Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Son ambition, qui était aussi celle de son corps, consistait à être le meilleur sur le sable de l’arène. Cette ambition s’est réalisée. En effet, il a obtenu la couronne de la victoire. C’était lors des soixantièmes Jeux d’Olympie. Il venait d’avoir ses dix-sept ans.

 

L'ambition du corps

 

Après cette première victoire, le corps a nourri l’ambition d’en avoir d’autres, et de les cumuler, olympiade après olympiade.

Cette ambition de la répétition de la chance et du renouvellement de la récompense s’est-elle aussi réalisée ? Oh que oui ! Combien de fois encore ? Six fois !

 

L'ambition du corps

 

Pendant six olympiades, il a triomphé. Pendant un quart de siècle, il était indétrônable !

Comment s’appelait ce brillant athlète ? Son nom était Μίλων – ΜΙΛΩΝ.

D’où venait-il ? Il était originaire de Crotone, qui se trouve en Calabre, dans le Sud de l’Italie.

 

L'ambition du corps

 

Le Zeph s’est arrêté à trois reprises à Crotone : à l’aller et au retour lors du voyage initiatique, puis tout récemment, lors du retour en Grèce.

 

L'ambition du corps

 

Avec ferveur, la cité calabraise honore la mémoire de celui qui est revenu à maintes reprises avec la gloire olympique.

Tant de succès médiatique peut-il laisser son bénéficiaire intact ?

Le corps est toujours mû par un amour de lui-même. Il arrive que celui-ci devienne excessif, immodéré, démesuré.

Toujours convaincu de la permanence de sa force physique, Milon de Crotone a tenté de mettre celle-ci en œuvre en fendant, avec ses mains nues, le tronc d’un chêne.

Le Louvre contient une statue illustrant le geste insensé de l’athlète, qui n’était plus du tout très jeune.

 

L'ambition du corps

 

Vanité ou inconscience ? En tout cas, les mains étaient restées prisonnières de l’étau formé par le tronc fendu.

La sculpture date de 1768. Elle est l’œuvre de l’artiste parisien Edme Dumont.

Ensuite, qu’est-il arrivé à Milon de Crotone ?

Des bêtes féroces ont surgi et ont attaqué l’homme piégé par son orgueil.

Une autre statue du Louvre montre l’homme aux prises avec l’instinct carnivore de l’animal. La littérature parle de loups. Le sculpteur, lui, préfère la figure du lion.

Dressée sur ses pattes de derrière, le fauve plante ses griffes de devant dans le corps humain.

 

L'ambition du corps

 

La patte gauche à l’avant laboure le dos de l’homme. Tout le flanc gauche de la bête adhère à celui de l’homme et en épouse la tragique courbure. Après l’étau du tronc d’arbre, c’est l’étau du pelage qui se resserre.

Pendant ce temps, la patte droite à l’avant enfonce ses griffes acérées dans la cuisse droite de l’homme.

 

L'ambition du corps

 

La violence du traumatisme est suggérée par les creux laissés dans la chair.

La douleur s’irradie dans tout le corps et envahit la tête.

 

L'ambition du corps

 

Le visage est déformé par une grimace lugubre.

L’artiste qui a illustré de façon poignante ce triste épisode est le Marseillais Pierre Puget. Initialement destinée au Parc Royal de Versailles, l’œuvre a été commencée en 1671 et n’a été achevée qu’en 1682.

Pierre Puget a utilisé trois techniques pour le traitement de la surface. Le marbre est soigneusement poli pour le corps humain tandis que le traitement est plus brut pour le lion et l’arbre. Le pelage est taillé au burin. Quant au tronc, il est strié à la pointe. Ainsi, le degré de rugosité permet de différencier dans cette scène du déclin de l’athlète, les trois protagonistes : l’homme, la végétation et l’animal. Piégé par la végétation, le corps de l’homme prétentieux est menacé par l’animal.

 

L'ambition du corps

 

Le corps de la souffrance raidit ses jambes et recourbe ses orteils. Pendant combien de temps tiendra-t-il ainsi avant de perdre l’équilibre ?

Déjà, quelque chose est tombé par terre : c’est la coupe de la récompense, jadis gagnée aux Jeux d’Olympie. Sa chute est-elle prémonitoire ?

Sept décennies après la démonstration de virtuosité du Marseillais Pierre Pujet, un Parisien, Étienne-Maurice Falconet, s’attelle à la représentation du déséquilibre de l’athlète. L’œuvre du sculpteur Étienne-Maurice Falconet est aussi exposée au Louvre.

 

L'ambition du corps

 

À présent, l’homme est à terre. Presque tout le flanc gauche touche le sol. La jambe droite bat l’air.

La sculpture du Marseillais et celle du Parisien diffèrent par la position du corps humain, mais encore par le contact entre l’homme et la bête. Dans le corps-à-corps représenté par le Marseillais, le fauve attaque l’homme par derrière et se retrouve donc à l’arrière-plan, tandis que le Parisien exhibe un véritable face-à-face entre l’homme et la bête, en plaçant les deux têtes quasiment même niveau.

 

L'ambition du corps

 

Produite par le ciseau du Marseillais, la douleur du corps humain s’apparente au chant à une voix tandis que le ciseau du Parisien inclut cette douleur dans un duo où l’autre voix est celle de la férocité. D’où le visage découvert de cette férocité.

 

L'ambition du corps

 

Dans l’œuvre du Parisien, la tête du fauve n’est plus cachée derrière le dos de l’homme, elle peut donc exprimer avec force l’instinct carnivore et le message de la mort.

Aux Jeux d’Olympie, l’adversaire n’était déclaré vaincu que si ses deux épaules touchaient le sol à trois reprises.

Une fois, en allant chercher la récompense, Milon de Crotone a glissé et ses deux épaules ont touché terre. Moqueuse, la foule lui a donné le statut de vaincu. Et l’athlète, de répondre à ses moqueurs qu’il était prêt à affronter celui qui voudrait plaquer les deux épaules au sol encore deux autres fois.

L’artiste parisien s’est souvenu de cet incident pour représenter l’athlète renversé par le fauve.

En effet, l’homme tente de redresser le buste pour qu’aucune épaule ne touche terre. L’épaule gauche est très basse. Combien de temps durera le répit ?

Milon de Crotone a présumé de ses forces.

L’ambition de faire fi des outrages du temps a échoué.

Le Zeph retient la leçon et en fait un sujet de méditation fréquent pour organiser les périples des prochaines saisons.

Désormais, il pratique la modération pour programmer et réaliser ses travaux.

En raison de l’épuisement causé par l’usure de l’organisme, il n’a pas été possible de finir les travaux de couture prévus dans le cadre de la remise en ordre avant l’hivernage.

 

L'ambition du corps

 

On s’est résigné à remettre à l’an prochain ce qui n’a pas été fait.

À présent, le Zeph comprend qu’il est sage de renoncer à l’exhaustivité et d’échelonner les priorités.

Quand on vient à la mer seulement pour chanter et danser, la question du devenir du corps ne se pose pas. Mais pour celles et ceux qui veulent vivre en mer, avec la mer et pour la mer, la question de l’enveloppe corporelle se pose et devient cruciale dans presque tous les cas.

L’ambition en mer est de durer. Mais dans quel état ? Pour combien de temps ?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :