Άϱγoς (transcription : Argos) était le chien d’Ulysse. Le texte homérique chante l’attachement qu’il avait pour son maître.
Nous aussi, nous avons eu notre Άϱγoς. Le voici qui faisait le beau devant la roulotte pour nous divertir et nous attendrir :
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À notre arrivée sur la terre natale d’Alexandre de Grand, la Bohème nous a amené un ami qui avait le même pelage blanc que le chien d’Ulysse. Comme celui-ci, notre nouvel ami était d’une grande beauté. Mais plus que la beauté extérieure, c’était les belles manières de l’ami providentiel qui nous avaient séduits.
En réalité, c’était nous qui sommes entrés chez l’ami, sans avoir eu la politesse de frapper à la porte d’entrée. Puis, tranquillement, nous nous sommes installés. L’ami, qui est venu aux nouvelles, ne nous a fait aucun reproche, ni en grognant, ni en aboyant. Son silence était celui de la bienveillance et de la générosité.
Bienveillant, il s’est tout de suite proposé d’assurer notre protection. Généreux, il nous a laissé agir à notre guise dans son territoire.
Voici une image des tout premiers instants de la rencontre :
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Au premier plan, il y avait la moustiquaire avec ses plis en éventail. Juste derrière, c’était le marche-pied pour changer d’altitude sans perdre l’équilibre. Puis il y avait le sol rugueux du parking. Et enfin, apparaissait une pelouse. Notre ami, très discret, s’est installé sur l’herbe, à la lisière avec la bordure de pierre.
Quatre choses le séparaient de l’espace privé des nouveaux visiteurs. Mais la proximité était là, à travers le désir de proximité, qui était irrésistible, et la sensation de proximité, qui était si agréable.
Ému par tant de douceur et de pureté, le mousse a franchi la moustiquaire pour rejoindre le niveau du sol pour tous.
C’est alors que le nouvel ami a exulté de joie en se roulant dans l’herbe. La photo qui a introduit l’article provient de ce jeu de charme.
Nous nous rappelions que c’était l’ami qui avait fait le premier pas, et que son geste était tout à fait désintéressé, car il n’y avait aucun appât, aucune promesse et aucune consommation à caractère matérialiste.
Nous tenions absolument à montrer notre gratitude envers une telle noblesse d’âme. L’occasion nous était donnée à l’heure du repas du soir.
Nous avons fait mijoter des carottes avec une côte de porc.
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Avec notre ami, nous avons partagé la viande mais aussi les légumes. Le voici en train de découvrir les carottes en lanières :
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Le spectacle de la confiance et du partage était beau à regarder des deux côtés de la moustiquaire.
L’appétit de notre ami était le point de convergence de deux regards : le regard du mousse qui se trouvait sur la pelouse et le regard du Capitaine qui observait depuis la roulotte
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Comblé, l’ami n’a pas tardé à commencer son repos nocturne devant le marche-pied de la roulotte.
Cependant, le festin a maintenu en éveil les sens d’un voisin vêtu de noir et chaussé de blanc. Sans faire de bruit, celui-ci s’est approché et a attendu, toujours en silence :
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Poli, prudent et résigné, le curieux a fini par s’assoupir, lui aussi, à côté de la roulotte :
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Nous voyions dans l’attitude des deux veilleurs de nuit une grande affection à notre égard. À cause de son caractère extrêmement attachant, nous avons donné à l’ami de la première heure le nom du chien d’Ulysse. Quant au voisin qui s’est joint à notre Άϱγoς avec respect et douceur, nous nous sommes contentés de l’appeler Poivre-et-Sel.
Les choses auraient pu s’arrêter là. Mais la Bohème, qui était friande de rebondissements, n’était pas de cet avis.
Regardez qui est venu nous dire bonjour le lendemain matin :
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L’Odyssée raconte que le chien d’Ulysse a de très belles formes.
Notre Άϱγoς aussi, avait de très belles formes, mais en plus, une âme emplie de douceur et de tendresse.
Avec beaucoup d’intelligence, le Capitaine répondait à ce désir de tendresse.
Encouragé par la générosité du Capitaine, Άϱγoς esquissait un geste qui disait son bonheur accru : il a choisi de prendre appui sur le marche-pied pour s’étirer.
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Άϱγoς connaissait parfaitement la signification du marche-pied.
En s’appuyant sur celui-ci, il montrait qu’il était conscient que l’accès à notre univers physique mais aussi affectif lui était désormais acquis.
Cependant Άϱγoς avait la sagesse de ne pas abuser. Il a préféré retrouver les caresses du Capitaine , qui étaient toujours magiques, quelque que soit le lieu où elles étaient prodiguées :
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Malgré le plaisir apporté par le Capitaine, la tentation d’accéder à de nouveaux espaces pour goûter des joies nouvelles demeurait très forte :
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Le défi de franchir le marche-pied était-il conforme à la raison ?
