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Après treize jours de faste, l’escale à Μυτιλήνη (transcription : Mytilène) touchait à sa fin.

Voici le Zeph, le matin du départ :

À l’horloge de l’Égée, il était cinq heures et demie du matin.

Les rayons du soleil naissant convergeaient vers la cage de verre qui renfermait un spécimen de la forêt pétrifiée, classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Au premier plan, le linge, affranchi du goût du sel, finissait de sécher.

La photo montre le merveilleux cadeau que la Grèce nous offrait et qui était la sérénité.

Rien dans cette photo ne disait que nous nous apprêtions à partir. Pourtant nous partions.

Nous partions sans hâte, mais nous partions.

Nous partions sans hâte, parce que nous n’avions pas à fuir une météo dangereuse ou le poids de l’ennui.

Mais nous partions, parce que d’autres sources d’émerveillement nous attendaient ailleurs.

Nous partions, comblés et reconnaissants.

La confiance ouvrait notre route.

Nous partions, l’esprit serein.

Et nous avions la merveilleuse chance que cette sérénité nous tienne compagnie à chaque instant, jusqu’à la prochaine halte, qui était le mouillage de Τσουκαλάς (transcription : Tsoukalas), situé à une quinzaine de kilomètres au Nord-Ouest de Μυτιλήνη. Administrativement, Τσουκαλάς dépendait encore du giron de Λέσβος (transcription : Lesbos).

Avant que les amarres lâchées ne brisent la surface de l’eau, le Zeph se contemplait une dernière fois dans le miroir des jours heureux.

La transparence de l’eau rappelait que le corps et l’esprit s’étaient régalés grâce aux ressources inépuisables de Μυτιλήνη. Les paysages intérieurs, dévoilés par le Festival de l’été, ont contribué à une connaissance plus approfondie de l’âme grecque. Cette découverte, si fascinante, de l’intime apportait une grande satisfaction, celle de ne pas rentrer du voyage en restant bredouille. Cette satisfaction de l’être intérieur illuminait aussi toute l’enveloppe corporelle. La lumière dont s’enveloppait le Zeph en était un témoignage très émouvant.

Voici le Zeph en train de quitter la baie de Μυτιλήνη :

À l’arrière-plan, se devinait le phare vert que rasaient les bateaux entrants. Son profil se composait de plusieurs cylindres empilés. C’était la sérénité du moment qui en faisait un phare de la joliesse, de la courtoisie et de la bienveillance.

Il n’y a pas eu d’embuscade sur la route. Poséidon n’était ni contrarié, ni contrariant. Éole n’était ni furieux, ni fantasque.

Avec plaisir, le Zeph glissait sur la mer de la sérénité.

Voici la destination finale du jour :

La pureté des lieux était saisissante. Elle amplifiait à perte de vue la sérénité. À l’inverse, le calme donnait de la transparence à toute chose. Cette transparence, miraculeuse et sublime, stimulait la jouissance de l’infini. Un poète grec a décrit le privilège de tutoyer l’infini marin : il s’agit de Κώστας Καρυωτάκης (transcription : Kostas Karyotakis), à qui nous avons rendu hommage dans l’article « Le balcon posé sur la mer (43-4) à Λέσβος. Le balcon de la poésie 3. Κώστας Καρυωτάκης », publié le lundi 25/11/2024.

Dans ce précédent article, nous avons cité sa déclaration d’amour :

« Η θάλασσα είναι η μόνη μου αγάπη. »

 

En français :

La mer est mon seul amour.

 

Puis le poète a explicité les raisons de cet attachement puissant et durable.

En parlant de la mer, le texte grec dit :

« Εἶναι ἐκεῖ, ἄσπιλη, ἀπέραντη, αἰώνια. »

 

En français :

Elle est là, immaculée, infinie, éternelle.

 

Le premier attrait mentionné par le poète est l’absence de souillure. En effet, la toute première chose que nous avons remarquée en arrivant au mouillage de Τσουκαλάς était la pureté de l’endroit.

