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L’hospitalité est le contraire de l’indifférence, de l’égocentrisme, du faux-semblant, de l’avarice.

À Göreme, l’un des noms que portait l’Anatolie des cheminées de fée, le mousse s’est passionné pour les formes et les palettes de couleurs qu’exhibait l’univers minéral. Voici un début de sentier, où l’érosion montrait très tôt son talent pictural :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le tournant du fond, apparaissait une cheminée de fée, mais le mousse n’était nullement pressé de s’y rendre, car son regard était attiré par des rubans de granit ocre, qui précédaient la cheminée de fée :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’appariement des sillons suggérait une respiration qui faisait palpiter des plans horizontaux.

Pour faire la photo, le mousse a dû se baisser. Au moment où il s’est relevé, une grappe de raisin l’attendait dans son dos.

L’Anatolien qui tenait ainsi le raisin a vu tout le manège du mousse. L’Anatolien ne s’est pas contenté de voir. Il a aussi tendu la main pour cueillir le raisin et actionné ses jambes pour l’apporter au chasseur d’images.

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hospitalité honore la présence du visiteur en se montrant solidaire des projets de celui-ci.

L’Anatolien a voulu en savoir un peu plus sur celui qui faisait tant d’acrobaties pour une photo. Pour demander le nom du mousse, l’Anatolien a dit : « What’s my name ? »

Littéralement : « Quel est mon nom ? »

Manifestement, il y avait un lapsus, qui concernait l’adjectif possessif.

Ce lapsus a interloqué le mousse, qui a fini par comprendre que l’Anatolien a récité machinalement une phrase apprise jadis sur les bancs de l’école.

Malgré l’emploi de « my » à la place de « your », le mousse a répondu : « Minh ».

Aussitôt un beau sourire a éclos sur les lèvres de l’Anatolien.

Il existe une interprétation qui sublime la faute de grammaire : l’Anatolien faisait sienne l’identité du mousse, laquelle identité se voyait à travers les choix artistiques.

Autrement dit, l’accident de langage traduirait le fait que l’Anatolien ressentait les mêmes choses que le mousse au moment où celui-ci a fait la photo.

L’hospitalité était alors une osmose entre deux tempéraments artistiques.

Voici l’Anatolien pour qui le « tien » est devenu le « mien » :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Accueillir celui qui vient d’ailleurs en considérant cet ailleurs comme une source de joie et d’édification, c’est faire « nôtre » ce qui est « tien ».

Cette métamorphose du « tien » en « nôtre » a eu lieu à Ürgüp, la ville aux cheminées de fée illuminées. Le geste de l’hospitalité qui nous concerne s’est produit devant la sculpture qui rendait hommage à l’artisanat local :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’art du tissage y était évoqué par rapport au contexte de la Route de la Soie.

Pendant que le mousse essayait de capter l’expression du visage chez chacun des trois protagonistes, une jeune Anatolienne qui a vu les manœuvres du mousse s’est montrée très désireuse d’avoir une effigie de celui-ci.

Sans doute a-t-elle toujours rêvé de voir l’Orient-Extrême en chair et en os. Eh bien, ce jour-là, devant une commémoration de la Route de la Soie, son rêve s’est accompli.

Bien sûr, le mousse a tout de suite donné le feu vert.

La jeune Anatolienne en était très émue.

Après la photo, elle s’en est allée comme si ses chaussures avaient des ailes.

Dans l’affaire, qui a offert l’hospitalité à qui ? Qui a fait du bien à qui ?

C’était la jeune Anatolienne qui avait ouvert tout grand son cœur pour y loger une présence venue d’ailleurs. Pour elle, ce geste de l’hospitalité était à la fois un privilège et une récompense.

L’hospitalité à Ürgüp émouvait autant le visiteur que l’hôte.

Le tableau de l’hospitalité des cheminées de fée se peignait à la manière d’une aquarelle, par touches légères, avec la délicatesse de la caresse du pinceau. Point d’emphase, point de grandiloquence. La nuance était à l’honneur pour mieux apprécier la joliesse du détail

À pas feutrés, le geste de l’hospitalité est venu vers nous à Uçhisar, pendant que nous explorions la Vallée des pigeonniers.

Dans une clairière, un Anatolien s’est approché du Capitaine pour remettre à celui-ci un objet. L’abordage était inattendu, silencieux et précis. L’objet remis était une noix fraîchement cueillie de l’arbre. L’Anatolien connaissait le lieu et la saison. Aussi a-t-il voulu faire entrer le visiteur dans l’univers des saveurs de la terre nourricière.

