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La première halte du retour vers la Grèce se trouvait en Bourgogne, chez l’Aventy.

Les premiers paysages offerts par la roulotte étaient des paysages intérieurs. Leur haut pouvoir émotionnel augurait que l’aventure de la Bohème serait riche en découvertes humanistes.

L’esprit de la Bohème était présent car nous avons passé la soirée à côté d’un feu de camp.

La danse des flammes était la danse de l’hospitalité généreuse et fascinante.

L’incandescence de la braise était celle de l’amitié, toujours vive et ardente, en dépit de la morosité ambiante.

L’esprit de la Bohème portait notre évasion nocturne car nous avions la sensation de dormir à la belle étoile. En effet, de notre couche, nous voyions les arbres qui étendaient leurs ramures.

Mais nous n’étions point importunés par le froid hivernal qui faisait descendre la température bien au -dessous de zéro. Car l’âtre des retrouvailles diffusait avec abondance une chaleur bienfaisante, à tel point que nous nous sommes crus à Rhodes, ou mieux encore, à Μούδρος (transcription : Moudros), qui avait tant charmé le mousse au cours de la dernière saison.

La Bohème ne signifiait pas obligatoirement le dénuement. Dans notre cas, elle signifiait une nouvelle liberté obtenue en s’affranchissant des contraintes et de la routine. Elle n’excluait pas la manifestation de la bonté.

En l’occurrence, c’était l’Aventy qui ne cessait de multiplier les gestes de bonté envers le Zeph depuis le voyage initiatique de celui-ci.

C’est cette bonté qui a inspiré à l’Aventy la coquetterie sur la table de l’improvisation.

Les vitamines brillaient sur le corps des tomates.

Les protéines apportaient leur contribution à l’équilibre.

La mâche, souple et gracieuse, complétait le tableau de l’élégance, qui était un subtil clin d’œil à l’esthétique de la pureté des chapelles grecques.

L’Aventy a offert à l’équipage du Zeph le privilège de n’avoir qu’à mettre les pieds sous la table.

Par nature, la Bohème sait s’affranchir de la dépendance envers des écrans digitaux. En conséquence, nous nous sommes divertis, après le repas, en jouant aux cartes. Le jeu de cartes portait des effigies de bovins :

Les stratégies s’affrontaient, mais sans produire ni l’euphorie en cas de victoire, ni l’amertume en cas de défaite. Car à la table de l’Aventy, l’on avait beaucoup d’égards pour l’adversaire.

La Bohème n’était pas à confondre avec l’indigence, ni sur le plan matériel, ni sur le plan spirituel. Loin de là, même.

N’était pas programmée, en cette terre de Bourgogne, une rencontre avec la Grèce. Pourtant, nous y avons rencontré la Grèce, non pas une seule fois, mais à maintes reprises.

La première rencontre a eu lieu au moment où nous nous apprêtions à goûter le repos nocturne.

Le messager de la Grèce s’appelait Bruno Giuliani. Le nom n’avait rien de grec. Cependant l’être était fondamentalement grec, car il était un familier de Socrate, de Pythagore et d’Épicure.

De son ami Épicure, Bruno Giuliani a rapporté les propos suivants :

« Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, ni, vieux, ne se lasse de la philosophie. Car il n’est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard pour assurer la santé de l’âme. Celui qui dit que le temps de philosopher n’est pas encore venu ou qu’il n’est plus est semblable à celui qui dit que le temps du bonheur n’est pas encore venu ou qu’il n’est plus. »

Il ne viendrait à aucun humain l’idée de bouder le bonheur. Donc il serait aussi sot de faire peu de cas de l’amour de la sagesse que de faire peu de cas de son propre bonheur.

Quelle brillante démonstration !

Après l’éthique, c’était au tour des mathématiques d’entrer en scène. Après Épicure, c’était Pythagore qui nous accueillait dans son univers, dont l’un des symboles était le triangle :

