Quand on aime trop un endroit, on cherche tout naturellement à le revoir. Et l’on caresse sans relâche le rêve d’y vivre.
Ce principe s’appliquait au site de Μόλυβος (transcription : Molyvos), que nous avions découvert grâce à la mob louée et que nous avons ensuite voulu aborder par la mer, à la manière des Byzantins.
À Μόλυβος, on trouvait tous les ingrédients qui constituaient le grand charme de la capitale, Mυτιλήνη (en français : Mytilène), avec en plus, l’escarpement du promontoire. Aux attraits de la culture, la topographie propre à l’espace égéen ajoutait un surcroît d’envoûtement.
Voici le port de Μόλυβος, vu d’en haut de la Citadelle byzantine, lors de notre premier passage, avec la mob louée, alors que le Zeph était encore amarré à soixante-cinq kilomètres au Sud-Est de là, dans la Marina de la capitale :
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À l’extrémité du quai, qui s’étirait en direction du Sud-Est, se profilait un phare qui était le phare rouge. C’était au pied de ce phare rouge que le Capitaine rêvait de poser le Zeph. La vue aérienne montrait que c’était une sorte de bout du monde, qui, pourtant n’était pas trop éloigné de l’animation urbaine.
Quatre jours après la réalisation de la photo ci-dessus, le rêve est devenu réalité :
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La photo a été faite à partir de la rampe qui reliait le port à la Citadelle byzantine.
Le Zeph aimait se retrouver seul avec la mer. Dans le cas présent, son vœu de communion exclusive avec la mer était magnifiquement exaucé.
Inversons la perspective. Voici la Citadelle byzantine vue à partir du Zeph :
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L’amarre était reliée au phare rouge, qui se trouvait dans le dos du photographe. Prévoyant, le Capitaine a intercalé une défense entre la pierre du muret et le précieux cordage pour éviter que celui-ci ne soit cisaillé à cause des frictions.
La photo a été faite avec la lumière du couchant, qui commençait à répandre son ocre rouge. Progressivement, une douce mélancolie enveloppait tout le site.
Puis, à la montée des lumières, tout s’éveillait à nouveau :
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Le phare allumé à tribord et la Citadelle illuminée à bâbord métamorphosaient l’emplacement du Zeph en un magnifique écrin, qui témoignait que le Capitaine avait la vision et le savoir-faire d’un esthète.
Cette position à l’extrémité du quai donnait l’impression que le Zeph avait l’exclusivité de s’immerger dans la beauté du cosmos grec.
Il existe des vis-à-vis qui sont recherchés, applaudis et adulés. Car il s’agit de confrontations qui contiennent du sens et créent une plus-value.
Le face-à-face avec la Citadelle de lumière faisait partie de ces perspectives valorisantes.
Voici une autre perspective, porteuse de sens :
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Au premier plan, apparaissaient deux chaises posées à l’angle d’une table au bord de l’eau. La table, recouverte d’une nappe blanche, appartenait à l’une des terrasses que déployaient les restaurants dans la partie basse de la rampe qui reliait la Citadelle au port.
La chaise visible de dos affichait l’inscription suivante : « Tι γλυκό να σ’αγαπουν »
En français :
Comme c'est doux qu’ils t’aiment
C’était une superbe manifestation d’empathie.
L’on peut penser que la personne tutoyée était celle qui était attendue à cette table, ou à une autre, et que le pronom personnel « ils » correspondait à des amis ou à des proches, qui s’apprêtaient à offrir un festin pour toute la tablée. Mais chacun était libre d’imaginer une autre façon où s’exprimerait la générosité motivée par l’amour. Voilà pour l’atmosphère festive suscitée par les paroles d’accueil. Il ne restait plus qu’à passer au concret, c’est-à-dire à la fête des papilles.
Il y avait deux chemins qui y menaient.
L’un des chemins était indiqué par le montant droit de la chaise examinée ci-dessus. Juste au-dessus de ce montant, apparaissaient, sur l’autre rive du port, la silhouette bleutée du Zeph et le profil du phare rouge.
L’autre chemin proposait de suivre le bord de l’eau, sans emprunter le raccourci en ligne droite. Sur ce second parcours, la spécialité du lieu était clairement affichée. La voici :
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Le poulpe, grillé au charbon de bois, est l’un des emblèmes de la cuisine grecque.
