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Le Port de la Bravoure, c'était Tatvan. Il défendait, au bord du lac de Van, les intérêts de Bitlis, une ville fortifiée nommée « Bravoure » par ses habitants.

Le blason de la Municipalité de Tatvan proclame cette vocation portuaire. En effet, l’illustration officielle montre un bateau en service sur le lac de Van :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À l’arrière-plan, se profile le volcan Nemrut, avec son cratère enneigé.

Le service iconographique de la Mairie a ajouté deux créatures ailées en plein vol pour satisfaire la fibre écologique des temps modernes.

À Tatvan, de magnifiques roses ont accueilli nos pas :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur tout le territoire anatolien, les roses symbolisaient la prospérité et le bonheur.

Mais les roses de Tatvan avaient un signe distinct : les pièces florales de chacune d’elles étaient bordées par un liseré d’or, qui procurait un look aristocratique à l’ensemble.

Le cachet de l’inhabituel contribuait à l’esthétique de la distinction. Il délivrait aussi un message de fierté, car l’or qui éblouissait évoquait la réussite sociale, qui était non moins éblouissante.

Dans la photo précédente, les roses se présentaient en face-à-face, avec la similitude des coloris : c’était l’harmonie avec la tonalité de l’ambre. Mais le vis-à-vis pouvait aussi prendre la forme d’un dialogue entre les différences chromatiques. Voici le dialogue entre le pourpre et l’or :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pourpre évoquait le triomphe du pouvoir. L’or, le triomphe sur le temps.

La réussite sociale vantée se caractériserait donc par une coopération synergique avec le pouvoir en place. Quant à l’or, il indiquerait la volonté de rendre pérenne cette coopération.

Le spectacle des roses n’utilisait pas toujours le dispositif de la symétrie. Dans ce bouquet, le pourpre et l’or se mélangeaient sans se préoccuper de l’ordonnancement :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce tableau de la réciprocité causale, où la profusion exaltait la liberté tandis que la liberté célébrait la profusion, disait que si le succès procurait la durabilité, en retour la durabilité engendrait le succès.

En définitive, l’hôte qui s’est présenté en racontant son ascension sociale, nous a fait une promesse, celle de nous offrir un coin de paradis. Et voici le gage du paradis :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le paon, qui nous regardait accéder à notre espace privé, avait un corps mis en valeur par des filaments d’or qui épousaient minutieusement les courbures du plumage. L’oiseau évoquait le paradis rêvé et retrouvé.

Nous avons rêvé d’un lit bien douillet et nous l’avons trouvé.

L’étoffe qui nous enveloppait dans le voyage onirique de la nuit était décorée par une mosaïque dont chaque parcelle rappelait l’inclinaison des rames.

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bleu des profondeurs de la mer alternait avec l’or pour nous accompagner dans cette glisse vers les rivages de l’inconscient. L’hospitalité du Port de la Bravoure voulait que nous soyons choyés par la magnificence à tous points de vue au cours de notre halte.

Quant aux soins de l’épiderme, ils bénéficiaient de la même sollicitude, toujours avec le concours de l’or qui s’identifiait à l’excellence :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaque serviette portait la signature de l’hôte, laquelle signature était brodée avec des filaments d’or sur un coton d’une blancheur immaculée.

Le contexte du paradis, suggéré par le paon, aurait été inconcevable s’il y avait eu restriction en matière d’alimentation. C’est pourquoi, dans le lieu même de notre repos, un frigo était rempli à notre convenance, pour notre usage personnel :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le compartiment supérieur, était placée de la bière brassée sur la côte égéenne de l’Anatolie. Nous aimions particulièrement le goût EFES, en cannettes bleues.

Dans le même compartiment, à droite du houblon, il y avait des saucisses de volaille, à faire griller pour préparer les amuse-bouches.

Dans le compartiment médian, il y avait au-dessus du jus d’ananas, des champignons blancs, à servir crus, avec une sauce au gingembre.

Le bas du frigo était réservé aux apports en vitamine C : les citrons et les mandarines venaient directement du verger voisin.

Des orchidées fleurissaient l’accès à notre espace privé :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pénombre rendait le liseré d’or plus ténu, donc plus gracieux.

La rampe de l’escalier, elle, était plus accessible pour le soleil, qui s’en donnait à cœur joie pour satisfaire le désir d’apparat chez le maître des lieux :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous les espaces de circulation s’associaient sans réserve à l’apologie de la réussite sociale. L’ascenseur en était un exemple saisissant. Ses parois étaient entièrement recouvertes de hiéroglyphes dorés :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Emprunter cet ascenseur pour changer d’étage, c’était s’immerger dans le faste enivrant des pharaons.