Άϱγoς a choisi de ne pas s’imposer en brusquant les choses :
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Diplomate, il a retrouvé la position classique du sphinx à l’extérieur de la roulotte, en renonçant à atteindre de nouveaux territoires.
C’était presque un paradoxe que d’avoir un regard à la fois attentif et exempt d’inquiétude :
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Mais que regardait Άϱγoς avec tant d’intérêt et de bonté ?
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Άϱγoς regardait le Capitaine ranger la soute et s’associait ainsi aux activités de la roulotte.
Depuis les premiers instants du nouveau jour, Άϱγoς nous a offert son affection sans qu’une allusion à la nourriture soit faite. Cette pureté nous émouvait beaucoup. Nous ne l’avons pas corrompue. Nous l’avons seulement récompensée :
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Comme le mousse n’a pas eu le temps de cuisiner, il a donné du fromage à Άϱγoς.
Le plaisir gustatif s’accompagnait volontiers du plaisir épidermique :
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L’univers en fête n’a pas manqué d’attirer Poivre-et-Sel :
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Άϱγoς s’est dépêché d’amorcer avec son corps un arc pour bloquer le passage vers la source de nourriture
Commencé de biais, l’arc du blocage a fini par s’installer frontalement par rapport au marche-pied :
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Pour signifier un début de renoncement, Poivre-et-Sel a abandonné la position debout :
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Puis le renoncement s’est confirmé par la position la plus inoffensive, qui était celle du sphinx :
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Rassuré et fier, Άϱγoς a réalisé ses élongations de manière ostentatoire :
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Cette gymnastique qui dénotait l’auto-satisfaction de Άϱγoς, a amené un glissement dans l’occupation du sol. En effet, regardez qui s’est retrouvé maintenant devant le marche-pied :
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Ce n’est plus Άϱγoς, mais Poivre-et-Sel qui gardait à présent le marche-pied !
La patience a rapproché Poivre-et-Sel de son objectif.
Άϱγoς semblait céder ses prérogatives à Poivre-et-Sel !
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Poivre-et-Sel se cramponnait à sa nouvelle position, mais son regard n’était pas exempt d’inquiétude :
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Pendant combien de temps Poivre-et-Sel pourrait-il garder le premier plan ?
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Pendant combien de temps, Άϱγoς pourrait-il rester en périphérie ?
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Il y a eu un deuxième service du petit déjeuner. Regardez qui a tout de suite revendiqué sa priorité :
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Mais le mousse a tenu à ce que la nourriture parvienne également à Poivre-et-Sel :
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C’était la première fois qu’à côté de la roulotte, Poivre-et-Sel pouvait manger en présence de Άϱγoς.
Puis est venue l’heure d’aller au parc archéologique des tombes macédoniennes.
Nous voici devant les oriflammes brandis en l’honneur de Philippe II de Macédoine :
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Regardez qui nous suivait jusqu’à l’entrée des tombes :
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À l’arrière-plan, se profilaient les deux oriflammes qui étaient dans le selfie.
Comme tout le monde avait pris un petit déjeuner très sommaire, le mousse a soigné le repas du soir en préparant du poulet avec des poivrons et des courgettes :
Voici l’assiette du Capitaine :
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Ce n’était pas par hasard de l’os de la cuisse apparaissait dans l’assiette du Capitaine.
Quant à celle du mousse, la voici :
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Le mousse avait droit à une partie de dos et à une aile.
Nos lecteurs n’ont pas de mal à deviner l’usage réservé à ces os.
Sauf que ce soir-là, Άϱγoς n’est pas réapparu.
Le jour suivant, Άϱγoς n’était pas là non plus. Mais Poivre-et-Sel était là. C’était donc Poivre-et-Sel qui a remplacé Άϱγoς :
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Poivre-et-Sel était accompagné par un autre chien, de taille plus petite, avec des chaussettes, non pas blanches mais ambrées. À ce dernier chien nous avons donné le nom de « Ébène-et-Ambre ».
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« Ébène-et-Ambre » avait droit aussi aux os du poulet préparé la veille.
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L’aventure de la Bohème sur la terre natale d’Alexandre le Grand nous a menés à la rencontre de chiens très affectueux.
Homère raconte que Άϱγoς a remué sa queue quand il a reconnu Ulysse, mais que celui-ci était dans l’impossibilité de répondre à l’affection de son chien, à cause du maquillage qui permettait de dissimuler la véritable identité du roi revenu sur son île.
De même, les chiens que nous avons rencontrés nous ont témoigné de l’affection sans savoir si nous pouvions leur exprimer notre gratitude.
Sommes-nous venus en Grèce, avec la roulotte, pour ne voir que des chiens ? Non, nous sommes venus en Grèce, avec la roulotte, pour découvrir que l’hospitalité n’était pas qu’une affaire de conscience humaine, mais un élan de générosité de tout un cosmos.
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