C’est bon, parfumé et authentique.
Mais à Μόλυβος, le mousse avait d’autres ambitions pour le Zeph : des ambitions qui rappelleraient le faste de Byzance.
Regardez cette photo, faite lors du premier passage, quand nous étions venus ici grâce à la mob louée :
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Le nom de la barque était ΘΕΟΔΟΣΙΟΣ (en minuscules : Θεοδόσιος).
En français : THÉODOSE.
La barque portait le nom de l’empereur romain qui avait régné juste avant que Constantinople et Rome ne s’affrontent dans un conflit fratricide. La liturgie byzantine a fait de cette figure impériale une figure de sainteté, dont la fête a lieu chaque 17 janvier en Orient.
Inspiré par ce souvenir impérial, le mousse a cuisiné comme s’il se trouvait à la cour de Théodose. Voici, servi à bord du Zeph, l’agneau caramélisé avec du cumin et de la coriandre :
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L’excellence du plat dépendait aussi de la garniture. En la circonstance, il y avait des brugnons, des poivrons et des aubergines :
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Les brugnons étaient sollicités pour leur saveur à la fois sucrée et acidulée. Les poivrons et leurs aubergines apportaient deux sortes d’amertume : l’amertume était plus tonique à cause du croquant de la première catégorie, et plus onctueuse grâce à la douceur de la seconde catégorie.
La cour impériale était friande d’exotisme. Ce clin d’œil ayurvédique ne pouvait que lui plaire.
D’ailleurs, l’hédonisme byzantin chérissait l’association des contraires, comme en témoignait cette pancarte sur une devanture de Μόλυβος :
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La peinture présentait un pas de deux, exécuté par deux personnages dont l’anatomie exhibait de manière ostentatoire les atouts féminins.
La ballerine de gauche avait des ailes. Elle s’appelait Μέλι (en français : Miel). Son teint avait la couleur de l’or des abeilles.
De l’autre côté du panneau, les membres inférieurs étaient remplacés par une nageoire caudale. La ballerine s’appelait Αλάτι (en français : Sel). Tout le corps avait la couleur de l’or blanc de la mer.
Les deux corps ne montraient pas la même courbure. Celle du Sel était plus accentuée que celle du Miel. La figure du Sel effectuait une pirouette dont la cambrure donnait à voir un « O » presque fermé. Cette performance époustouflante indiquerait que dans ce pas de deux, c’était le Sel qui menait la danse.
Le rôle prépondérant accordé au Sel dans cette chorégraphie était conforme à la réalité au niveau des fourneaux.
La danse du Miel et du Sel illustrait à merveille le bien-être que nous savourions à Μόλυβος.
Lors du premier passage à Μόλυβος, le mousse avait capté intuitivement la capacité du site à nous rendre heureux. À l’époque, il s’était installé sur un tabouret haut comme si le quai était une terrasse du Zeph :
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Seulement quatre jours plus tard, le talent du Capitaine a transformé ce quai en un « chez nous ».
Nous avions l’essentiel pour le confort matériel : l’eau douce à volonté, gratuitement.
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La mâture s’y mirait pour attester que les conditions étaient fiables.
Nous étions heureux de laver notre linge comme si nous étions chez nous :
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Comme chez nous, nous nous sommes régalés avec de la musique qui chantait les paysages grecs. Nous étions gâtés parce que Μόλυβος montrait le visage de la cantatrice, Χριστίνα Μαξούρη (transcription : Christina Maxouri), et du pianiste Κωνσταντίνος Ευαγγελίδης (transcription : Konstantinos Evangelidis) :
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Le concert face à la mer était un pur moment de grâce !
Nous savions que ce séjour à Μόλυβος servait d’au revoir à l’île de Λέσβος. C’est pourquoi de la tristesse s’est mêlée aux joies de l’instant.
Ainsi le balcon posé sur la mer à Λέσβος est devenu le balcon de l'élégie à Μόλυβος :
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Tags : balcon posé sur la mer, Λέσβος. Mυτιλήνη, Μόλυβος, Théodose, ayurvéda, le « chez soi », élégie