L’émerveillement nous est apporté avec constance, jour après jour, par Dame Féline, à qui nous avons donné le surnom grec Κανέλα.(en français : Cannelle).
La nature a doté Κανέλα de la possibilité d’allaiter.
C’est cette compétence spécifiquement féminine qui nous comble de bonheur par la pureté et la grâce des spectacles qu’elle nous offre.
Voici l’un des premiers spectacles qui nous sont offerts :
Le spectacle était plein de tendresse et de vérité.
Il s’agissait de la tendresse entre une mère et sa fille. En effet, la créature qui tétait avait la vocation de devenir un jour mère à son tour.
La fille de Κανέλα, nous l’avons appelée Fleur de Sel, à cause de son pelage beaucoup plus blanc.
C’était un instant de vérité car la fusion des corps se faisait tout naturellement, en toute simplicité.
Fleur de Sel aimait tellement le lait de sa mère qu’elle enfouissait sa tête dans l’abdomen de celle-ci.
L’ivresse de la dégustation nous fascinait.
La photo ne montre pas le visage de la jeune créature hédoniste, qui est enfoui dans le bonheur fusionnel.
Voici ce visage, quand il a repris son individualité :
Le museau couleur framboise disait l’appétit de vivre. Les yeux grands ouverts exprimaient l’énorme curiosité pour le monde environnant. Mais la mélancolie qui habitait le regard rappelait la tristesse qui colorait le chant de la Callas.
L’ensemble demeurait très attrayant, grâce à la fraîcheur du teint et à l’étonnement perpétuel qui traduisait l’irrésistible désir de comprendre.
Parmi les choses que Fleur de Sel a comprises, il y avait l’accès au lait maternel. Elle comprenait toutes les modalités, toutes les opportunités, toutes les stratégies.
Voici la voici dans un assaut pour s’emparer du lait tant désiré :
La projection du jeune corps contre le corps de l’adulte déséquilibrait celui-ci. Pour ne pas tomber à la renverse, Κανέλα passait une patte au-dessus du corps de sa fille.
L’impatience de Fleur de Sel était juvénile. Son insistance était ludique. Son appétit faisait sourire.
Regardez le genre de relation qu’elle entretenait avec le dispositif de distribution du lait maternel :
La force de traction exercée par la bouche se produisait pendant que les pattes de devant prenaient appui sur le flanc maternel pour repousser celui-ci.
Cet antagonisme directionnel pourrait indiquer une quête de stabilité et de confort pour la position adoptée. En tout cas, c’était la phase sérieuse où le flux du lait ne s’interrompait pas.
Mais en fait, l’opposition entre la traction par la bouche et la poussée par les pattes préparait une belle surprise, celle de la détente, au sens propre comme au sens figuré :
Fleur de Sel a tiré tellement fort sur la tétine que le contact épidermique a été rompu.
Interloquée, la tétine a gardé la courbure laissée par la gourmandise.
Quant à Fleur de Sel, son geste de retrait a provoqué le renversement de son corps.
La lèvre qui s’exhibait sur les babines indiquait une double jouissance : celle procurée par la saveur du lait maternel mais aussi celle procurée par la position renversée.
Vous l’aurez compris : Fleur de Sel avait un tempérament très joueur.
Elle jouait à faire des contorsions, des rotations, des renversements.
La voici qui prenait possession du flanc maternel en faisant une acrobatie :
L’abordage se faisait sur le côté, comme s’il y avait un obstacle frontal. Or, il n’y avait point d’obstacle frontal. Seul le plaisir de faire des contorsions avait inspiré la configuration.
Fleur de Sel n’aimait pas la raideur de la ligne droite. Son corps se plaisait dans la sinuosité, en toutes circonstances, c’est-à-dire même dans une rotation autour de l’axe longitudinal. En raison de cette rotation, il y avait une torsion du cou et un renversement de la tête. De plus le ressaut formé par la planche de bois imposait au corps de se plier au niveau de l’abdomen. Ce pli équivalait à un arrêt sur image dans un mouvement de tangage entre la proue et la poupe d’un bateau. Fleur de Sel aurait pu se mettre sur la même planche que sa mère. Mais non, Fleur de Sel n’aimait pas la platitude et préférait le relief.