Cependant, l’hospitalité n’était pas une affaire de décor, qui, somme toute, n’était qu’un assemblage de choses inanimées. L’hospitalité, c’était avant tout une volonté humaine, qui entendait, comprenait et satisfaisait les attentes du voyageur.

Voici l’Anatolien qui nous a révélé l’hospitalité du Port de la Bravoure :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au début, il nous a demandé une contribution de 1500 lires turques (52,5 €) par nuit.

C’était le tarif officiel, clairement affiché au guichet de la réception :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur ce tableau des prix, la chambre qui nous a été présentée correspondait à la troisième ligne, à partir d’en haut. En effet, il s’agissait de la catégorie ÜÇ KİŞİLİK ODA.

En français : CHAMBRE POUR TROIS PERSONNES

Car cette chambre, qui était la seule disponible, comportait un lit à deux places et un lit à une place.

Le Capitaine demandait un geste commercial.

L’Anatolien, d’abord choqué, a fini par se montrer conciliant : il ne prenait plus en compte le nombre de places dans les lits, mais le nombre de voyageurs devant lui.

Nous sommes alors hébergés à la deuxième ligne, dans la catégorie ÇİFT KİŞİLİK ODA (en français : CHAMBRE DOUBLE). De ce fait, le tarif passait de 1500 à 1200 lires turques.

De manière inattendue, le Capitaine a demandé un autre geste commercial.

À notre grande surprise, l’Anatolien a accepté le jeu. Avec magnanimité, il a relevé le défi en laissant la chambre à seulement 1000 lires turques (35€) par nuit.

Ce tarif, spécialement inventé pour nous, se situait à mi-chemin entre la catégorie TEK KİŞİLİK ODA (CHAMBRE SIMPLE) à 750 lires turques et la catégorie ÇİFT KİŞİLİK ODA (CHAMBRE DOUBLE) à 1200 lires turques.

Nous découvrions que l’hospitalité du Port de la Bravoure aimait les défis.

Nous nous réjouissions que le Capitaine ait su amener le défi de manière appropriée.

En définitive, nous sommes passés de 1500 à 1000 lires turques, ce qui faisait une économie de 33,33 % sur le prix initial.

Tout le monde était satisfait de cette négociation : nous-mêmes bien sûr, mais aussi l’Anatolien, qui nous a promis de nous réserver ce tarif quand nous reviendrions à Tatvan, après notre tournée autour du lac.

L’Anatolien, qui était encore au printemps de sa vie, avait carte blanche pour gérer le bien de famille, qu’avait constitué la figure paternelle. Le père de l’Anatolien siégeait parmi les notables de la ville. L’or, qui parait l’hospitalité qui nous était offerte, racontait cette réussite sociale.

Cet or, qui semblait ruisseler de toutes parts, n’était pas de mise en deux endroits.

La première exception était conceptuelle. L’autre était événementielle.

Voici la première situation où l’or n’avait pas sa place :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans cette calligraphie en 3D du nom de Dieu ( الله ) , le alif initial ( ا ) sert de mât à une embarcation dont la coque est déjà dorée. Comme la pureté est l’un des attributs divins, l’argent a remplacé l’or dans l’écriture du nom divin.

Quant à l’événement qui faisait que la présence de l’or était incongrue, il est évoqué par la photo suivante :

 

L'hospitalité du Port de la Bravoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il s’agissait de la mosquée appelée Ibadullah Cami, située à deux pas de là où nous avons logé à Tatvan.

La photo a été faite un vendredi, vers la fin de la matinée, juste avant que d’importantes forces de police n’investissent cet escalier principal qui menait au parvis. Manifestement il y avait la crainte qu’un attentat n’ait lieu pendant la Grande Prière du Vendredi. Anxiogène, le climat est vite devenu toxique. Un état de guerre s’est emparé de tout l’espace de la mosquée en faisant proliférer la suspicion et la xénophobie.

Ainsi, l’or qui ruisselait au début de cet article servait à se convaincre qu’il n’y avait pas d’insécurité et que tout baignait dans la concorde.

L’opulence affichée peut-elle ne pas être précaire quand la discorde est récurrente ?

L’emphase du discours de la consolation n’a pas empêché l’hospitalité de pâtir de l’irréductibilité des antagonismes.

Tag(s) : #2023 La TURQUIE, #L'ANATOLIE orientale
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