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Quelle est la véritable ambition du savoir ? Être le plus complet possible ? Être toujours attractif ?

À Κορώνη – ΚΟΡΩΝΗ, dans une école en bordure de mer, sur le grand mur qui regarde le port, on peut lire l’inscription suivante :

Η γνώση είναι δύναμη...είναι ταξίδι

Η ΓΝΩΣΗ ΕΙΝΑΙ ΔΥΝΑΜΗ...ΕΙΝΑΙ ΤΑΞΙΔΙ

 

Le savoir est puissance...est voyage

 

L'ambition du savoir

 

L’accès au savoir promet une force accrue et une évasion aisée, permanente.

L’ambition d’un tel savoir est d’apporter l’épanouissement.

Sous la véranda du même établissement scolaire, apparaît la silhouette du Petit Prince, qui est en visite sur la planète Terre. L’illustration est accompagnée par cette légende :

“Είναι πιο εύκολο να κρίνεις τους άλλους παρά τον εαυτό σου”

Il t’est plus facile de critiquer les autres que toi-même

 

L'ambition du savoir

 

Sur le texte qui ondule, le renard fait des acrobaties.

Qui parle à qui ?

Dans le contexte français, le renard est le conseiller du Petit Prince, qui est en quête d’amis. On peut supposer que c’est encore le cas sur ce rivage du Péloponnèse.

Le renard français explique au Petit Prince que l’amitié naît quand on s’apprivoise mutuellement. En français, le renard dit au Petit Prince :

« Si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre, tu seras pour moi unique au monde et je serai pour toi unique au monde »

Le renard français montre au Petit Prince que la connaissance de l’autre passe par le besoin et conduit à l’unicité.

Le renard grec est moins constructif. Sur les murs du savoir à Κορώνη – ΚΟΡΩΝΗ, c’est une mise en garde qui est affichée. Elle prône sans doute la tolérance ou l’équité, mais ces qualités n’apparaissent qu’en filigrane.

Dans ce clin d’œil au chapitre XXI de l’œuvre de Saint-Exupéry, il est encore question de lien social. Mais le savoir grec se préoccupe plutôt des entraves et des embûches.

La scène grecque est moins idéaliste que la scène française.

L’ambition du savoir péloponnésien est d’être pragmatique. Mais la référence au cosmos de l’aviateur français témoigne que ce savoir a aussi l’ambition d’être une valeur universelle.

À Ληξούρι – ΛΗΞΟΥΡΙ, le savoir vante son attractivité en profitant de l’environnement immédiat. On peut apprendre à dos de dauphin, en nombre pair.

 

L'ambition du savoir

 

On peut aussi apprendre en étant tout seul, en nombre impair, mais toujours dans la gaîté.

 

L'ambition du savoir

 

La voile, même celle des pirates, est un magnifique objet du savoir pour cette école qui a les pieds dans l’eau.

À Πρέβεζα – ΠΡΕΒΕΖΑ, sur l’axe principal de la ville portuaire, qui est le Λεωφόρος Ειρήνης, le savoir se montre prudent et réaliste.

Il connaît les obstacles et les freins. Il les devance en les parodiant.

Il se protège en utilisant la stratégie du miroir. Avec intelligence, il exorcise la tentation de l’école buissonnière en l’exhibant avec humour.

 

L'ambition du savoir

 

L’ambition est d’être toujours plus fort que l’ignorance. Car selon Platon, l’ignorance est le degré du non-être.

Le hasard de l’offre et de la demande a fait que pour couronner ce retour en Grèce, nous avons bénéficié de l’hospitalité athénienne dans un endroit absolument fabuleux, qui est l’Ακαδημία Πλάτωνος – AKAΔΗΜΙΑ ΠΛΑΤΩΝΟΣ, l’Académie de Platon, là où réellement le philosophe avait dispensé son précieux enseignement.

Oui, à Athènes, nous avons eu la chance exceptionnelle de loger tout près du site où jadis le philosophe transmettait son savoir. L’ambition du mousse n’était pas de faire mieux que les archéologues, mais de savourer pleinement ce καιρός – ΚΑΙΡΟΣ inespéré.

Quel bonheur de se promener à sa guise et de méditer dans la quiétude sur les lieux où physiquement, est né le savoir de l’Occident !

 

L'ambition du savoir

 

Déambuler au milieu des vestiges d’édifices qui ont réellement entendu vibrer la voix de la sagesse, c’est franchement fantastique !

Le temps a causé des ravages à la pierre, mais pas à la pensée.

 

L'ambition du savoir

 

L’enseignement de Platon est toujours profond, pertinent et fécond.

