La photo suivante, à elle seule, pourrait résumer le transfert entre Λήμνος (transcription : Limnos) et l’escale suivante, qui se trouvait à une quarantaine de kilomètres plus au Sud :
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Le nom de la nouvelle destination était Άγιος Eυστράτιoς (transcription : Ayios Evstratios).
Ce jour-là, chaque tâche a connu une heureuse conclusion. L’impression d’ensemble était une grande satisfaction. L’extrême limpidité de l’eau illustrait formidablement bien le fait que notre champ de vision n’était encombré par aucune pensée négative. Cette nouvelle sève qui nous affranchissait de toutes sortes de catastrophisme, exhibait le bienfait apporté par les quatorze jours passés dans le merveilleux giron de Λήμνος. Au cours de ces quatorze jours de tranquillité et de liberté, nous avions engrangé de la patience, de la souplesse, de l’optimisme, de la confiance.
Psychologiquement, Άγιος Eυστράτιoς se trouvait dans le sillage serein de Λήμνος.
Le fait d’avoir vécu des jours heureux à Λήμνος a eu un impact très salutaire sur la façon d’aborder Άγιος Eυστράτιoς.
D’abord, nous ne sommes pas du tout partis en hâte bien que la littérature nous ait prévenus que les places à l’arrivée n’auraient pas besoin de tous les doigts d’une main pour être comptées.
Voici le GPS qui s’était mis en marche juste avant que le Capitaine ne largue les amarres à Λήμνος :
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Sur l’écran, l’image du Zeph ressemblait à une graine de sésame noir, dont la pointe représentait la proue. Du côté de la poupe, était écrit, en français : « TRACE ACTUELLE ». Chevauchant sur le bord supérieur de cette inscription, apparaissait le terme « MOUDROU », qui était le génitif Μούδρου du nom propre Μούδρος, comme dans Όρμος Μούδρου (en français : Baie de Moudros).
Nous ne revenons pas sur la précieuse protection offerte par la Baie de Μούδρος, quel que soit le type de vent qui se déchaîne.
Par contre, nous voulons attirer l’attention de nos chers lecteurs sur le triangle de lumière qui se formait en haut et à gauche du cadran. Il était dû aux rayons lumineux qui venaient de la proue. Pour l’instant, l’inclinaison de ces rayons laissait encore dans l’ombre une grande partie de l’écran du GPS. Toutefois, la lumière incidente n’était plus rose, ni jaune, mais bien blanche, ce qui voulait dire que le soleil était déjà assez haut. Autrement dit, nous n’étions pas très pressés de quitter le port qui avait cajolé le Zeph, sans relâche, durant deux semaines entières.
Pourtant, il fallait quitter la Baie de Μούδρος et l’île de Λήμνος. Car la fenêtre qui apportait le vent favorable était là, fiable dans sa promesse.
Ainsi, nous avons fini par larguer les amarres et nous avons hissé les voiles pour nous diriger vers le Sud, mais sans précipitation. Nous ne versions pas dans l’insouciance : tout simplement, nous nous sommes montrés confiants.
Nous sommes arrivés à Άγιος Eυστράτιoς en début d’après-midi. Voici la situation, révélée par le premier coup d’œil :
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Tout le bassin intérieur du port était pris.
Vers la gauche de la photo, d’énormes bouées de forme parallélépipédique étaient suspendues pour marquer l’emplacement réservé au ferry qui assurait la liaison avec Mytilène. Cette portion du débarcadère faisait un coude avec le quai qui portait le phare rouge. Sur la photo, l’emplacement réservé au ferry appartenait à une ligne oblique tandis que le quai du phare rouge suivait une ligne horizontale. Les seules places disponibles se trouvaient sur la face extérieure de ce quai, c’est-à-dire sur la face la plus exposée à la houle. Même là, les choses n’étaient ni simples, ni faciles. En effet, cette face extérieure ne pouvait accueillir que deux bateaux. Or, un voilier y était déjà amarré. À côté de la passerelle relevée verticalement, l’on pouvait apercevoir le pavillon, qui était italien. Il ne restait donc plus qu’une seule place, celle qui était située à l’arrière du voilier italien. Hélas, une échelle métallique, incrustée dans le béton pour rejoindre la mer sous le phare rouge, menaçait à tout moment de heurter et d’endommager le flanc de bateau qui s’y frotterait.
En d’autres temps, cette découverte aurait provoqué des lamentations, voire des imprécations et des accusations.
Mais cette fois-ci, nulle parole désagréable ou grossière n’a souillé la sérénité de l’air.
Avec calme, nous avons saisi la chance qui nous était offerte et nous nous sommes adaptés aux contraintes locales, que nous espérions éphémères.