Il y avait l’absence de souillure par rapport à l’état physique du milieu marin.

Et il y avait aussi l’absence de souillure par rapport à la présence humaine, qui s’est montrée très discrète et très respectueuse. Aucune tache visuelle ne défigurait la splendeur du lieu, aucune aspérité sonore ne heurtait le calme du site, aucun effluve étranger ne polluait le souffle iodé.

Après avoir dit sa fascination pour la substance immaculée de la mer, le poète mentionne le deuxième attrait, qui est l’absence de limite spatiale.

La pureté était à la fois le vestibule et la demeure du bien-être. Tout de suite, nous nous y sommes installés. Et au fur et à mesure que la jouissance de cette demeure progressait, nous avions la sensation que l’espace paradisiaque qui s’offrait à nous n’avait pas de limite spatiale et que nous pouvions explorer à notre guise cette merveilleuse immensité.

Le deuxième attrait mentionné par le poète est indubitablement lié à l’horizon marin, qui est sans borne ou qui rend évanescentes toutes sortes d’obstacles. Cet attrait n’existerait pas en montagne. Ceci justifie le fait que la mer, et elle seule, est l’objet de l’amour offert par le poète. L’adjectif ἀπέραντη (en français : infinie) est la justification de l’adjectif μόνη (seule) qui s’inscrit dans la déclaration de l’amour exclusif.

L’absence de limite ouvrait les portes de la liberté et de la créativité.

Il allait de soi qu’un tel privilège se fêtait.

Le mousse a matérialisé l’hymne à la mer par deux textures : le croquant des crevettes et et la souplesse des seiches.

Chaque seiche trônait sur une pêche plate, elle-même courtisée à la base par une ronde de crevettes.

Ce plat était une sorte d’offrande dédiée aux Olympiens pour la sérénité qui régnait dans le giron de

Λέσβος, depuis Μυτιλήνη jusqu’à Τσουκαλάς.

Or la sérénité se nourrit d’harmonie et d’équilibre.

En conséquence, le plat du mousse devait refléter un équilibre, qui était l’équilibre terre-mer.

La terre nourricière était donc présente, par sa complémentarité avec l’espace marin. Relevaient de la spécificité de la terre ferme, les pêches plates des vergers ainsi que les carottes et l’oignon frais des potagers. L’oignon frais fournissait des étuis cylindriques aux fagots formés de filaments de carotte. La taille en biseau évoquait l’inclinaison oblique des rames.

La photo ci-dessus montre l’assiette du Capitaine, reconnaissable au bord orange, qui se réfère à la capucine, la fleur préférée du Capitaine.

La photo avant encore présente l’assiette du mousse, décorée avec une bordure ocre rouge, qui rappelle le coquelicot, objet de fascination perpétuelle pour le mousse.

La capucine et le coquelicot en filigrane témoignaient que dans ce décor de sérénité, nous nous sentions chez nous.

L’exquise sensation d’être en vacances, c’est-à-dire d’être libéré des contraintes d’un emploi du temps tyrannique, s’alliait au sentiment délicieux de se sentir chez soi, c’est-à-dire dans un giron douillet, conçu à notre image, spécialement pour notre bien-être.

Les vacances humées n’auraient pas de fin. Le chez soi ressenti ne serait jamais caduc.

La bienveillance du lieu ne dépendait pas de la position de l’astre solaire.

À l’heure du couchant, la sérénité changeait la palette mais pas la caresse. La même douceur, propice à la rêverie, présidait à l’avènement du nouveau charme chromatique.

Le bonheur, qui luisait sur l’épiderme du Zeph, multipliait les soleils de sympathie et de gratitude.

Nous tenions absolument à saisir l’opportunité d’être en parfaite adéquation avec le cadre ambiant. En conséquence, nous avons organisé le repos nocturne de manière qu’il soit complet tout en permettant d’accueillir la re-naissance du disque solaire.

