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Il s’agit d’un centre névralgique de l’Anatolie, qui a été rebaptisé en l’honneur de César Auguste. Le nom officiel de la cité commémorative était καισαρεία (transcription : kaisaria). Du triplet consonantique k-s-r, la langue arabe a créé la racine trilitère , qui sous-tend l’appellation seldjoukide قیصری (transcription : Kayseri). D’où le nom Kayseri en usage dans l’Anatolie du XXIè siècle.

De ce passé glorieux, l’hospitalité de la Cité de César a voulu s’en souvenir en offrant au visiteur la sensation de fréquenter les palais de l’Empire romain. Le marbre était l’élément clé de cette évocation.

Un marbre blanc, veiné de gris, portait nos pas jusqu’à l’espace privé :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À gauche, c’était le marbre du couloir qui menait aux chambres du premier étage. À droite, c’était le marbre de la chambre 103, qui était la nôtre. Un tapis alternant des bandes sombres et des bandes claires marquait l’espace privé.

La transition entre les deux dallages était indiquée par un seuil, qui lui aussi était en marbre, taillé sous la forme d’un parallélépipède aplati.

En ouvrant la porte d’entrée, nous étions tout de suite charmés par la lumière réfléchie par le marbre. Le même éblouissement a opéré quand nous avons poussé la porte des sanitaires :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Du marbre était prévu pour recevoir l’eau qui tombait de la pomme de la douche. Et du marbre aussi était prévu tout autour du trône de l’intimité, qui apparaissait à gauche sur l’image.

Ce marbre, inattendu et omniprésent, nous séduisait beaucoup.

Ce témoignage du raffinement et de l’élégance ne pouvait aller de pair qu’avec la sollicitude. En effet, sur la table d’accueil, étaient déposés des sachets de thé et des paquets d’eau de source :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le couvercle de l’eau portait l’inscription : ErciyeSu. Littéralement : eau de Erciyes.

Erciyes était le nom du volcan tout proche, qui culminait à 3916 m.

Une image du volcan apparaissait sur le couvercle.

D’abord, l’hospitalité de la Kayseri du XXIè siècle obéissait à la tradition héritée de l’époque des caravanes. Le premier geste d’hospitalité avait toujours pour but de permettre au visiteur de se désaltérer.

Ensuite, la mise en valeur du patrimoine écologique était une pratique très en vogue dans l’accueil réservé au visiteur des temps modernes.

La nouveauté du décor et les charmantes attentions prévues pour que nous nous sentions chez nous nous mettaient de très bonne humeur :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n’est pas dans nos habitudes de chercher le repos au milieu des contrastes. Mais dans le cas présent, l’opposition entre la blancheur du marbre et les couleurs foncées des textiles d’ameublement procurait un dépaysement fort tonique, donc en fin de compte, bien agréable.

Le goût du faste se retrouvait dans l’organisation de l’espace public. L’un des bijoux du legs architectural était la Citadelle avec ses immenses murailles. La mise en scène visait clairement l’éblouissement :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

Une

 

 

 

 

 

 

 

lumière rouge, abondante et envoûtante, se répandait sur l’enceinte extérieure. Bien sûr, était évoqué le sang versé pour la conquête, mais était aussi célébré celui de l’ivresse de la victoire.

Il existait une politique culturelle très offensive, qui voulait faire de chaque région la plus belle, la plus forte et la plus célèbre de tout le territoire anatolien.

Après l’enceinte externe, c’était au tour de l’enceinte intérieure de nous éblouir. L’or a remplacé le pourpre pour signifier, en plus de la prospérité, la pérennité :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des vestiges, ayant appartenu à l’empire byzantin, étaient exposés dans une sorte de musée en plein air, libre d’accès. Ces vestiges étaient tels des trophées qui glorifiaient l’art militaire des nouveaux maîtres de l’Anatolie.

Nous avons compris le discours officiel et admiré son développement cohérent. Mais il n’a pas fait vibré nos cœurs.

La Kayseri du XXIè siècle se raccrochait éperdument/férocement à son passé complexe pour donner du sens à son présent. La même sève de la nostalgie nourrissait l’hospitalité protocolaire de l’administration et le geste de bienveillance de l’individu.

