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Le répit peut être souhaité ou imposé.

Dernièrement, pour le Zeph, c'étaient les deux cas.

Répit malencontreux dans le projet de mobilité sur l'eau, mais aussi répit bénéfique du climat d'angoisse, généré par l'imprévisibilité du déchaînement des éléments.

Avant le répit, il y a eu des projets pour le mouvement, et des mouvements pour le projet.

Suite à l'embellie apportée par la présence édifiante du Lusiades, la flânerie dans le Golfe de Bόλος – ΒΟΛΟΣ (en français : Volos) et l'escapade dans l'archipel des Σποράδες – ΣΠΟΡΑΔΕΣ ( en français : Sporades) s'annonçaient divertissantes, enrichissantes et désirables.

Les mouvements dus aux préparatifs de la route du plaisir renouvelé étaient nombreux.

La mobilité pour un meilleur accès à l'eau douce était la première des priorités. Le Zeph a migré de quelques places, en direction du Nord, pour se toiletter de fond en comble. On faisait la chasse au moindre grain de sel dans le carré, les cabines et la soute, au sol et sur les parois.

On dessalait aussi les vêtements, le linge de lit et tous les textiles d'ameublement.

 

La saison du répit

 

Le vent nous signifiait prestement sa bruyante approbation. Sa bonne humeur enrôlait les étoffes à usage domestique et les métamorphosait en voiles d'agrément.

 

La saison du répit

 

Psychologiquement, le Zeph sentait le vent en poupe.

Sur le plan gastronomique, aussi.

Car des emplettes ont été réalisées pour garnir le giron du Zeph de denrées fraîches, gorgées de saveurs du pays.

Nous nous ravitaillions en produits du terroir auprès de notre fournisseur préféré, Σκλαβενίτης – ΣΛΑΒΕΝΙΤΗΣ, dont le rayon traiteur proposait des moussakas succulentes, à un prix qui convenait parfaitement au porte-monnaie du petit peuple.

 

La saison du répit

 

Sur la photo, à gauche du panneau SUMMER SALE 50% OFF (en français : SOLDES D'ÉTÉ 50 % DE RÉDUCTION), apparaissait une chemise à rayures ocres : c'était le Capitaine qui rangeait son vélo pliant.

Le ravitaillement se faisait avec le destrier argenté du Capitaine pour les denrées fragiles.

 

La saison du répit

 

Quant au mousse, il assurait le transfert des produits qui craignaient moins les chocs, avec la charrette bleue et les caissettes vertes.

Voici une photo faite lors du dernier matin, sur le chemin des emplettes :

 

La saison du répit

 

I love Volos

En français : J'aime Volos

Ces lettres géantes, dressées devant le bâtiment de la Mairie, étaient en phase avec notre état d'esprit.

Oui, nous aimons Volos. Nous aimons la Grèce. Nous aimons le Zeph.

À l'arrière-plan de la photo, au-dessus des jets d'eau dansants, flottait la nef des Argonautes !

 

La saison du répit

 

C'était la nef qui était partie jusqu'en Mer Noire, à la conquête de la Toison d'or.

Quelle aventure passionnante !

La déclaration d'amour, associée à l'image de la nef qui avait ramené la Toison d'or, donnait au Zeph plein d'énergie positive pour qu'il poursuive sa propre aventure.

Voici une photo réalisée juste avant que les amarres reliant le Zeph au quai municipal de Bόλος – ΒΟΛΟΣ ne soient détachées :

 

La saison du répit

 

Nous étions confiants. La longue route jusqu'à l'archipel des Sporades ne nous inspirait plus d'inquiétude, ni par rapport aux colères des éléments, ni par rapport aux réserves alimentaires quand l'accostage s'avérerait impossible.

Voici le Zeph, juste après le largage des amarres :

 

La saison du répit

 

À droite de l'éolienne, le bâtiment dont la façade beige était barrée par une large bande blanche abritait l'Université de Thessalie.

Tout semblait serein.

L'environnement paraissait dénué de toute sorte de malveillance.

La navigation des prochaines heures, des prochains jours et des prochaines semaines se voulait une réussite qui encourage, stimule et enchante.

Hélas, cette navigation s'est arrêtée net, le soir du même jour, à Αμαλιάπολη – AMAΛΙΑΠΟΛΗ (en français : Amaliapoli), dans le Golfe de Bόλος – ΒΟΛΟΣ.

