est rapproché de son fils en tombant à genoux devant celui-ci, resté debout.

L’homme puissant ne se met pas à genoux. Mais l’homme affectueux, le père qui n’a jamais cessé d’aimer son fils, oui, il est prêt à s’agenouiller pour réaffirmer la véracité et la force de son amour paternel.

Marcus Aurelius : Commode... Tes fautes de fils sont mes défaillances de père !

Le père levait les bras pour insister sur le fait qu’il avait aussi sa part de responsabilité.

Après l’émouvante déclaration de partage des responsabilités, le père a de nouveau tendu ses bras pour serrer contre lui son fils.

Avec ses bras levés en signe de protestation, d’affection et de supplication, Marcus Aurelius, en proie au chagrin, a tendrement dit à Commodus : Viens !

Le fils a hésité, puis finalement s’est penché pour retrouver les bras du père.

Les mains du fils descendaient tout doucement du haut du crâne paternel, longeaient la barbe, celle qui avait été caressée sur l’effigie de marbre. Les regards se sont croisés, dans la peine et la souffrance.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commodus, emporté un nouveau torrent de sanglots : J'aurais massacré le monde entier...

Le père a chaviré à cause du flot de douleur et a laissé tomber sa tête, devenue si fragile et si vulnérable, sur la poitrine du fils, pour y chercher la consolation, le pardon et la réconciliation.

La transparence de l’humilité d’un philosophe et de la bonté d’un père incitait le fils à y voir des signes de faiblesse. Ce dernier s’est emparé de l’avantage stratégique.

Les sanglots de Commodus ont redoublé d’intensité. Sanglots d’amertume et de dégoût à cause de la décision de mise à l’écart. Sanglots de culpabilité parce que le fils réalisait qu’il devait absolument passer à l’acte et ne pas rater l’occasion.

Commodus, traversé par un séisme : ... si seulement tu m'avais aimé !

Pendant qu’il prononçait ces mots, il a « serré très fort » contre sa poitrine la tête de son père, jusqu’à ce que celui-ci soit asphyxié.

Hélas, la transparence des paroles du prélude larmoyant n’était pas vaine !

Indomptable, le désir n’envisage pas l’échec, et ne craint ni le danger, ni la démesure.

Il y a eu à la fois régicide et parricide. Après cette double abomination, qu’était le double meurtre engendré par la jalousie et la colère, le fils s’est tout naturellement auto-proclamé unique successeur de son père. Mû par la fidélité à la maison de son maître, l’intendant s’est incliné devant la nouvelle autorité. Mais l’usurpateur n’allait pas en rester là. Transparent dans son désir de posséder et de dominer, le fils devenu Grand Administrateur n’avait plus qu’une idée en tête : envoyer son ancien rival aux Enfers.

Le désir ne recule devant rien.

Les Écritures hébraïques relatent un autre cas où le désir surgit du cercle de l’intimité. Il s’agissait d’un désir de connaissance, mais cette connaissance n’était pas neutre, ni désintéressée, ni inoffensive. En effet, elle servait des intérêts politiques, militaires et financiers.

Ce désir de connaissance s’exerçait par personne interposée. L’intermédiaire était une femme nommée Dalila. En hébreu, ce nom propre est דְּלִילָה celle qui languit de désir.

Par son nom, l’espionne Dalila était l’instrument du désir. Pour qui travaillait-elle ? Pour l’envahisseur philistin, qui désirait ardemment asseoir sa domination sur Israël et venir à bout d’un Israélite dont la seule force musculaire suffisait à semer la terreur dans toute l’armée philistine.

L’enjeu était de taille, puisque chacun des seigneurs de la coalition philistine promettait de verser à Dalila onze cents sicles d’argent si elle parvenait à percer le mystère de la force extraordinaire de l’Israélite qui mettait à mal le joug philistin. Avec une totale transparence, le puissant désir de connaissance était étroitement lié à un désir immodéré d’argent.

Samson était le nom de l’Israélite qui défiait l’envahisseur philistin.

Dalila avait sa tâche facilitée par le coup de foudre qu’avait Samson pour elle. Profitant de sa position privilégiée, elle a interrogé son amant sur la force exceptionnelle de celui-ci.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le livre des Juges, au chapitre 16, rapporte la réponse de Samson :

וַיֹּאמֶר אֵלֶיהָ שִׁמְשֹׁון אִם־יַאַסְרֻנִי בְּשִׁבְעָה יְתָרִים לַחִים אֲשֶׁר לֹא־חֹרָבוּ וְחָלִיתִי וְהָיִיתִי כְּאַחַד הָאָדָֽם׃

שופטים

 

Alors Samson lui dit : « Si on me lie avec sept tendons encore humides, qui n’ont pas été séchés, alors, à coup sûr, je deviendrai faible et je deviendrai comme un homme ordinaire ».

Juges, chapitre 16, verset 7

La mention de l’humidité, qui apporte la souplesse et accroît la résistance à la rupture a retenu l’attention de l’espionne.

Dalila s’est empressée d’utiliser l’information et d’appeler les gardes philistins prêts à se saisir de Samson. L’Israélite a rompu avec aisance l’entrave inefficace.