Comprenant l’inconfort qui allait être le nôtre, le voilier italien s’est un peu avancé en direction de l’emplacement du ferry, pour que nous n’ayons plus la dangereuse échelle au milieu de la longueur de la coque, mais vers l’arrière :
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Ce n’était pas de gaîté de cœur que le Capitaine a installé la protection contre l’objet funeste. Mais nous n’avons pas considéré la présence de celui-ci comme une malédiction. Nous nous sommes consolés avec l’idée que nous avons échappé à l’impératif de reprendre tout de suite la route d’errance. Sans l’équilibre mental acquis grâce à la sérénité de Λήμνος, nous n’aurions jamais tenu un tel raisonnement. Savourant ce qui nous a quand même semblé être une chance, nous avons dégusté, avec un bel appétit, les crudités transportées depuis Μούδρος :
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L’assiette était celle du mousse, à cause de la bordure qui se remplissait avec l’azur du ciel.
La grécité de l’inspiration était dans l’emploi du chou blanc et du chou rouge, bien crus pour tous les deux.
Les soucis de l’amarrage n’ont pas fait fuir le principe ayurvédique : la contribution de la douceur était assurée par la betterave rouge tandis que la note de l’amertume était apportée par l’endive.
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Quant à la saveur astringente, elle était présente à travers le gingembre qui avait parfumé la sauce.
L’assiette ci-dessus était celle du Capitaine, à cause de la bordure qui avait le bleu foncé de la mer.
Nous nous réjouissons que l’équilibre mental ait sauvé l’équilibre diététique.
Après le repas de la pause méridienne, une grande surprise nous attendait. En effet, nous avons découvert, à ce moment-là, que le voilier italien n’était plus devant nous. Profitant qu’une place sous le phare vert se libérait, il s’y était mis, sans aucune crainte, car son faible tirant d’eau était tout à fait compatible avec la faible profondeur du fond marin à cet endroit.
Du coup, le Zeph avait la voie libre devant lui. Allègrement, il s’est avancé et a pris la place laissée par le voilier italien. Adieu, frayeur d’échelle !
Chaque chose bonne finit par arriver, quand c’est son tour.
Voici le port, vu de la colline qui le surplombait :
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La photo a été faite après l’arrivée du ferry de Mytilène.
Derrière le ferry, était amarré le Zeph, au niveau du coude que faisait le quai du phare rouge. Juste au-dessous du phare rouge, sur le côté extérieur du quai, la place était vacante, là où se trouvait l’échelle saillante.
Quant au phare vert qui se dressait de l’autre côté du port, il gardait une barque de pêche sur la face intérieure du quai et le voilier italien sur la face extérieure du quai.
La vue aérienne montrait non seulement une topographie mais aussi une ambiance, caractérisée par la poésie de la simplicité et la sérénité d’un art de vivre.
Promenons-nous à présent au ras de l’eau :
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Le Zeph était reconnaissable à son éolienne et à son linge qui séchait sur les filières.
Il était nez à nez avec le gros ferry, qui s’appelait AIOΛΙΣ (transcription : AIOLIS) et qui assurait la liaison avec Mytilène.
Par courtoisie, le Capitaine a demandé au garde-côtes, qui veillait à la bonne marche des débarquements et des embarquements, si la position du Zeph gênait les manœuvres du ferry. Avec bonhommie, l’officiel en uniforme blanc nous a répondu que nous ne gênions personne.
Vers la fin de l’après-midi, un autre voilier est entré dans le port, en donnant l’image de nous-mêmes :
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Inévitablement, il s’est approché du phare rouge, à cause de la place vacante :
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Puis il n’a pas tardé à faire demi-tour à cause du relief proéminent de l’échelle :
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Finalement, il a décidé de se satisfaire de la portion congrue et s’est installé derrière nous :
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Sur le côté droit de sa proue, on pouvait lire le matricule 5GE242D. Il s’agissait donc d’un bateau enregistré à GENOVA (en français : GÊNES), la capitale de la Ligurie.
Une seule chose nous tenait véritablement en haleine : c’était l’impact des remous causés par les manœuvres des ferries. Le sujet nous incitait à rester vigilants, sans pour autant verser dans le catastrophisme.
À la tombée de la nuit, est entré dans le port un ferry qui était plus gros que le AOLIS et qui appartenait à la compagnie SEAJETS.
Regardez le calme avec lequel le Capitaine faisait face à la situation :
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Le ferry avait de belles manières : il modérait sa puissance pour ne pas communiquer à l’onde ni violence, ni agressivité.
Les flots ne se sont pas emballés. Une simple pression du pied droit suffisait à réduire l’amplitude de l’inévitable roulis :
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Docile, le Zeph a vite retrouvé sa stabilité initiale.
Satisfaits, nous avons goûté le repos nocturne, qui s’est révélé d’une grande force réparatrice.
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Le balcon posé sur la mer entre Λήμνος et Άγιος Eυστράτιoς était le balcon du temps opportun.
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