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Jadis, sur les hauteurs qui dominaient la Mer de Galilée, a retenti cette proclamation :

« Mακάριοι οἱ εἰρηνοποιοί ὅτι αὐτοὶ υἱοὶ θεοῦ κληθήσονται »

ΤΟ ΚΑΤΑ ΜΑΤΘΑIΟΝ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Κεφάλαιο ε’. Στίχος θ’.

 

En français :

Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.

Bonne Nouvelle selon Matthieu. Chapitre 5. Verset 9

 

Μυτιλήνη (en français : Mytilène), la capitale de l’île de Λέσβος (transcription : Lesbos), a fait sienne cette merveilleuse devise. C’est pourquoi la cité portuaire grecque s’emploie à construire la paix au sein de la famille humaine, en commençant par des relations pacifiques et amicales même avec l’actuel occupant, belliqueux et sanguinaire, du rivage anatolien.

C’est ainsi que le Festival de l’été comportait un hommage à la sensibilité musicale ottomane. L’hommage a eu lieu le premier jour du mois d’août. Le lieu choisi pour ce concert de l’originalité était un bâtiment historique. Les Grecs de l’île l’appellent Τσαρσί Χαμάμ. De l’autre côté du Bosphore, il est connu sous le nom de Çarşı Hamam. En français, on dit « Hamam Tsarsi ». Littéralement, l’expression désignait le Bain du Marché.

Voici le profil du Hamam ottoman qui servait de décor pour la scène musicale :

La courtoisie grecque allait jusqu’à laisser les héritiers des Ottomans démarrer le concert de la soirée. En la circonstance, ce privilège de la priorité a été accordé à l’un des plus talentueux d’entre eux. Il s’agissait de l’instrumentiste Derya Türkan, dont l’instrument emblématique était une vièle à trois cordes, appelée kamântche  :

Le nom du l’instrument vient du persan کمانچه , qui signifie « archet ».

Le son qui émerge des cordes frottées nous emmène jusqu’aux confins de la fabuleuse Perse. Il y a donc dans la production de cette musique une nostalgie des conquêtes d’Alexandre le Grand.

Par conséquent, pour l’oreille de la modernité, il s’agit de sonorités qui ont la capacité d’émouvoir la rive orientale comme la rive occidentale du Bosphore.

De plus, l’instrument hérité de la Perse a été inscrit au Registre mondial de l'UNESCO en décembre 2016. En honorant le kamântche, la cité portuaire grecque obtient un double bonus. D’une part, elle montre qu’elle est tout à fait dans l’air du temps. Et d’autre part, elle peut se glorifier de son ouverture d’esprit.

Après la musique qui réunit les deux rives du Bosphore et réconcilie les deux rives de l’Égée, le concert du Hamam Tsarsi a joué une autre carte de l’universel. En effet, la seconde partie a été consacrée à Jean-Sébastien Bach, dont la renommée dépasse largement les frontières de l’Extrême-Occident.

Dans un premier temps, c’était le double concerto pour violon qui était joué.

Sur scène, il y avait donc deux violonistes :

Le violoniste debout du côté de la contrebasse et du violoncelle s’appelait Mehmet Yasemin. C’était un fervent défenseur de l’héritage culturel ottoman.

Face à lui, il y avait Aπόλλων Γραμματικόπουλος (transcription : Apollon Grammatikopoulos), grec donc, athénien même.

Le Grec et le Turc jouaient la même partition, en même temps, comme deux jumeaux.

Quel spectacle émouvant !

Quelle vision encourageante pour la paix !

Quelle habileté dans le savoir-faire diplomatique de Μυτιλήνη !

À ce stade de l’entretien, qu’il soit permis à votre serviteur de soulever la question suivante : est-il possible de jouir du Bach sans se glisser dans l’univers baroque, pictural ou architectural ?

Le cloisonnement semble impossible, incongru même.