La chair nacrée de la noix avait le goût du lait frais.

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les portions étaient petites. Mais quel délice pour les papilles !

Voyant notre plaisir immédiat et intense, l’Anatolien a donné au Capitaine une deuxième noix, fraîchement cueillie aussi. Voici le Capitaine en train d’éplucher la deuxième noix, à côté de l’arbre dont le tronc avait servi à briser la coque :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec une simplicité qui était synonyme d’élégance, l’Anatolien nous a accueillis dans son patrimoine, sans tapage et sans frivolité.

L’Anatolien n’a pas dit un seul mot quand il nous a donné les noix. Le geste de la main tendue était non équivoque et se suffisait à lui-même. La bonté n’avait pas besoin de vocabulaire ou de grammaire pour se révéler.

Mais nous, qui étions débiteurs, nous n’avions pas oublié les rudiments de la politesse. Et malgré l’effet surprise, nous n’avons pas perdu le réflexe oral de dire “Çok teşekkür ederim !” (en français : Merci beaucoup !).

Ravi que la découverte gustative nous ait plu, l’Anatolien est reparti sans gesticulation inutile. La conviction d’avoir été serviable n’avait que faire de l’exubérance.

Sans l’initiative de l’Anatolien, notre promenade aurait eu beaucoup moins de charme.

L’hospitalité rend le voyage plaisant et instructif.

Sur la photo suivante, l’homme qui nous avait offert les noix se trouvait à la tête d’un groupe de quatre autres randonneurs, dont une jeune femme et trois jeunes hommes :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le groupe était en train de s’approcher de la sortie de la Vallée de pigeonniers.

Deux des trois jeunes hommes se sont retournés au moment de la photo. La joie qui illuminait leurs visages disait leur gratitude pour le geste du mousse, qui voulait sauver de l’oubli la beauté de la rencontre.

Si l’hospitalité est toujours l’engagement à titre individuel, elle honore néanmoins tout le groupe social.

L’hospitalité des cheminées de fée mettait bien en évidence la relation qui existait entre le caractère individuel de l’initiative et le bénéfice collectif que cette initiative rapportait.

Le chant lyrique a exploité habilement cette dualité en produisant une manifestation somptueuse de l’hospitalité sur le site des cheminées de fée.

Voici le cadre offert par la géologie :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La cheminée de fée qui apparaissait vers le centre de la photo a servi d’abri pour l’éclosion d’une grande ferveur envers la transcendance. Au moment de notre visite, l’édifice religieux s’envolait dans le chant d’une mezzo-soprano.

Très chanceux, le mousse a été admis dans le cercle restreint des spectateurs du concert privé. Quand le mousse a demandé la permission de photographier la cantatrice à la fin du concert, sa requête a été interprétée comme une demande d’autorisation pour filmer des pans entiers du concert.

Contre toute attente, l’autorisation de filmer a été immédiatement accordée au mousse.

Ainsi, celui-ci a pu filmer, en faisant usage du trépied, un cantique entier, avec comme arrière-plan, des fresques qui avaient douze siècles d’existence.

Le premier geste d’hospitalité était l’admission, inespérée, entre des murs qui vibraient de spiritualité.

La manifestation suivante de l’hospitalité était l’accueil, sublime, au sein d’un univers extrêmement chatoyant à travers les lignes mélodiques.

Le point culminant de cette pratique de l’hospitalité était l’octroi de la confiance, une confiance totale et absolue dans l’usage de la vidéo de la performance lyrique.

En effet, par rapport à la technique vocale, il y a eu une performance éblouissante. Le mousse a dit à la cantatrice qu’elle chantait comme فيروز (en français : Fairuz), mais dans un registre plus grave.

Quant à l’éthique, la cantatrice et son compagnon se sont empressés de confier au mousse qu’ils étaient kurdes. Le chant qui venait de faire vibrer les murs de l’espace sacré serait un hymne à la liberté du peuple kurde.

Dès que la dernière note du cantique a fini de résonner, le compagnon de la cantatrice a dit au mousse : « Est-ce que je peux t’embrasser ? » Bien sûr, le mousse a dit « oui ». Tout de suite, le Kurde a serré entre ses bras fraternels le mousse tout ému.

La cantatrice a ouvert grands ses bras pour accueillir dans son Royaume de la Musique un visiteur épris d’art lyrique. Cet accueil était en fait réalisé au nom de tout un peuple, dont la cantatrice était l’ambassadrice.

