Comment trouver de l’or ? Où et quand ?
Questions obsessionnelles pour le sédentaire comme pour le nomade, pour l’être humain sur la terre ferme et aussi pour la personne aux prises avec les flots.
Il y a l’or qui se pavane au petit matin, sur la grève vierge de pas, comme à Imperia, Vernazza.
Or de la virginité, des prémices.
Or du calme, avant le brouhaha de la ville qui s’éveille et l’agitation de la plage qui se remplit.
Bien sûr, il y a aussi l’or du crépuscule.
Or du combat de la lumière contre les ténèbres, quand la lumière refuse de céder le pas aux ténèbres, comme à Port Napoléon, Carro, Porquerolles, Saleccia.
Or de la mélancolie. Or d’un au revoir, qui est peut-être un adieu. Or de la conscience de la petitesse de l’être humain.
Avec le savoir-faire de l’artisan, l’or permet le transfert d’une forme de la vie à une autre, de la forme ordinaire à la forme exceptionnelle, de l’état éphémère à l’état intemporel, de la banalité au sublime.
L’or symbolise le but à atteindre, mais aussi le moyen d’y parvenir.
L’or égéen s’inspire abondamment de l’esthétique des bourgeonnements, des floraisons et des ramifications de la végétation.
Le laurier séduit par la noblesse de sa simplicité.
Il récompense l’athlète triomphant aux Jeux ou le poète insurpassable dans un concours.
Symbole de l’excellence, l’or sied à merveille pour revendiquer l’éternité d’une gloire.
Échappant aux outrages du temps, l’or était le moyen idéal pour évoquer la pérennité d’un pouvoir suprême. Très judicieusement, l’or grec prenait alors la forme des feuilles de chêne, sans oublier les glands, car l’arbre était associé au tonnerre et à l’oracle du Roi de l’Olympe.
Dans l’Antiquité, la couronne de feuilles de chêne, avec les glands, proclamait la majesté, la puissance et la longévité, en magnifiant le destin hors du commun de l’être qui portait un tel ornement royal.
L’Orient avait une prédilection pour les effigies zoomorphes.
Béliers et bouquetins, lions et panthères offrent leurs silhouettes pour stimuler l’imagination de l’orfèvre.
L’élégance s’associe à l’idée de puissance. L’attrait du beau rejoint la fascination pour une énergie combative.
L’esprit du Zeph est subjugué par l’or végétal tout comme par l’or zoomorphe.
L’éclat de l’or glorifie le savoir-faire grec. Innombrables étaient les pas qui ont permis de sillonner en long et en large l’envoûtante Πλάκα – ΠΛΑΚΑ au pied de l’Acropole d’Athènes, au milieu des scintillements du métal précieux. Immense était le bonheur quand le regard d’abord éphémère, puis insistant, se muait en toucher permanent.
En raison de sa nature inaltérable, l’or rallie tous les vœux et les désirs qui constituent un défi à l’usure du temps.
Désir de posséder pour soi-même l’éclat solaire, dans l’immédiat, et pourquoi pas pour toujours. D’où les magnifiques ornements avec le métal précieux, à la tête, autour du cou, aux poignets ou aux doigts.
L’éclat de l’or participe à son rayonnement. On offre l’or pour séduire l’être désiré et déclarer sa propre flamme.
Dans l’espoir de faire chavirer le cœur de la femme de Spartacus, le général Crassus, campé par Laurence Olivier et inspiré par Stanley Kubrick, offrait à l’épouse éplorée, qui avait les traits de la délicieuse Jean Simmons, un magnifique collier en or, qui avait jadis appartenu à une reine.
Objet de convoitise sur le champ de bataille, l’or devenait entre les mains de Crassus, un moyen de séduction et de conquête.
Autre opération de séduction spectaculaire, avec la complicité de l’éclat de l’or : l’entrée de Cléopâtre à Rome, orchestrée par Joseph Mankiewicz.
Le réalisateur a habillé la reine d’Égypte avec toute la parure d’or qui revenait à la déesse Isis.
L’objectif affiché de cette apparition somptueuse, au milieu des chatoiements du métal précieux, était de reconquérir le cœur de l’amant devenu l’homme fort de l’invincible république, mais aussi de séduire l’appareil politique et le peuple qui l’avaient porté au pouvoir.
Il existe un amour qui est une passion de l’absolu, un attachement à l’infini. Seul l’or est digne d’exprimer la ferveur d’une telle dévotion.