Le service d’accueil précède toujours les invités à accueillir.

Nous voulions accueillir le soleil. Alors nous nous sommes levés plutôt que lui, non sans avoir à l’esprit ce vers d’Homère :Ἦμος δ᾽ ἠριγένεια φάνη ῥοδοδάκτυλος Ἠώς

En français : Dès que, fille du matin, est parue l'aurore aux doigts de rose

Voici l’aurore aux doigts de rose, qui caressait amoureusement le mouillage de Τσουκαλάς :

À l’horloge de l’Égée, il était 4 heures et demie du matin.

À tribord du Zeph, la lumière de la vigilance était encore visible au sommet d’un mât.

La sérénité du petit matin évoquait le caractère imperturbable du rituel cosmique. Au cours des âges, la splendeur du lever du jour se s’est pas ternie. Chaque matin, l’horizon marin retrouvait son éblouissement. Cette régularité sans fin faisait dire au poète que la mer qu’il chérissait tant était αἰώνια (en français : éternelle). Après la pureté et l’immensité, le critère d’éternité était le troisième attrait qui motivait la déclaration d’amour rapportée ci-dessus.

Par conséquent, la sérénité que nous savourions depuis notre arrivée dans ce mouillage était la sérénité des origines, celle qui a été préservée depuis les temps homériques.

Comme nous étions chanceux !

Le rituel se poursuivait de manière sereine avec l’émergence du double soleil :

Au premier plan, les ondulations du plastique de la capote donnaient à celui-ci l’apparence d’un voile antique. Les vallons de lumière qui s’y logeaient enlevaient toute impression de rigidité. C’était avec sensualité que le Zeph cueillait l’or du jour naissant.

Puis les rayons du soleil n’ont pas résisté à la tentation de cajoler les entrailles du Zeph, au sens propre comme au sens figuré. Les voici qui entraient dans l’espace convivial en empruntant les ouvertures à tribord :

Sur la marqueterie dénichée à Sorrento, dans la baie de Naples, le chien de chasse, qui revenait avec un faisan, s’arrêtait pour voir le soleil qui était déjà haut.

Pour visualiser l’expansion de la lumière, la porte de la salle d’eau a été ouverte : du coup, l’icône de l’Annonciation, trouvée sur la route d’Olympie, recevait un éclairage supplémentaire qui accentuait le caractère intimiste de la conversation entre l’archange Gabriel et Marie.

La sérénité est propice à la prospérité.

La tranquillité du site nous rendait disponibles pour contempler l’état prospère du Zeph.

Puis est venue l’heure de quitter le mouillage pour aller à Μόλυβος (transcription : Molyvos), qui se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de là, au Nord-Ouest.

Désormais nous tournions le dos au Levant. Le soleil apparaissait alors à l’arrière du Zeph :

Le regard du Capitaine avait du mal à quitter le site de Τσουκαλάς.

Derrière nous, un pêcheur demandait à la mer de lui apporter des poissons.

C’est une scène millénaire, qui unissait la simplicité de l’existence et la pureté du cosmos.

La route du Zeph était nimbée du bonheur de la simplicité.

De nouveau, le soleil était haut. L’azur reprenait alors ses droits :

La mer restait calme. La route continuait à être celle de la sérénité. La glisse était un délice.

Il y a eu l’escorte de l’euphorie :

Insouciant, le soleil sautillait d’une vaguelette à l’autre.

Heureux, le Zeph profitait au maximun de la sérénité des instants successifs.

Dans son giron, les hampes fleuries qui ornaient les flancs se laissaient bercer par le bonheur d’une navigation féconde.

Le balcon posé sur la mer à Λέσβος, au mouillage de Τσουκαλάς, était un balcon béni, grâce à la sérénité qui l’a préservé du doute destructeur.

Tag(s) : #2024 La GRECE, #sporades du nord
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