Voici le Zeph à Αμαλιάπολη – AMAΛΙΑΠΟΛΗ :

 

La saison du répit

 

Il était amarré à l'extérieur du port. Tout allait bien, depuis l'arrivée en fin d'après-midi. L'horreur est survenue pendant le repas du soir. Un fracas terrifiant, qui faisait penser à des bouteilles et des verres qui roulaient dans tous les sens dans la cuisine et dans le carré, nous a pétrifiés. Puis, plusieurs fois, le Zeph s'est soulevé, verticalement. Vite, le mousse s'est précipité à l'intérieur pour remédier au désordre. Soudain, il a entendu un cri de grande douleur, comme dans une torture. Remettant à plus tard le rangement, il est sorti sur le pont. Et là, ce qu'il a vu l'a complètement anéanti : sur le quai, gisait le Capitaine, qui pleurait à chaudes larmes, en se tenant son bras gauche, fracturé pour la deuxième fois. Il pleurait de désespoir à cause de l'acharnement du sort et à cause de l'agonie de nos rêves.

Le Capitaine avait perdu l'équilibre en essayant de rejoindre le quai pour stabiliser le Zeph. La perte d'équilibre avait été provoquée par le soulèvement inattendu et brutal de la coque. Si l'accident avait été dû à une seule force verticale, il aurait été fatal, car le Capitaine aurait été broyé entre la coque et le quai. Par bonheur, son corps avait atterri à cinquante centimètres de la bordure meurtrière, grâce à une force latérale, apportée par le saut en direction du quai.

Vite, il fallait revenir à Bόλος – ΒΟΛΟΣ pour comprendre ce qui était arrivé au bras gauche. L'absence de connaissance objective concernant le traumatisme subi par le corps faisait enfler l'angoisse et le handicap physique.

Voici le port de Bόλος – ΒΟΛΟΣ, avec les lumières de la nuit :

 

La saison du répit

 

La première instruction du Capitaine était de trouver des Français qui puissent sécuriser le Zeph dans la Marina, qui était payante, bien sûr.

La consigne donnée, à la façon d'une parole avant l'extrême-onction, plongeait le mousse dans le plus grand embarras. Où trouver des Français qui puissent nous aider en pleine nuit ? La Marina serait-elle disponible, à pareille heure ? L'amarrage de fortune satisferait-il les exigences du Capitaine, qui est toujours très méticuleux ?

Pendant que le mousse se tracassait au sujet de la faisabilité de l'instruction, un coup de théâtre est survenu : le Capitaine venait de décider de demander secours aux gardes-côtes. Ainsi le Zeph serait amarré convenablement sur le plan technique, à un emplacement gratuit, en principe. Cerise sur le gâteau – dont nous ne prendrions conscience que lorsque nous serions sur place : les gardes-côtes appelleraient l'ambulance.

Donc, au lieu d'aller sur la droite de la photo, là où le Zeph était amarré le matin de ce jour malchanceux, nous nous sommes dirigés vers le bâtiment des gardes-côtes, dans l'espoir d'obtenir quelque répit à notre souffrance. Le bâtiment des mains secourables était le bâtiment jaune, tout de suite à droite du ferry HELLENIC SEAWAYS, qui exhibait ses lumières blanches.

Face à la brutalité des événements, une question se pose : « Où étaient les divinités dans tout cela ? »

Question non futile, non théorique, non obscure.

Il existe deux indices éclairants.

Le premier a été fourni six jours avant l'accident.

En effet, le 11 août 2021, une violente tempête nous a surpris pendant que nous étions en train de prendre l'apéro sur le Lusiades. Le Capitaine du Zeph a compris les premiers signes avant-coureurs. Vite, il a pris congé du Lusiades pour mettre le Zeph en sécurité.

Le mousse est resté un petit moment sur le Lusiades pour aider à ranger la table et le décor de l'apéro. Puis il a essayé de rejoindre le Zeph. Avec beaucoup de mal. Car l'eau de la mer s'abattait perpendiculairement au quai, comme si elle était sur le point de le pourfendre.

Le mousse a dû attendre un répit de cette rage destructrice pour courir vers le Zeph, sans être emporté par ces déferlantes diaboliques.

Dans la photo suivante, sur la droite, on peut voir l'eau qui se ruait sur la pierre pour y ouvrir une brèche.

 

La saison du répit

 

Le Capitaine a replié le bimini pour réduire la prise au vent. La lumière aveuglante de l'éclair a pu se répandre sur tout le pont arrière et provoquer l'impression que la capote rouge qui protégeait les instruments se décolorait par frayeur.

À de très nombreuses reprises, le ciel était zébré par des décharges électriques qui s'en donnaient à cœur joie.

 

La saison du répit

 

Des pleurs ont retenti sur le quai, comme si l'apocalypse était survenue. Des lamentations se sont élevées de dessus les bateaux, comme s'ils subissaient la redoutable étreinte de l'enfer.

Et le Zeph dans tout cela ? Il a tenu bon, grâce à la réactivité optimale du Capitaine.

On mesure l'ampleur de la bataille en comptant les morts tombés sur le terrain.