L’utilisation de l’or comme revêtement mural pour peindre les scènes concernant le divin est une invention des Byzantins. En insérant l’or dans du verre, les mosaïstes de Byzance augmentaient l’éclat du premier grâce à la transparence du second. La mosaïque byzantine est une peinture de l’éternité, pour l’éternité.
Passionné par l’esthétique des tesselles d’or, l’esprit du Zeph a suivi son rayonnement de Byzance jusqu’à Rome.
Au cours du deuxième voyage à Rome, le capitaine a concocté un programme en or pour explorer la cité des Césars. Or de l’intelligence, de l’esprit d’improvisation et de l’efficacité, qui a brillé de tout son éclat grâce la grande mobilité offerte par les vélos pliants.
À la sortie de la Stazione Piramide, les deux destriers argentés ont filé en direction du Tibre, qu’ils ont franchi au niveau du Ponte Sublicio, pour se retrouver sur la rive droite, dans le Trastevere, l’un des quartiers les plus anciens et les plus attachants de Rome. Dans ce quartier qui abritait les premiers foyers du christianisme, se trouvait un bijou architectural, nommé Santa Maria in Trastevere.
L’édifice doit sa célébrité à son âge et à son programme iconographique hérité de Byzance. Et ce qui est stupéfiant à la Cattedrale di Santa Maria in Trastevere, c’est que la tradition byzantine n’a pas entravé la liberté de création de l’artiste local. En effet, les gestes les plus essentiels de l’existence terrestre, comme le don de la vie et le témoignage d’affection, ont pleinement leur place dans l’écrin d’or.
Le Christ et sa mère, qu’il vient de couronner, partagent le même trône. Un seul trône pour deux têtes couronnées, sans aucun doute sur l’initiative de Celui qui a couronné, et non pas à la demande de Celle qui a été couronnée. Il va de soi qu’il n’y a pas de pénurie de sièges dans le ciel, mais cette disposition singulière témoigne de l’intensité de la gratitude à l’égard de Celle qui a coopéré pour l’Incarnation de la Parole.
Voit-on souvent des anges se donner l’accolade ou des tapes sur l’épaule ? Un tel geste pourrait même sembler quelque peu familier pour certains.
Le rapprochement des corps sur un même siège est une trouvaille de l’amour filial, qui s’exprime encore par une autre singularité, non moins émouvante : le Christ pose affectueusement sa main droite sur l’épaule droite de sa mère.
Malgré la grande solennité de l’événement illustré, l’or sert d’écrin à des témoignages d’amour, librement, loin du carcan de l’iconographie traditionnelle.
La scénographie des lieux a l’intelligence d’accorder la chronologie de la visite à celle de l’existence racontée, en montrant qu’avant la reconnaissance du Fils, il y a eu le dévouement de la Mère.
C’est pourquoi, avant de découvrir la tendresse nichée dans la mosaïque de l’abside, le visiteur peut écarquiller les yeux pour constater, sur l’or de la façade, que le Fils a grandi grâce au lait maternel.
Pas de fausse pudeur.
Éloge de la spontanéité sur l’abside, de l’authenticité sur la façade.
Pour le coup d’œil inaugural, le corps, vrai et pur, se découvre un peu plus pour évoquer le suc de la vie et l’instinct maternel.
Il ne s’agit pas d’audace, mais de liberté et de franchise dans le discours pictural de l’artiste.
Or du vrai.
Le vrai est intemporel.
L’Aventy possède l’or d’un savoir-vivre, fait de raffinement et de sagesse, décelable à travers l’approche silencieuse et le départ tout autant discret de la multi-coque.
Un proverbe français ne dit-il pas que le silence est d’or tandis que la parole, c’est-à-dire le bruit de la communication orale, n’est que d’argent ?
Le silence n’est pas l’absence de signification. Le silence pratiqué par l’Aventy porte haut le respect de l’autre et de son environnement. Il n’est pas dans la nature de l’Aventy de se répandre en sollicitations parce qu’il a en très haute estime la quiétude et la liberté d’autrui. L’Aventy construit le lien social avec une conscience en or.
À l’occasion des premières conjonctions de l’Aventy et du Zeph, le mousse a rédigé les lignes suivantes, publiées le 4/4/16, sous l’article « De Maratea à Cetraro » :
« Il devait être fameux, ce flan au chocolat de Caty, fait maison, spécialement pour la circonstance, pour accompagner une amitié naissante !
Le goût de faire par soi-même, la joie de partager l’œuvre de ses mains, la beauté de la réciprocité de l'hospitalité. Comme toutes ces choses sont magnifiques ! Parce qu'elles se sont affranchies de la double tyrannie du pouvoir d'achat et de la consommation.