Le savoir selon Platon consiste à chercher la cause première des choses et à remonter jusqu’à l’amont des expériences tangibles, livrées par les sens. L’ambition platonicienne est de dépasser ce qui apparaît, c’est-à-dire l’apparence, encore appelée φαινόμενο – ΦΑΙΝΟΜΕΝΟ (« phénomène » en français), pour accéder à l’essence véritable, le νοούμενο – ΝΟΟΥΜΕΝΟ (« noumène » en français), qui appartient au Monde des Idées.

La morale fait partie des domaines d’étude du savoir platonicien, et plus généralement, de tout le savoir grec.

À ceux qui viennent marcher, littéralement, sur les pas du philosophe, la municipalité d’Athènes propose des échanges interactifs au sujet des thèmes platoniciens. Plusieurs champs d’investigation sont suggérés au visiteur : la vertu, la piété, la sagesse, la justice, le bonheur, le courage.

 

L'ambition du savoir

 

Le courage est une qualité essentielle pour durer en mer, et pour vivre dignement, en mer ou sur la terre ferme.

Le savoir platonicien prend aussi en compte l’état du corps organique. Un établissement des temps modernes s’en souvient et intègre dans son enseigne le nom du philosophe.

 

L'ambition du savoir

 

Pour Platon, la vitalité de l’esprit est liée à celle du support corporel.

Le savoir platonicien est un engagement en faveur du Bien.

Le savoir interdit la passivité et impulse l’action.

Sur le quai des pêcheurs à Κυλλήνη – ΚΥΛΛΗΝΗIl, il recommandait le devoir d’ingérence.

Le Zeph était à couple avec le Anyuta, à tribord de celui-ci.

De la borne électrique, sortaient trois prises : les deux du dessus allaient à la vedette Sani, qui se trouvait du côté du phare vert, et celle du dessous alimentait une coque bleue située dans l’autre direction, vers le fond du port. Le Sani a eu l’extrême gentillesse de céder au Zeph l’une des deux prises électriques, sans rien demander en retour. Le fil jaune était donc celui du Zeph. Sur la photo, le tracé jaune menait jusqu’au capitaine, qui était en train de nettoyer les défenses du flanc droit.

 

L'ambition du savoir

 

Même serviabilité et même affabilité pour le partage de l’eau de la part du Sani. La borne d’eau était reconnaissable avec ses deux roues écarlates. Mais en réalité, l’eau ne sortait que d’un seul orifice, où était déjà branché un tuyau bleu. C’était celui du Sani. Là encore, celui-ci s’est montré extrêmement généreux, car il a laissé le Zeph utiliser librement et abondamment le tuyau bleu.

Le service diplomatique du Sani était assuré par deux jeunes Grecs, dont l’oncle était le pilote de la vedette. Le cadet allait encore au lycée tandis que l’aîné suivait des études de management à l’Université de Sparte.

Trois fois par semaine, le Sani promenait des touristes dans les eaux de l’île de Ζάκυνθος – ΖΑΚΥΝΘΟΣ. Et à l’heure du coucher du soleil, la vedette reprenait sa place attitrée, à l’entrée du port des pêcheurs à Κυλλήνη – ΚΥΛΛΗΝΗ. Chaque fois que l’occasion se présentait, le capitaine du Zeph donnait un coup de main pour que le Sani s’amarre prestement.

 

L'ambition du savoir

 

À bord, c’était l’aîné des deux jeunes Grecs qui était chargé de jeter l’amarre vers le quai.

Geste symbolique du Zeph pour dire sa reconnaissance.

Dans le mot « reconnaissance », il y a le verbe « connaître ». Le Zeph a connu le Sani quand celui-ci lui a partagé l’électricité et l’eau. Le Zeph connaissait-il encore le Sani quand les intérêts de celui-ci étaient menacés ?

Le problème s’est posé le dimanche 15 septembre.

Vers la fin de l’après-midi, le mousse a entendu un accostage assez tumultueux du côté du phare vert. Sans regarder la scène, il se disait que c’était le Sani qui rentrait déjà de sa promenade. Comme l’accostage avait plus d’une heure d’avance par rapport aux fois précédentes, le mousse, intrigué, est allé vérifier de ses propres yeux. Et que n’a-t-il pas vu ? Une vedette, qui arborait le pavillon australien, était en train de s’emparer du l’emplacement du Sani !

 

L'ambition du savoir

 

Nous ne pouvions pas nous comporter comme si nous ne savions pas que le Sani s’amarrait toujours là.

Le devoir d’ingérence s’imposait, sans esquive possible.