Cette photo était une image captée en rapport avec la mue de l’Aventy. D’ordinaire, le triangle évoquait pour le mousse le fronton des temples antiques. D’ailleurs, cette référence à l’architecture classique était la première idée qui venait à son esprit quand il a vu la charpente du devenir de l’Aventy. Mais la médiation de Bruno Giuliani, le messager, a apporté une deuxième signification à la contemplation. Désormais, pour le mousse, le triangle est plus qu’une figure statique de la géométrie : c’est le souvenir de la réplique faite par le Grec à l’un de ses admirateurs qui le qualifiait de σοφός (en français : sage), c’est-à-dire de « détenteur de la sagesse ». Pythagore a répondu qu’il était plutôt un φιλόσοφoς (littéralement : amoureux de la sagesse). Tomber amoureux de quelque chose, ce n’est pas posséder ce quelque chose, mais en être fou. Pythagore disait que son être désirait follement la sagesse. Cette inclination, puissante et irrésistible, créait une tension qui donnait du sens à l’existence. Ainsi, Bruno Giuliani, que la mue de l’Aventy a introduit dans la Bohème du Zeph, enrichissait considérablement le jardin philosophique de celui-ci.

Voici l’autoportrait réalisé en souvenir du Pythagore présenté par Bruno Giuliani :

Le désir, par sa mouvance et sa dynamique, s’oppose à ce qui est figé. Voilà un thème qui sied à merveille à l’aventure de la Bohème.

Quand le désir est évoqué, d’aucuns pensent volontiers au désir amoureux. Là-dessus, le messager Bruno Giuliani a soulevé une question fort intéressante : « Pourquoi Socrate encourage-t-il à honorer Éros, dieu de l’Amour, plutôt qu’Athéna, déesse de la Sagesse ? »

L’étonnement, qui foisonnait dans la Bohème en terre de Bourgogne apportait un puissant attrait à l’aventure. Cet attrait était le merveilleux !

Merci à l’Aventy d’avoir favorisé généreusement l’éclosion de ce merveilleux.

Tout s’est passé comme si la Grèce venait à notre rencontre, dès la première halte, pour nous accompagner durant tout le reste de notre trajet, jusqu’au Bosphore.

Cette première rencontre avec la Grèce était imprévue, renversante mais ô combien édifiante.

Il y avait un génie de l’Aventy. C’était ce génie qui avait ménagé l’entrevue entre l’équipage du Zeph et le messager Bruno Giuliani.

Quand est venue l’heure de se dire au revoir, l’Aventy a offert à l’équipage du Zeph un thé parfumé avec du miel et du citron.

Le goût de l’amitié était si suave que le Capitaine donnait des signes montrant qu’il n’avait pas envie de partir. Le capitaine de l’Aventy dit alors à celui du Zeph : « Après les travaux sur les portières de la roulotte, tu reviens ici. Ta chambre est déjà chauffée ! ».

En effet, pendant que ces merveilleuses paroles étaient prononcées, crépitait de nouveau un fort joli feu dans la cheminée.

Et dehors, attendait la roulotte :

Après les travaux de serrures sur la roulotte, nous ne sommes pas revenus voir l’Aventy, parce que le Bosphore nous attendait. Mais nous emportions dans notre cœur le joyeux feu que l’Aventy avait allumé pour nous.

L’Aventy possédait dans son décor une peinture qui faisait penser au berceau du Zeph : il s’agissait de la Camargue, dont l’un des emblèmes était le flamant rose. Voici ce beau tableau, qui servait de mur de scène à nos agapes :

Le flamant rose, c’était l’époque de Port Napoléon, quand le Zeph ne pouvait que rêver de la Grèce. À présent, avec la roulotte, nous nous apprêtons à retrouver les îles proches du Bosphore, que nous avons découvertes au cours de la saison précédente et que nous voulons revoir, cette fois-ci avec les fleurs du printemps.

Entre le rêve d’antan et la destination finale de cette saison, un trésor culturel nous accompagne désormais : c’est la révélation apportée par le messager Bruno Giuliani au sujet de la pensée grecque.

La jonction entre le départ et l’arrivée dans le schéma mental de notre voyage s’est accomplie de manière miraculeuse, grâce au giron de l’Aventy. La cohérence des événements et l’harmonie de leur agencement ont suscité une grande joie. L’amitié était une source d’édification et d’émerveillement.

Le tableau des flamants roses chez l’Aventy venait d’être lu par rapport au présent. Il pourrait aussi contenir un message pour l’avenir concernant l’Aventy. Dans ce cas, la mue en cours serait illustrée par la position debout des flamants.

L’envol en fin de travaux serait préfiguré par les silhouettes qui montaient en diagonale.

Nous formons le vœu que le décollage de l’Aventy métamorphosé puisse avoir lieu dans les plus brefs délais.

 

Tag(s) : #2025 LA ROULOTTE
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