Tu aurais eu tort de ne pas parler de ce dessert.
Le lien social rend la vie plus savoureuse. L'échange est libre, spontané, sans calcul ni marchandage.
...
L'homo faber ne s'illustre pas seulement dans l'ébénisterie ou la mécanique, mais aussi dans l'art culinaire. C'est ce qui fait la singularité et l'authenticité de ta navigation.
Rencontre au sommet donc, entre homo faber, à bord du Zeph et du catamaran de Caty et Pierre.
Mais Caty et Pierre ont un savoir-faire bien particulier que tu as remarqué dès le premier jour. Ils savent occuper l'espace avec bienséance, respecter la sérénité des lieux, rester discrets dans leurs va-et-vient avec leur embarcation. Quand un savoir-faire débouche avec tant de talent et de sagesse sur un savoir-être, l 'homo faber devient tout simplement homo perfectus ! »
Au cours des trente mois écoulés, ces lignes sur la personnalité en or de l’Aventy sont restées d’actualité, et elles le sont encore, avec force et acuité, pour le plus grand bonheur du Zeph.
L’Aventy a eu un geste en or au printemps de l’an passé en offrant au Zeph une vue des métopes du temple C sur le site de Sélinonte. Geste ô combien salutaire, en raison de l’augure très encourageant par rapport à l’accident avec l’escabeau. Le Zeph a exprimé sa gratitude par l’intermédiaire de l’article « Le joli mois de mai », publié le 7/5/17. Puis ce printemps-ci, l’esprit du Zeph a renouvelé ses remerciements, après la guérison du capitaine, en servant l’Aventy à table avec l’effigie de la Méduse, qui était un rappel de celle sur les métopes.
L’Aventy avait envoyé au Zeph l’image de la Méduse décapitée par Persée, pour dire que le mal, qui était venu par la maladie, serait vaincu. En retour, le Zeph a reçu l’Aventy avec l’effigie d’une Méduse aux reflets dorés, en s’inspirant de l’art militaire de l’Antiquité et de la Renaissance, qui avait recours à cette effigie pour éloigner les puissances maléfiques. Ainsi le pouvoir protecteur de la Méduse préserverait la prospérité du lien amical entre l’Aventy et le Zeph.
L’or fait honneur à l’amitié et célèbre la convivialité.
L’amitié est très rare, donc extrêmement précieuse, comme l’or.
Le Zeph n’a pas une trop haute opinion de lui-même. Il rend grâce aux divinités pour leur clémence et leur générosité. C’est pourquoi il reçoit régulièrement la visite du καιρός – ΚΑΙΡΟΣ, qui s’appelle « l’or du temps » dans la langue du poète.
Un écrivain, qui a beaucoup marqué la république des lettres pendant la première partie du siècle dernier, a fait graver sur sa tombe la déclaration : « Je cherche l’or du temps ».
L’illustre épitaphe constitue l’une des attractions majeures du cimetière des Batignolles.
L’aveu public, consigné dans un texte écrit en 1924, réapparaissait une quarantaine d’années plus tard, sur la pierre tombale.
L’homme cherche-t-il des pépites ? Un filon ? Ou un gisement ?
Le verbe est au présent, pour dire que la question est toujours d’actualité, que la quête semble sans fin.
« L’or du temps » est-il vraiment introuvable ?
Le lecteur a déjà le pressentiment que le Zeph répond à cette question par la négative.
Un exemple de la disponibilité de « l’or du temps » au bénéfice du Zeph est fourni par l’escale à Πύργος – ΠΥΡΓΟΣ, au cours du voyage initiatique. Le capitaine a profité de cette escale pour visiter le site des Jeux Olympiques dans l’Antiquité. En revenant d’Olympie, il a ramené deux icônes au fond doré, qui était « l’or du temps », offert par ce jour. Car les deux icônes qu’il a acquises en chemin n’étaient pas simplement deux peintures byzantines, mais deux témoins objectifs et fiables du bonheur qu’il a ressenti au cours de cette ballade.
Le Zeph n’a pas à prospecter pour chercher le bon-heur, littéralement : ce qui est de bon augure, ce qui rend magnifique et impérissable l’instant. C’est « l’or du temps » qui rend visite au Zeph, pour le récompenser de sa piété.
Non seulement le Zeph a accès à « l’or du temps », mais encore celui-ci, que les Grecs nomment καιρός – ΚΑΙΡΟΣ, vient à la rencontre du Zeph.