Spatialement, rien n’est routinier en compagnie de Fleur de Sel. Socialement, non plus.
Κανέλα s’adaptait à l’imagination de Fleur de sel. À ce sujet, la mère complimentait même sa fille par des câlins :
Les câlins se chargeaient de plus en plus d’amour :
Les deux corps se pressaient de plus en plus l’un contre l’autre. Les deux têtes s’enfouissaient avec délices dans le cocon de l’intimité.
Même quand l’instant de communion respiratoire a pris fin, la mère a continué de montrer son affection à l’égard de sa fille :
La caresse de la patte accompagnait délicatement la caresse de la langue. La tendresse exprimée par ce double geste est extrêmement émouvante.
Fleur de sel avait confiance dans la bonté et la patience maternelles. Alors elle s’aventurait dans les configurations les plus insolites.
Voici un autre exemple où Fleur de Sel s’adonnait à ses joies de saltimbanque au moment de se nourrir :
Le bloc de bois était plus épais que la planche de tout à l’heure. Le ressaut était donc plus haut. Qu’importe le relief ! Celui-ci ne pouvait que stimuler le plaisir de l’escalade et celui de la contorsion à flanc de colline.
D’après ce qui précède, ce serait donc Fleur de Sel qui mènerait la danse dans le duo mère-fille.
Est-ce à dire que Κανέλα était si consentante qu’elle en devenait totalement passive ?
L’épisode suivant révèle le rôle véritable de chaque protagoniste.
Le décor de scène était constitué par les planches qui servaient à amarrer dans la direction du Sud la tente sous le catamaran :
Le cordage gris participait à l’amarrage de la tente.
Ici, l’abordage du sein maternel se faisait classiquement, de manière frontale.
Mais Fleur de Sel ne pouvait pas s’empêcher d’incliner sa tête, peut-être par nécessité, mais aussi en raison de son instinct ludique.
Κανέλα se montrait très attentive aux besoins de sa fille jusqu’à...jusqu’à ce que le bon sens maternel mette un terme aux excès. Si Fleur de Sel avait la prérogative de déclencher la tétée, c’était à Κανέλα que revenait en définitive la décision d’arrêter, momentanément du moins, l’allaitement. Voici Κανέλα qui esquissait le départ sans prévenir Fleur de sel :
Prise au dépourvu, Fleur de Sel s’est quand même pliée à la décision maternelle, sans maugréer, sans ronchonner, sans miauler.
L’attitude pacifique de Fleur de Sel ne signifiait nullement qu’elle avait abandonné la partie. En vérité, elle attendait sa mère au tournant, au sens figuré mais aussi au sens propre.
Effectivement, le hasard a fait que Κανέλα a commencé à effectuer un demi-tour, comme si elle voulait revenir sur ses pas.
À peine la mère a-t-elle amorcé le tournant que la fille s’est précipitée de nouveau sur les mamelles du désir :
Comment la mère a-t-elle accueilli ce deuxième assaut mené par sa fille ?
Regardez donc :
Κανέλα a donné la tétée à sa fille avec une tendresse accrue.
Et Fleur de Sel a pu enfouir davantage sa tête dans le giron maternel.
Alors qui menait la danse ?
C’était l’affection mutuelle qui établissait le prélude et organisait les enchaînements d’une scène à l’autre.
Leçon de choses
Leçon de vie
Leçon d’amour
Leçon d’émerveillement
Les spectacles de tendresse offerts par Κανέλα et sa fille Fleur de Sel posent la question de la manière dont on remplit l’existence. On ne se construit pas et on ne se reconstruit pas non plus en se nourrissant de pétoche et de catastrophisme. Les fortes émotions n’ont pas besoin d’être corrosives ou toxiques pour apporter un semblant de sel à la vie. Il est possible de donner à la douceur une intensité et à la paix une profondeur qui rendent la vie plus suave.
L’émerveillement, qui naît de la simplicité et non de la sophistication, engendre l’accessibilité à un bonheur immédiat, universel et permanent.
Le pouvoir thérapeutique d’un tel émerveillement est au-delà de toute espérance !