Les dégâts causés par la sauvagerie de la tempête ont été nombreux et importants. Tous les bateaux ont payé un tribut. Tous, sauf le Zeph. Oui, seul le Zeph a été épargné, comme par miracle. Sans hésiter, nous y avons vu la clémence que les divinités avaient à l'égard du Zeph.

La violence des flots qui se sont rués sur le quai a ramené vers celui-ci tous les déchets du port. La multitude de ces objets flottants assiégeait l'hélice. Aussi le Capitaine a-t-il entrepris d'assainir le proche environnement de celle-ci.

 

La saison du répit

 

De l'extrême violence de la tempête, le Zeph n'a eu que le désagrément d'un cloaque dû à l'afflux massif des détritus poussés par des vagues en furie. Mais aucune détérioration structurelle n'a été constatée concernant le Zeph.

Est-ce possible que cette clémence nous soit retirée au sujet de la chute à Αμαλιάπολη – AMAΛΙΑΠΟΛΗ ?

Six jours après la manifestation de cette protection accordée par les divinités, un second indice concernant leur attitude a été fourni quelques heures avant l'accident qui a causé la fracture du bras.

En effet, vers le milieu de l'après-midi de ce jour d'épreuve, le Zeph est passé devant des coques aux noms insolites. L'une d'elle s'appelait ΠΑΡΑΚΛΗΤΟΣ.

 

La saison du répit

 

ΠΑΡΑΚΛΗΤΟΣ, en lettres majuscules. Avec des minuscules, c'est παράκλητος, qui est formé à partir du préfixe παρα (à côté, auprès de) et de la racine καλέω (appeler).

Selon l'étymologie, παράκλητοςΠΑΡΑΚΛΗΤΟΣ désigne l'être qu'on appelle auprès de soi, pour recevoir du secours, de l'aide ou du réconfort.

Le terme apparaît dans ce passage des Écritures grecques :

κἀγὼ ἐρωτήσω τὸν πατέρα καὶ ἄλλον παράκλητον δώσει ὑμῖν ἵνα μεθ᾽ ὑμῶν εἰς τὸν αἰῶνα ᾖ

ΤΟ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. ιδ’. Στίχος ις’

 

et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous

Bonne nouvelle selon Jean. Chapitre 14. Verset 16

 

Dans cette déclaration, le Nazaréen exhorte ses disciples à ne pas se laisser engloutir par le chagrin et le découragement à cause de sa mort, car son Père céleste leur enverra une autre source de consolation, qui sera l'Esprit saint. En effet, l'effusion de l'Esprit saint a lieu à la Pentecôte, cinquante jours après le repas pascal.

Dans le cas du Zeph, la vision du bateau nommé ΠΑΡΑΚΛΗΤΟΣ (en français : CONSOLATEUR) était un signe indiquant qu'au milieu de l'épreuve, l'appel au secours serait entendu et le réconfort apporté soulagerait la douleur.

Autre fait nullement anodin : à bâbord de la coque de la consolation, se trouvait une autre coque qui s'appelait ΖΩΗ. ΖΩΗ, en lettres majuscules. Ζωή, avec les minuscules. En français : Vie. C'est-à-dire la négation de la mort, de l'issue funeste, de tout ce qui est mortifère. C'était la promesse que le souffle de vie ne s'éteindrait pas.

Au milieu de la nuit de détresse, il existait une véritable raison pour nous consoler : la vie du Capitaine a été préservée. De plus, aucune vertèbre n'a été endommagée et aucun nerf n'a été touché. Le système nerveux, dans son intégralité, était sauf. Le Capitaine ne serait pas comme un légume !

Nous ne voulons pas commettre l'impiété de penser que les divinités aient abandonné le Zeph à son triste sort. Au contraire, nous leur sommes infiniment reconnaissants d'avoir apporté un répit à l'angoisse en nous montrant la route vers le giron protecteur des gardes-côtes.

 

COMMENTAIRE DU CAP'TAIN LUI-MÊME !

Le mousse a raison. Les divinités ont protégé le ZEF et moi itou ! Elles n'ont pas pu éviter que je choie sur le quai parce que, telle était ma décision de faire le singe, mais elles ont tout fait pour limiter les dégâts et préserver l'essentiel ! Comme quoi, sur l'eau, quand on s'balade tel le disait PLATON, sur la peau du diable, on finit toujours par reconnaitre la présence subtile et réelle des divinités. On ne cherche pas à les invoquer soi-même, mais on est dans l'acceptation totale de leur présence à nos côtés.

Pierre

Tag(s) : #Argonautes, #Bόλος, #Jean 14 : 16, #Répit, #Αμαλιάπολη, #παράκλητος, #Σκλαβενίτης
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