Après la Bourgogne, la route vers la Grèce passait par l’Auvergne.
La Bohème, qui était un choix de vie du Zeph, continuait de renouveler la perception des choses et d’enchanter le regard.
Très nombreuses étaient les surprises apportées par l’aventure de la Bohème en terre auvergnate.
Il y a eu une échappée belle qui nous a menés entre deux mondes : le monde de ceux qui sont partis pour un lointain voyage et le monde de ceux qui attendent le retour des voyageurs partis au loin.
L’exploration de l’entre-deux-mondes était donc une exploration du lien affectif. Et l’aventure de la Bohème était une aventure au pays de la tendresse.
Topographiquement et chronologiquement, l’entre-deux-mondes commençait par la rive où l’élan vital prospérait encore.
Voici une illustration du désir de vie, impérieux et euphorisant :
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La photo montre le hublot à tribord, qui se trouvait au niveau de la cuisinière.
Au premier plan, sur le couvercle qui protégeait les brûleurs, le reflet des arbres est venu s’insérer entre les deux verres de vin blanc. Picturalement et symboliquement, la roulotte ne faisait qu’un avec son environnement. Cette osmose entre l’extérieur et l’intérieur était une source de joie, que le vin blanc relayait volontiers.
Y avait-il quelque chose à voir à bâbord ? Regardez donc :
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Au premier plan, la municipalité a aménagé une table de pique-nique et des sièges à l’aide de blocs de pierre, dont l’apparence préhistorique était soigneusement étudiée.
À l’arrière-plan, la roulotte était garée le long de la rivière qui était l’Allagnon.
Le cadre bucolique nous enchantait.
L’enchantement était dans le macrocosme comme dans le microcosme.
En effet, sur les berges de la rivière, des lanternes revêtues de soie blanche se balançaient avec grâce dans le souffle ludique du soleil :
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La rivière servait de frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Les tourbillons qui ponctuaient son cours évoquaient les remous d’un cœur ébranlé par la peine insoutenable que causait l’irréversible séparation.
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La photo a exploité le contre-jour pour mieux mettre en évidence l’agitation des flots.
La lumière venait donc d’en face, de la rive qui était, en l’occurrence, celle des morts. C’était aussi la rive occidentale de la rivière, puisque nous étions dans l’après-midi.
La municipalité a aménagé des ponts pour que les vivants rendent visite à leurs chers défunts.
Pour le mousse, qui venait évidemment de la rive des vivants, ces ponts étaient les ponts du suspens.
La première découverte du mousse venait de l’ornement des stèles funéraires :
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Nulle part auparavant, il n’a vu du blé sur les sépultures, ni chez les Grecs, ni chez les Ottomans, et même en Gaule.
Le souvenir des défunts était en lien étroit avec le cadre de vie qui avait été le leur. Et dans l’Auvergne de la ruralité, l’épi du blé nourricier était un élément essentiel.
Ainsi, la stèle funéraire rappelait la spécificité de la préoccupation des vivants de jadis.
Il arrive que les champs de blé ne contiennent pas que des graminées et qu’ils s’égayent de la floraison d’autres espèces végétales, comme le coquelicot ou le bleuet.
Sur la stèle suivante, l’épi de blé et le coquelicot se retrouvaient côte à côte :
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L’artiste a enrichi la scène avec, au premier plan, une marguerite et un passereau, et à l’arrière plan, un conifère.
Cette représentation introduisait un facteur sonore, qui était le gazouillis de l’oiseau. Le tableau devenait à la fois visuel et musical.
Le spectacle de la dualité entre la vue et l’ouïe se retrouvait encore sur la stèle ci-dessous, avec la coquetterie de l’abstraction :
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Car la créature qui produisait des sons par son gosier était remplacée par des graphies du solfège. Ça, c’était pour l’abstraction. Quant à la coquetterie, elle était dans le ballet des pétales de coquelicot, qui mimait l’envol des notes de musique !
La scène ne semblait pas évoquer la tristesse, mais la joie. Sur cette stèle, n’était pas représenté un chant de deuil, mais un hymne à l’espérance.
Le passereau nous rappelait que dans la campagne auvergnate, il y avait une flore mais aussi une faune.
Dans la représentation de la faune, l’art funéraire savait faire preuve à la fois de réalisme et d’humour. En voici un sublime exemple :
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Une coccinelle aux ailes entrouvertes s’est posée sur une fleur bleue à six pétales.
La présence de la coccinelle était parfaitement cohérente avec l’univers de l’épi de blé et du coquelicot : ça, c’était pour le réalisme.
Quant à l’humour, il reposait sur la flexibilité de la tige métallique qui servait de pédoncule à la fleur bleue. Ainsi, celle-ci avait beau s’agiter à cause du vent taquin, l’insecte restait accroché à la pièce florale qui lui fournissait du nectar.
Le spectacle de la coccinelle épousant la valse de la fleur chassait la tristesse et remplaçait l’immobilisme morbide par un heureux dynamisme.
La gent ailée possède des représentants qui sont associés au destin de l’homme. La colombe, qui fait partie de ces représentants, occupe une place de choix dans chaque projet de préservation de la mémoire. Mais là encore, l’Auvergne nous a fascinés par son originalité. En voici un premier exemple :
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L’image de la colombe portant un rameau d’olivier dans son bec est un grand classique. Mais ici, l’artiste auvergnat a rajouté une paume de la main, qui s’ouvrait pour recevoir l’atterrissage de l’oiseau de la paix.
Il ressort de cette illustration que l’être humain est fait pour la paix, et qu’il ne peut vivre que grâce à la paix. Et dans le cadre de la sépulture, la paix est la meilleure chose qui puisse être souhaitée pour l’ultime repos.
L’art funéraire local a une fabuleuse trouvaille concernant l’oiseau de la paix : sur plusieurs stèles, celui-ci n’apparaissait pas seul. Regardez donc :
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Un couple de colombes volait en direction d’un rosier.
La paix scellait le couple.
Dans cette représentation, les deux oiseaux de la paix présentaient le même profil.
Sur la stèle ci-dessous, ils se faisaient face :
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Dans ce face à face, l’accent était mis sur l’harmonie interne au couple.
Le décor végétal consistait en volutes blanches qui dessinaient des cœurs entrelacés.
L’art funéraire local invoquait la paix pour l’individu, pour le couple et pour tout le village. Voici la nuée de colombes qui répandait sa bénédiction sur l’ensemble des villageois :
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Toute la campagne auvergnate se reflétait sur les stèles funéraires. Le monde des morts servait de miroir au monde des vivants.
Ce miroir était un hymne à la paix, qui était l’enjeu de l’instant présent.
Mais ce miroir avait aussi un autre objectif, celui d’éclairer l’avenir.
Deux ornements contribuaient à la fonction prospective du miroir.
Voici l’un de ces deux ornements :
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Dans un premier temps, l’ornement de la sépulture rappelait l’affection entre le défunt et son chien.
Mais la silhouette de celui-ci était aussi un symbole de la fidélité.
Et qui dit fidélité, dit récompense de cette fidélité.
Cette récompense était encore évoquée sur la sépulture suivante :
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Deux anges se tenaient au chevet du défunt. Sous l’effet du soleil couchant, leur ombre et celle de la croix se projetaient sur le couvercle horizontal de la tombe. Le défunt regardait donc vers l’Est, c’est-à-dire vers Jérusalem. Cette disposition signifiait que l’espérance serait récompensée à l’heure où tous les morts seraient relevés.
L’art funéraire local abondait en subtilités.
L’aventure de la Bohème en Auvergne était un passionnant voyage entre deux mondes.
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