Ainsi, pendant que le mousse s’intéressait à une arrivée d’eau dans le quartier historique, un jeune Anatolien qui passait par là l’a encouragé à jeter un coup d’œil sur une zone d’ombre qui se trouvait en haut de la fontaine. Le mousse a suivi le conseil et voici que qu’il a déniché dans cette cachette :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une inscription en anatolien identifiait le monument. Elle disait :

ŞEYH MÜEYYED ÇEŞMESI

1390 yılında yapılmıştır. Kayseri’nin en eski çeşmelerinden biridir. Halk arasında « Asmalı çeşme »

diye bilinir. Çeşmenin sol köşesinde 3 satırlık bir kitabede, binayı Kadı Burhaneddin’in yeğeni

Kayseri Vasili Şeyh Müeyyeddin’in yaptırdığı yazılıdır. Ancak çeşme sonraki dönemlerde yenilenmiştir.

Günümüzdeki haliyle bir 19 y.y eseridir.

 

En français :

FONTAINE CHEIKH MUEYYED

Elle a été construite en 1390. C'est l'une des plus anciennes fontaines de Kayseri. Populairement, elle est connu sous le nom de « Asmalı çeşme ». Dans une inscription de 3 lignes sur le coin gauche de la fontaine, il est indiqué que le bâtiment a été construit par le neveu de Kadı Burhaneddin. Il est écrit que Kayseri Vasili Cheikh Müeyyeddin l'a fait construire. Cependant, la fontaine a été rénovée plus tard.

Dans sa forme actuelle, il s'agit d'une œuvre du XIXème siècle.

 

Sous le texte de l’Anatolie du XXIè siècle, l’administration a jugé utile d’écrire les lignes que voici, dans la langue de Shakespeare, pour donner de la compréhension à la perception visuelle :

ŞEYH MÜEYYED FOUNTAIN

It was build in 1390 and became one of the oldest fountains in Kayseris. The population

knows it by the name « Asmalı Fountain ». It was build by the nephew Şeyh Müeyyed of

the Governor of Kayseri Kadır Burhaneddin. On the left corner of the fountain is an

inscription with the name of the builder.

 

Le jeune Anatolien qui déboulait à toute vitesse aurait pu ne pas voir le mousse en train d’explorer l’ancienne fontaine. Le geste de l’hospitalité était dû à un regard vigilant.

Et même si le jeune Anatolien a vu le mousse, rien n’annonçait que le premier allait stopper son élan pour venir à la rencontre du second. L’hospitalité consiste à consacrer du temps à autrui pour montrer l’intérêt sincère qu’on lui porte.

Dès que le jeune Anatolien s’est retrouvé face au mousse, le conseil de regarder en direction de l’inscription a été donné. Autrement dit, au moment où le jeune Anatolien a freiné sa course, il savait déjà ce qui pourrait intéresser le mousse. L’hospitalité consiste à adhérer au projet du visiteur, très tôt.

Le jeune Anatolien a mis à contribution son intelligence pour rendre sa présence édifiante.

Dans la Cité de César, d’autres ont aussi se sont investis humainement pour nous offrir des instants exceptionnels.

L’une des haltes très plaisantes et tout à fait inoubliables s’est déroulée à côté du tourne-broche vertical qui faisait cuire la viande de poulet pour le sandwich populaire, que les Anatoliens appelaient « dürüm ».

La faim, aiguisée par la fraîcheur nocturne, nous a incités à commander deux « dürüm » dans une enseigne que fréquentait le petit peuple.

Voici nos sandwichs en cours de préparation :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur chaque galette, était déposé le poulet émincé, des lamelles de tomates et d’oignons, des brins laitue et de chou rouge. L’assaisonnement était ajouté grâce au contenu d’un pichet que l’on manipulait à la manière d’une théière.

Jusque là, rien d’exceptionnel.

Ce qui était exceptionnel, c’était le ballet des trois cuisiniers qui s’activaient pour nous donner satisfaction. Il semblerait que c’était la figure de l’Orient-Extrême qui soit la cause de l’émoi irrésistible. D’après le Capitaine, il n’y avait pas que le stimulus visuel. L’excitation serait aussi venue par le son, avec le rire du mousse qui n’entrait pas dans l’octave habituel. Car le mousse, lui aussi, s’est lâché devant tant de fraîcheur, de bonté et de vérité.

Regardez cette joie si belle qui illuminait le visage du Capitaine :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À lui seul, ce visage illustrait le bonheur de nous cinq.

