Eau de Port-Saint-Louis-du-Rhône.
Eau de la surprise, parce qu’aux dernières nouvelles, l’Ericante batifolait encore avec les canaux de Livorno, au bord de la Mer Tyrrhénienne. Et voilà que son mât vert, si caractéristique, se dresse soudain sur la route du ravitaillement du Zeph.
Eau de la curiosité, parce que le capitaine du Zeph n’a pas résisté à l’envie d’aller saluer de vive voix des conteurs dont il apprécie énormément le sens du concret.
Eau de la politesse donc, de la gratitude en même temps, mais aussi eau de l’hospitalité instantanée. Car tout de suite, la maîtresse de maison, Anté, a partagé sa récente trouvaille : un logiciel où tous les mouillages sont répertoriés et mis à jour avec force de détails pratiques. Confidences de navigatrice pour remercier des lecteurs, assidus seulement depuis deux mois, mais réellement sincères.
Eau de l’encouragement, parce que l’on apprend que le capitaine Éric était un chirurgien de la main, avant de se consacrer à la voile.
Eau du réconfort, car l’homme de science, qui nous attendait parce que l’on avait dit que l’on reviendrait dans la soirée pour apporter l’apéro, a prophétisé que tout était encore récupérable, et que la mobilité originelle serait retrouvée au bout d’un an et demi, et non pas deux ans, comme l’avaient suggéré certains praticiens lyonnais.
Eau de la bonté, parce qu’après la bière à la framboise et les chips, que nous avons apportés, l’Ericante a voulu prolonger l’échange jusqu’aux dernières lueurs du couchant, en nous proposant la dégustation d’un savoureux gratin et de plusieurs clafoutis succulents.
Eau de Port Napoléon.
Eau de la réciprocité, quand Anté et Éric sont venus le lendemain pour dire bonjour au Zeph, malgré leur emploi du temps extrêmement chargé. Ils sont venus avec leurs vélos de marins.
Ils ont apporté une fierté de leur terroir : les fameuses galettes de Pont-Aven, qui faisaient le bonheur du capitaine du Zeph.
Eau du protocole, quand Éric soulève la question de la meilleure forme géométrique pour savourer la boisson champenoise. Est-ce la flûte ou la coupe qui flatte le plus le palais ?
Au fil de la conversation, l’on navigue d’une eau à une autre, par les souvenirs ou par les projections dans le futur proche.
Eau de la Bretagne
Eau de l’émerveillement, qui réjouit Anté à marée haute, et fascine le capitaine du Zeph à marée basse !
Eau de l’Océan Extérieur, de l’autre côté des colonnes d’Hercule.
Eau de l’audace, mais qui n’effraie nullement l’Ericante. L’Ericante en parle avec aisance, comme d’un loisir familier.
Être sur les traces de Pythéas, en remontant vers le cercle polaire. Emprunter les routes de l’étain et de l’ambre.
Ou suivre le sillage d’Euthymènes, en se rapprochant de l’Équateur. Emprunter la route de la poudre d’or.
Qu’importe ! Les deux conviennent à l’Ericante, les deux lui plaisent !
L’Ericante a beaucoup insisté pour que le Zeph connaisse les Açores.
Eau du Mékong
Eau de l’altruisme, de l’engagement pour des causes humanitaires, par rapport au disciple d’Asclépios qui sera plus tard le capitaine de l’Ericante.
Eau infatigable, qui continue de rouler les alluvions laissées par l’œuvre de Marguerite Duras.
L’Ericante a diverti, instruit et réconforté le Zeph. Quel beau καιρός – ΚΑΙΡΟΣ pour ce premier retour sur le lieu de la chute !