Dalila s’est rendue compte que son compagnon s’était moqué d’elle.

Mais le désir ne capitule jamais. Il revient sans cesse à la charge, jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause. Il est transparent quant à sa nature coriace.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dalila a redemandé le secret de l’extraordinaire force musculaire. Le verset 11 du même chapitre donne la réponse de Samson :

וַיֹּאמֶר אֵלֶיהָ אִם־אָסֹור יַאַסְרוּנִי בַּעֲבֹתִים חֲדָשִׁים אֲשֶׁר לֹֽא־נַעֲשָׂה בָהֶם מְלָאכָה וְחָלִיתִי וְהָיִיתִי כְּאַחַד הָאָדָֽם׃

שופטים

 

Et il lui dit « Si on me lie fortement avec des cordes neuves, avec lesquelles n’a été fait aucun travail, alors, à coup sûr, je deviendrai faible et je deviendrai comme un homme ordinaire. »

Juges, chapitre 16, verset 11

Cette fois-ci, Samson a parlé de liens qui n’avaient servi à aucun autre travail auparavant. Le secret commençait à se dévoiler.

En effet, Samson était un enfant du miracle. À l’ange venu annoncer cette naissance miraculeuse, les futurs parents avaient pris l’engagement que leur fils serait entièrement consacré au service divin. Autrement dit, d’après les clauses du contrat, Samson n’exercerait aucune activité qui ne concerne pas les intérêts spirituels d’Israël.

La virginité des liens physiques par rapport à leur usage dans un travail faisait écho à la virginité de la vie de Samson par rapport aux activités profanes.

L’argument de la virginité n’a pas manqué de séduire Dalila. Elle a pris au sérieux la parole de Samson, pour s’apercevoir que celui-ci s’était encore joué d’elle.

Obstinée, mue par l’appât du gain, Dalila n’a pas renoncé. Pour la troisième fois, elle a demandé à Samson de révéler le secret.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le verset 13 relate la réponse de Samson :

וַתֹּאמֶר דְּלִילָה אֶל־שִׁמְשֹׁון עַד־הֵנָּה הֵתַלְתָּ בִּי וַתְּדַבֵּר אֵלַי כְּזָבִים הַגִּידָה לִּי בַּמֶּה תֵּאָסֵר וַיֹּאמֶר אֵלֶיהָ אִם־תַּאַרְגִי אֶת־שֶׁבַע מַחְלְפֹות רֹאשִׁי עִם־הַמַּסָּֽכֶת׃

שופטים

 

 Après cela Dalila dit à Samson : « Jusqu’à présent tu t’es joué de moi pour me dire des mensonges. Indique-​moi donc avec quoi tu peux être lié. » Alors il lui dit : « Si tu veux bien tisser les sept tresses de ma tête avec le fil de la chaîne. »

Juges, chapitre 16, verset 13

L’Israélite se livrait chaque fois un peu plus. Cette fois-ci, il parlait d’une partie de son corps, celle qui avait été expressément mentionnée dans le contrat avec l’ange. Il s’agissait de ses cheveux.

La nuance n’a pas pu échapper à Dalila, qui s’est dépêchée de suivre à la lettre la parole de Samson. Nouvelle déconvenue de l’espionne, qui commençait à en avoir assez de l’humour de l’Israélite.

Au bout de trois échecs, Dalila s’est mise à changer de tactique.

Le désir sait cogiter et innover. Il est transparent dans sa réactivité et son inventivité.

Comment faire pour rendre transparente la carapace de Samson ? Il suffisait de l’émouvoir jusqu’aux entrailles pour qu’il cède !

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le verset 16 montre la nouvelle façon d’agir de Dalila :

וַיְהִי כִּֽי־הֵצִיקָה לֹּו בִדְבָרֶיהָ כָּל־הַיָּמִים וַתְּאַֽלֲצֵהוּ וַתִּקְצַר נַפְשֹׁו לָמֽוּת׃

שופטים

 

Et il advint, comme elle le harcelait tous les jours par ses paroles et le pressait, que son âme  s’impatienta à en mourir.

Juges, chapitre 16, verset 16

Manifestement, Dalila est passée à la vitesse supérieure. Le texte hébreu parle de harcèlement quotidien. L’arme était la parole. Une parole abondante, incessante, enveloppante, déclinée sur tous les registres.

Chaque jour, Samson était confronté à une offensive nouvelle. Le facteur temps jouait en sa défaveur, dans le but de provoquer la lassitude, l’épuisement, et la perte de la lucidité.

La répétition des agressions constitue le harcèlement : Dalila revenait sans cesse à la charge. Le texte hébreu est explicite sur la fréquence, qui est journalière. Il indique ensuite l’effet de ce harcèlement quotidien : l’apparition d’une pression qui mettait l’Israélite sous tension, le poussait à réagir pour mettre fin rapidement à à cette situation pénible. Le verbe אָלַץ sert d’articulation au milieu du verset pour annoncer que les choses vont basculer.

Effectivement, la deuxième partie du verset dit que Samson était atteint par la nouvelle tactique de Dalila. Au sens littéral, le verbe קָצַר évoque un raccourcissement, un rétrécissement. Samson commençait donc à perdre ses moyens, à se sentir dans une impasse. Il se rendait compte que son champ de vision s’en trouvait raccourci, et qu’il en était de même de son espérance de vie. D’où l’agitation qui disait qu’il était aux abois.

Le dernier mot du verset, qui parle d’anéantissement total, tant sur le plan biologique que sur le plan moral, est un terrible plongeon dans l’abîme. L’évocation de la mort dit l’affaiblissement extrême, la détresse insoutenable, la hâte d’en finir.

L’instant où l’Israélite allait livrer son secret devenait imminent.

Samson a révélé que sa force venait de ses cheveux, qu’aucun rasoir n’avait touchés, à cause du serment fait avec l’ange. L’espionne s’est emparée de la précieuse information pour en faire profiter aussitôt à l’envahisseur philistin. En permettant à Dalila de porter atteinte aux cheveux, l’Israélite rompait unilatéralement le contrat contracté avec l’ange. Désormais, Samson était à la merci des Philistins.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour l’empêcher de nuire, ils lui ont enlevé la vue. Puis ils l’ont incarcéré dans la maison d’arrêt pour qu’il y fasse tourner une meule à la façon d’un animal de trait.

Malgré le voile opaque qui recouvrait ses yeux, le dessein divin redevenait transparent pendant ces longues heures où il faisait tourner la meule du châtiment. Dans l’obscurité de l’incarcération, les cheveux de Samson ont repoussé.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À l’occasion d’une fête au temple de Dagon, le projet de revanche et de rachat était plus que transparent. Samson a demandé la mort des Philistins présents dans le temple pour se venger de l’obscurcissement de l’un de ses yeux. Et qu’en est-il de l’autre œil ? Le voile opaque qui a enveloppé celui-ci était la rétribution d’un parjure et rappelait l’inaliénable responsabilité personnelle.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S’arc-boutant sur les colonnes du temple philistin, Samson en a provoqué l’effondrement et a péri sous les décombres, avec l’ennemi.

Avec Dalila dont le nom disait l’état de langueur à cause du désir, la transparence participait à la réalisation de celui-ci, comme s’il avait besoin de s’y contempler pour assurer son accomplissement intégral.

Pas de désir sans harcèlement.

Le désir ne s’avoue jamais vaincu. Il n’abandonne pas. L’obstacle le booste dans son ingéniosité et rend son inspiration encore plus fertile. Le désir est toujours prêt à rebondir et à reprendre sa marche, qui est inexorable. Il peut dévier son chemin, mais il ne changera pas son objectif. Coriace, il empruntera des passages insolites, des raccourcis ou des détours, et parviendra toujours à ses fins.

Le désir est intimement lié aux drames vécus ou provoqués.

Le Zeph s’est laissé aller à la dérive dans la baie du Phalère, là où la flotte de Xerxès s’était massée avant d’être attirée dans le détroit de Salamine.

Le Zeph a encore côtoyé à plusieurs reprises la statue équestre de Marcus Aurelius sur le Capitole, particulièrement lors du deuxième voyage à Rome.

Quant à la force exceptionnelle de Samson, le mousse la contemple deux fois par jour sur la façade occidentale de la basilique de Fourvière lorsqu’il est en route pour son gagne-pain.

La façon dont la transparence du désir donne à voir la trame de l’ambition de Xerxès, du lien filial de Commodus et de la relation amoureuse de Dalila ne laisse pas du tout le Zeph indifférent, loin de là ! Il en frémit, plus que s’il devait affronter de nouveau la fureur de Poséidon !

Mais le Zeph brûle-t-il aussi de désir ? Bien sûr ! Il a un ardent désir, celui de s’ébattre à satiété dans les eaux grecques. Son désir de Grèce est tout à fait transparent. À toute heure, on peut en voir les palpitations et suivre ses élans. Il éclot dans la décoration pariétale de l’espace convivial, dans l’ornement de la table, dans l’habillage de la passerelle. À tel point que lorsque celle-ci a été mise en service pour la première fois à Port Napoléon, les voisins ont cru que nous allions ouvrir du champagne pour fêter l’événement.

 

La transparence du désir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arroser les palmettes grecques de la passerelle avec un breuvage qui n’aurait pas déplu à Dionysos ? Pourquoi pas !

En tout cas, cette passerelle qui rappelle le désir de Grèce chaque fois qu’elle enjambe la mer pour aller vers la terre plaisait beaucoup aux passants de La Ciotat. Nombreux étaient celles et ceux qui freinaient leurs pas pour contempler et scruter les palmettes qui luisaient au soleil.

La transparence du désir chez le Zeph crée un désir transparent chez ses admirateurs.

Le désir de Grèce, qui anime le Zeph, n’a rien à voir avec le désir de Grèce, qui hantait Xerxès. Le Zeph ressent à l’égard de la Grèce un désir pacifique, respectueux, mais tenace.

Pas de vie sans désir.

Le désir est l’aiguillon de la vie.

La transparence du désir donne à voir les motivations qui sous-rendent l'existence, leur caractère édifiant ou destructeur.

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