Castor et Pollux avaient une amie dont la fille aînée préparait l’oral du Brevet du Collège. Pour cette épreuve, la collégienne a choisi le thème du vol d’Icare. Informée de notre navigation, elle a souhaité bénéficier de notre expérience de marin et de notre regard d’helléniste.
Avec un immense plaisir, le mousse a partagé sa connaissance. Il a suggéré un plan en trois parties. La première est consacrée à une mosaïque. La deuxième, à une fresque. Et la troisième, à une sculpture.
Donc, voici la mosaïque :
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La mosaïque représente Icare qui part à l’assaut du Soleil. Celui-ci crache son feu sur le Grec téméraire ou imprudent. Le corps de l’homme volant est raide, comme paralysé par la catastrophe qu’il a pensé éviter.
La mosaïque se trouve sur l’île qui porte le nom d’Icare.
L’île s’appelle donc Ικαρία (transcription : Ikaria).
La mosaïque est affichée à l’entrée du port de plaisance, qui se trouve à droite de la photo.
Topographiquement, l’itinéraire d’Icare va de la mer à la terre, c’est-à-dire du monde de l’instabilité vers celui de la stabilité.
L’ironie du sort fait que dans ce trajet vers la sécurité, Icare oublie le péril qui le guette au-dessus de lui.
La mosaïque donne un point de vue grec sur le vol d’Icare. Ce point de vue n’est pas entièrement négatif parce qu’il évoque en filigrane une recherche de sécurité.
Nous arrivons maintenant à la deuxième partie de l’exposé. Cette partie est consacrée aux arts de la couleur.
Nous examinerons deux fresques, la première servant à introduire la seconde.
Voici la première fresque, toujours sur l’île d’Icare :
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Icare est vu de face. Son corps bascule en arrière. Des plumes se détachent de ses ailes.
La jeunesse du corps masculin et sa belle musculature expriment la légitimité d’un rêve.
Aucun détail négatif ne semble constituer une sorte de reproche à l’égard de l’accomplissement de ce rêve, sauf peut-être : l’absence de tête.
Picturalement, Icare perd la tête.
Symboliquement, il perd sa tête parce qu’il est ivre de son audace.
Mais globalement, aucun jugement péjoratif, explicite ou sous-entendu, ne vient ternir le spectacle de la beauté de l’envol.
Par contre, le jeans porté par Icare témoigne de la popularité de son aventure, surtout au sein de la génération montante.
Après cette représentation sportive du vol d’Icare, en voici une autre, plus poétique. Cette nouvelle fresque, qui comporte plusieurs scènes, se lit de droite à gauche. Par rapport aux points cardinaux du site, c’est d’Ouest en Est.
La scène centrale montre Icare en présence de son père Dédale.
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Icare reçoit les ailes fabriquées par son père ainsi que les instructions pour l’envol.
Le climat d’harmonie est incompatible avec toute idée de désobéissance.
Le port peint en contrebas est Eύδηλος (transcription : Evdilos), qui se trouve sur la côte septentrionale de l’île.
La beauté de la scène de la transmission du savoir est introduite par le symbole de la beauté, qui est l’Aphrodite grecque :
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Une autre scène parle aussi de la beauté, dans le contexte du mouvement :
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La danse est une manifestation de joie collective. Le vol d’Icare, qui est présenté en lien avec l’allégresse du village, ne comporte donc aucune signification négative pour l’auteur de la fresque.
D’ailleurs celui-ci fait commencer la fresque par le dessin d’une grappe de raisins et celui d’un instrument de musique.
Le raisin évoque la convivialité.
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Il ravive l’esprit de fête.
L’instrument de musique, qui appartient à la famille du violon, sert à donner le rythme de la danse.
Toutes les scènes qui précèdent la scène où Dédale équipe Icare ont un message positif.
Pour l’auteur de la fresque, le vol d’Icare porte aussi un message positif.