Voici l’ambassadrice et son compagnon :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après le concert de la mémoire, la cantatrice et son compagnon étaient repartis avec beaucoup de dignité et de grâce, à cheval, à la manière des Anciens :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le geste d’hospitalité du peuple kurde était l’un des points forts du voyage au pays des cheminées de fée.

Un autre point fort s’est déroulé à Ürgüp, dans le quartier historique des Halles, vers lequel nous avons été dirigés parce que nous voulions acheter des recharges pour le camping gaz de la cuisine. On nous a dit de nous adresser à un magasin qui vendait des produits pour la chasse. Voici ce magasin :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La devanture portait l’inscription :

KAPADOKYA

AV BAYİİ

 

En français :

CAPPADOCE

MARCHAND DE CHASSE

 

À gauche de la pancarte, un dessin confirmait la fonction indiquée sur la ligne inférieure.

Sur la photo, le Capitaine était tout heureux. En effet, on pouvait enfin acquérir des recharges aux normes de l’Union Européenne. Dans le sac noir que tenait la main gauche du Capitaine, il y avait quatre de ces recharges, les quatre dernières que possédait ce magasin.

Mais la véritable cause de cette grande satisfaction du Capitaine ne se trouvait pas dans le sac noir, mais dans cette scène qui avait eu lieu juste avant :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La photo montre des agapes auxquelles nous étions conviés.

L’Anatolien qui a lancé l’invitation se tenait derrière le Capitaine.

Dans un premier temps, l’Anatolien a facilité l’échange commercial parce qu’il était francophone.

Puis, au moment où nous nous apprêtions à franchir la porte de sortie, il nous a rattrapés pour nous dire, en français : « Vous voulez manger ? »

La question de l’Anatolien nous a laissés pantois. Puis finalement, nous nous sommes laissés tenter par l’insolite. Nous avons alors suivi l’Anatolien qui nous a menés vers la pièce contiguë au hall de réception. Dans cette arrière-boutique, nous avons vu d’autres Anatoliens, qui étaient déjà attablés au tour d’un grand plat circulaire, qui venait de sortir du four et qui dégageait une odeur très appétissante. Aucun des Anatoliens déjà assis autour de la table n’était étonné de nous voir arriver. Au contraire, tous, sans exception, étaient très, très contents que nous nous joignions à eux.

Ce que nous vivions là était vraiment exceptionnel. D’abord, il y avait le goût très savoureux du plat, qui était une sorte de bœuf bourguignon, préparé non pas avec de la viande en filaments mais avec de la viande hachée. Ensuite, il y avait le pain en rosace, bien chaud et bien croustillant, qui venait lui aussi de sortir du four du boulanger. Et enfin et surtout, il y avait cette magnifique fraternité qui associait le bonheur de la nourriture, le bonheur du partage et le bonheur de l’affection.

Devant ces instants exceptionnels que nous offrait l’hospitalité des cheminées de fée, le mousse a demandé l’autorisation d’en garder un souvenir concret et palpable. Tout de suite l’autorisation de faire la photo lui a été accordée. Le mousse a saisi l’occasion favorable, sans chercher à se montrer exigeant. D’où la photo à contre-jour.

L’appétit, la bonne humeur, la communion fraternelle allant croissant, le mousse a pris l’audace de s’éloigner un peu plus de la table et de contourner plusieurs rayonnages pour refaire la photo, mais avec le bon éclairage.

À ce moment-là, arrivait un Anatolien portant une chemise rose. Mais plus que la couleur rose de la chemise, le dynamisme et la jovialité rendaient cette nouvelle présence extrêmement attirante. L’Anatolien à la chemise rose nous a salués avec beaucoup d’enthousiasme et de bonté :

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans savoir qui nous étions, d’où nous venions, ni pourquoi nous nous trouvions là, l’Anatolien se félicitait d’avoir notre compagnie et se montrait très fier que ses amis nous aient invités.

L’impulsion nouvelle apportée par l’Anatolien à la chemise rose a permis au mousse d’obtenir un meilleur portrait de l’harmonie finale.

 

L'hospitalité des cheminées de fée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au magasin de chasse d’Ürgüp, l’initiative individuelle qui a été à l’origine du geste de l’hospitalité a suscité une grande réjouissance collective.

Avec finesse, l’hospitalité des cheminées de fée substitue à la réalité de la fraternité clanique la vision de la fraternité universelle.

Tag(s) : #2023 La TURQUIE, #L'ANATOLIE centrale, #Cappadoce
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