Le mousse a incité le capitaine à aller dissuader les nouveaux arrivants qui étaient sur le point de finir leurs manœuvres. Torse nu, le capitaine est vite allé faire l’ambassadeur pour défendre les intérêts du Sani. Car plus les amarres se consolidaient, moins elles auraient envie d’être défaites dans l’instant d’après. Le diplomate a une mission ardue, souvent ingrate, parfois périlleuse. Au début, l’interlocuteur australien se montrait incrédule, pensant qu’on lui racontait une fable. Mais le capitaine du Zeph a su trouver la bonne intonation pour la voix. Finalement, l’Australien a renoncé à l’emplacement à côté du phare vert.

 

L'ambition du savoir

 

Le pavillon australien est parti flotter dans le port des ferrys, là où allaient et venaient les immeubles flottants qui faisaient la liaison avec les îles de Κεφαλονιά – ΚΕΦΑΛΟΝΙΑ et de Ζάκυνθος – ΖΑΚΥΝΘΟΣ. Le nom de l’île desservie figurait en lettres majuscules sur la coque jaune de chaque ferry.

 L'ambition du savoir

 

Mais le capitaine du Zeph restait inquiet. Il redoutait de paraître plus royaliste que le roi, si jamais la place libérée s’avérait inoccupée pendant la soirée et la nuit. Car le Sani tardait à apparaître.

En effet, tout le monde sentait la fin des vacances, surtout ce dimanche-là. Alors le Sani a voulu sortir le grand jeu pour enchanter les touristes de l’arrière-saison. Il leur a offert le coucher de soleil en pleine mer, et n’est donc rentré qu’à la tombée de la nuit, beaucoup plus tard que d’habitude.

Finalement, chacun a eu sa place, sans trop de peine, sans dépense d’énergie inutile.

Le savoir rend responsable et courageux. Il lève l’inhibition. L’ambition est d’assumer toutes les responsabilités qui en découlent, et non de les esquiver.

Le savoir grec n’embrasse pas que des domaines techniques. Il concerne surtout la gestion du lien social. Pour reprendre une expression créée par la langue française, le savoir grec se préoccupe essentiellement du « savoir-être ».

Il existe une démonstration qui révèle l’extrême raffinement auquel est parvenu le savoir des Grecs de l’Antiquité. Elle a lieu quand le marbre des édifices de l’Acropole s’irise avec la lumière du soleil couchant.

L’esprit du Zeph n’a pas boudé ni son privilège, ni son plaisir. De trois points de vue différents, il s’est offert ce sublime spectacle. D’abord du haut du rocher de l’Aréopage.

 

L'ambition du savoir

 

Puis du sommet de la colline de la Pnyx. Et enfin du haut de la colline de Philopappus.

Devant tant de splendeur, on est tenté de penser qu’un savoir aussi abouti se suffit à lui-même. L’ambition du savoir serait d’être sa propre finalité.

Un homme n’est pas de cet avis. Il proclame que la véritable ambition du savoir n’est pas de se suffire à lui-même, mais de servir une idée plus noble et plus précieuse. La voix dissidente, qui s’exprime en grec, dit ceci :

καὶ ἐὰν ἔχω προφητείαν καὶ εἰδῶ τὰ μυστήρια πάντα καὶ πᾶσαν τὴν γνῶσιν καὶ ἐὰν ἔχω πᾶσαν τὴν πίστιν ὥστε ὄρη μεθιστάνειν ἀγάπην δὲ μὴ ἔχω οὐθέν εἰμι

 

Quand j'aurais la capacité de parler en prophète, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi qui transporte des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien.

 

Quoi ? Le savoir du prophète, c’est-à-dire le savoir qui perce l’avenir, pourrait être comme du néant ? Quant à l’érudition spécialisée dans l’étude des rapports avec la transcendance, cette érudition risquerait, elle aussi, de n’être que pure vanité ?

Oui, le savoir, même le plus abouti, devient futile s’il n’est pas au service de l’amour.

Qui est l’homme qui ose faire une déclaration aussi fracassante ?

Ses parents lui ont donné le nom de Saul. Il est natif de Tarse, en Asie mineure.

La déclaration ci-dessus est extraite d’une lettre qu’il a écrite à ses frères et sœurs spirituels de la congrégation de Corinthe.

Un peu plus loin, l’homme ajoute ceci :

ἀγάπη οὐδέποτε ἐκπίπτει

εἴτε δὲ προφητεῖαι καταργηθήσονται·

εἴτε γλῶσσαι παύσονται·

εἴτε γνῶσις καταργηθήσεται

ΠΡΟΣ ΚΟΡΙΝΘΙΟΥΣ Α

 

L’amour ne disparaît jamais.

Les prophéties ? Elles seront abolies.

Les langues ? Elles prendront fin.

La connaissance ? Elle sera abolie.

Première épître aux Corinthiens, chapitre 13, versets 2 & 8

 

Le savoir a une date de péremption. L’amour n’a pas de date de péremption.

L’ambition du savoir est d’accéder à la pérennité en se mettant au service de l’amour.

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