La scène qui suit la fabrication des ailes est la scène du vol maîtrisé :
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Le déploiement des ailes est structuré par une symétrie axiale. L’équilibre indique une assurance. L’artiste ne représente plus le corps d’Icare pour mettre l’accent sur la mécanique des ailes.
La scène suivante montre la catastrophe :
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Les ailes ne fonctionnent plus : elles perdent des plumes.
Mais dans son échec, Icare apparaît comme un danseur étoile qui exécute un saut en hauteur. La cambrure du torse et l’étirement de la pointe des pieds possèdent une beauté qui chasse toute idée de punition ou de malédiction.
Dans sa tentative, Icare apparaît aux yeux de l’artiste grec comme quelqu’un qui a offert un beau spectacle.
Dans la scène suivante, l’île d’Icare flotte comme une plume métamorphosée.
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Sur la côte Nord, une inscription en majuscules, EYΔHΛOΣ, indique l’emplacement du port qui apparaît dans la scène de la fabrication des ailes. EYΔHΛOΣ (transcription : EVDILOS) proclame donc sa fierté de détenir l’héritage laissé par Icare. Quel est donc cet héritage ?
C’est un héritage qui est ressenti comme un bienfait, puisque la scène suivante montre un concert de musique instrumentale :
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Parmi les six instruments représentés, trois appartiennent à la famille du bouzouki, qui est l’instrument traditionnel par excellence. Ceci signifie que l’héritage laissé par Icare fait réellement partie du patrimoine de l’île.
La nature de l’héritage d’Icare est dévoilée dans la troisième partie de l’exposé, au cours de l’étude consacrée à la sculpture qui est exhibée à l’extrémité du quai des ferries. Voici le quai des ferries au lever du jour :
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Sur le mur de la jetée, les mots « KAΛOΣ HΛΘATE ΣTO NHΣI TOY IKAPOY » signifient littéralement « BIENVENUE DANS L’ÎLE D’ICARE ».
Quant à la statue, elle apparaît à l’extrémité qui se trouve du côté où le soleil se lève. De loin, on croit voir deux énormes ailes qui se dressent à la verticale.
Regardons d’un peu plus près l’ouvrage sculpté :
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Au sommet, une silhouette humaine semble se débattre.
Effectivement, Icare est en pleine chute, avec la tête en bas :
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Les ailes de l’homme-oiseau sont déchiquetées.
Sur le quai des ferries, cette représentation d’Icare avec la tête en bas est mise en parallèle avec une autre sculpture qui montre également un être humain avec la tête en bas. Voici cette autre sculpture :
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Il s’agit du Sauveur, au moment de la descente du poteau de supplice.
L’image d’Icare se trouve à l’extrémité Est de la jetée. L’image du Sauveur, à l’extrémité Ouest.
La mise en parallèle signifie que les Grecs voient dans le geste d’Icare la manifestation de sa part d’humanité. Il est dans la nature humaine de chercher à faire reculer les limites comme il est dans la nature humaine de rechercher l’amour et de pratiquer l’amour.
L’héritage culturel laissé par Icare est dans l’exhortation à préserver la part d’humanité qui est en chacun de nous.
En conclusion, voici une situation qui illustre le point de vue des Grecs au sujet du geste d’Icare :
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Sur la jetée qui relie les deux sculptures, au-dessus du nom d’Icare, un voyageur dresse une tente sommaire pour y passer la nuit.
La part d’humanité que le geste d’Icare nous exhorte à mettre en valeur se manifeste dans le cas présent par l’hospitalité.
Le point de vue grec trouve dans le projet d’Icare l’essentiel, c’est-à-dire la chose positive qui édifie.
À nous qui sommes en route pour la rejoindre, la Grèce d’Icare nous a fait la surprise de venir à notre rencontre, comme pour atténuer notre impatience.
Nous sommes très reconnaissants à l’égard de Castor et Pollux d’avoir servi d’instruments aux Olympiens.
La rencontre avec Icare en terre ariégeoise relevait du miracle ! Quelle passionnante Bohème !
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