Au premier plan, c’était le cuisinier qui avait pour tâche d’ajuster l’assaisonnement avec le contenu d’un récipient qui ressemblait à une théière. Ce récipient, aux reflets d’argent, se voyait en bas de la photo, sur la gauche.

Avait le bras droit levé, le cuisinier qui s’occupait de découper la viande.

Enfin, le plus pince-sans-rire du trio se préparait à emballer dans du papier nos « dürüm ».

Le lieu n’avait rien de luxueux. Par contre, il était chaleureux, extrêmement chaleureux.

Les êtres qui nous y recevaient avaient la simplicité du petit peuple, mais un très grand empressement à chérir le voyageur qui venait d’ailleurs.

Voici la photo qui concluait cette rencontre inoubliable :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hospitalité de la Cité de César nous a offert un cadeau exceptionnel : la pureté de l’élan fraternel, malgré la situation matérielle très modeste de ceux qui nous ont choyés.

Le peuple, qui se battait pour survivre, n’oubliait pourtant pas que ce qui donnait du sens à l’existence ne se trouvait jamais dans ce qui était périssable. Ce qui ne périt jamais c’est le désintéressement de l’affection. Le Marché Historique de Kayseri nous en a donné une démonstration très émouvante.

Le Capitaine s’est rendu dans ce centre d’échanges très ancien pour acheter des chaussettes. Il a acheté trois paires pour, en tout, 46 lires turques, c’est-à-dire 1,66€.

Le voici en train de payer :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La somme d’argent qui passait d’une main à l’autre était très, très modeste. Mais l’hospitalité qui venait de s’emparer de ce geste apparemment anodin, n’avait pas des visées modestes. Subitement, juste avant que nous ne quittions la boutique, l’Anatolien nous a proposé du thé. Surpris, mais conciliants, nous avons dit « oui ».

Le Capitaine a pris tout son temps pour savourer ce thé de l’amitié :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Anatolien était tellement ravi qu’il oubliait de servir les clientes et les clients qui étaient entrés dans le magasin après nous.

Le mousse, lui aussi, avait eu droit à son thé. Mais il s’est terré au fond de la boutique, pour ne pas entraver le flux des personnes et des marchandises :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au fur et à mesure que les gorgées de thé se succédaient les unes aux autres, un lien affectueux très fort rapprochait mutuellement l’Anatolien et le Capitaine.

Le prix d’un thé en milieu populaire est de 5 lires turques.

Nos deux thés ont coûté à l’Anatolien : 5 × 2 = 10 lires turques.

Sur les 46 lires turques encaissées, l’Anatolien a spontanément prélevé 10 lires turques, c’est-à-dire 21,7 % du salaire, pour nous offrir du thé.

L’hospitalité avait un coût qui n’effrayait pas l’Anatolien.

Voici la photo qui promettait l’inséparabilité :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est l’écriture qui maintient des amis inséparables.

À ce sujet, voici ce que l’Anatolien a écrit au Capitaine :

 

L'hospitalité de la Cité de César

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Anatolien a écrit dans sa langue maternelle :

« Sizi çok sevdim Allah’a »

Littéralement :

Vous (en tant que complément d’objet direct) – beaucoup – j’aime – Dieu….

Avec l’ordre syntaxique français, on obtient :

« Je vous aime beaucoup. Que Dieu vous bénisse ! »

Grammaticalement, l’Anatolien a vouvoyé le Capitaine, car telle était la politesse pratiquée en Anatolie.

Mais la traduction automatique du téléphone portable a utilisé le tutoiement pour restituer la pensée de l’Anatolien !

Qu’est-ce qui a poussé la traduction automatique à changer le vouvoiement en tutoiement ?

L’adverbe « çok » ( en français : beaucoup) !

L’intensité véhiculée par cet adverbe a dicté à la traduction automatique que dans le contexte français, le tutoiement s’imposait.

À l’Anatolien, nous lui disons en retour, à la manière française :

« Seni (et non pas sizi) çok sevdik ! »

En français : Nous T’aimons beaucoup !

L'hospitalité de la Cité de César revêtait maintes formes. À nous, elle a eu l'extrême gentillesse d'offrir d'émouvants chants d'amour.

Tag(s) : #2023 La TURQUIE, #L'ANATOLIE centrale
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