Alors, tous ceux qui regardaient les deux violonistes jouer le double concerto de Bach étaient introduits, au moins avec leur consentement implicite, dans l’atmosphère spirituelle où baignait le compositeur. Celle-ci était de la même nature que l’ambiance créée par l’ornement de la cathédrale de Μυτιλήνη. Voici comment la voûte du prestigieux édifice était décorée :

La fresque qui constituait la parure de la voûte hémisphérique au-dessus de la croisée du transept était dédiée à la Trinité. À droite, siégeait le Père céleste, dont le visage apparaissait dans une auréole qui n’était pas circulaire, mais triangulaire, pour rappeler le principe trinitaire. De l’autre côté, prenait place le Fils ressuscité, qui tenait une croix carrée et non rectangulaire, c’est-à-dire grecque et non pas latine. La croix, qui était l’instrument de supplice du Nazaréen, évoquait le principe de l’Incarnation. Entre le Père et le Fils, au-dessus de la croix byzantine, une colombe déployait ses ailes. C’est la représentation de l’Esprit saint, la force agissante du Créateur. Les ailes étaient déployées de manière à former une ligne perpendiculaire à l’axe longitudinal du corps de l’oiseau. Cette croix aérienne faisait écho à celle que tenait le Fils. La ressemblance morphologique exprimait que le ministère terrestre du Fils était toujours en harmonie avec l’Esprit Saint.

Le double concerto de Bach n’a pas été composé de manière totalement neutre. L’inspiration qui a présidé à son écriture avait un lien intime avec un contexte spirituel que rappelait, par exemple, la cathédrale de Μυτιλήνη. Ainsi, en servant l’universel, la musique de Bach favorisait aussi les intérêts locaux de Μυτιλήνη, directement ou indirectement.

Après le double concerto de Bach, la municipalité de Μυτιλήνη a programmé le triple concerto pour violon du même compositeur. Les interprètes sur scène appartenaient à la formation dont le nom étaitt « To Κουαρτέτο Εγχόρδων Αθηνών » (le Quatuor à cordes d’Athènes).

À travers ce choix des interprètes, le concert au Hamam Tsarsi a fini par un rappel que le pont, qui n’était pas seulement culturel, mais surtout géopolitique, entre Μυτιλήνη et le reste du monde, était une main tendue par des Grecs.

La culture est une arme de la diplomatie, et inversement.

Ce n’était pas de manière anodine que l’hommage à la musique de l’autre côté du Bosphore a eu lieu au Hamam Tsarsi. En effet, celui-ci faisait partie d’un complexe architectural dont le centre de gravité était l’édifice que les Grecs appelaient Γενί Τζαμί. Cette appellation était la transcription de la locution ottomane “Yeni Cami”, qui signifie littéralement « Nouvelle Mosquée ». Voici la «Nouvelle Mosquée », avec sa façade septentrionale

À droite de la photo, c’est-à-dire sur le côté occidental de l’édifice, se dressait le minaret. Celui-ci recevait la lumière du soleil car la photo a été faite vers le milieu de l’après-midi. Le minaret dominait l’artère principale de la vieille ville. Traditionnellement dédiée au commerce, cette artère portait le nom de Ερμής (en français : Hermès), qui est le dieu du négoce.

Au pied du minaret, on peut voir ceci :

À gauche de la photo, apparaissent les arcades du portique qui orne la face septentrionale. À droite, c’est le minaret. À la base de celui-ci, est posée une barque qui fait office de sentinelle. En effet, les couleurs de la coque et de la guirlande de drapeaux montrent que ce sont les intérêts de la Grèce qui sont en jeu. Du côté de la poupe, on peut lire : ΣΜΥΡΝΗ ‘1922’

En français : SMYRNE ‘1922’

L’écriture fait référence au massacre perpétré par le nouveau Maître de l’Anatolie à l’encontre des Grecs qui se trouvaient dans la deuxième plus grande ville de l’empire ottoman.

2500 Grecs y ont trouvé la mort.

L’embarcation est un mémorial de ce que les Grecs appellent « la Grande Catastrophe ».

Or l’on se retrouvait face à face avec ce mémorial quand l’on sortait du Hamam Tsarsi et que l’on rejoignait la grande artère dédiée au dieu du négoce. C’était comme s’il y avait un vis-à_vis entre la douleur de la mémoire et le concert de la réconciliation. Que penser de ce vis-à-vis ? Que signifiait-il ?

Il signifiait que le passé ne s’oubliait pas, mais que le présent et le futur se construisaient avec ce qu’il y avait de positif.

En la circonstance, la seule chose positive c’est d’être « εἰρηνοποιός » (littéralement : bâtisseur de la paix).

Pour cela, il faut de la magnanimité et du courage.

Les faits montrent que la municipalité de Μυτιλήνη possède ces deux vertus et qu’elle s’emploie à les mettre en œuvre pour construire le vivre ensemble.

La main tendue des Grecs de l’île concernait non seulement la culture mais aussi la nourriture. Voici un exemple qui montre que le geste fraternel ne manquait pas de s’intéresser aux choses basiques comme le fait d’assouvir sa faim ou sa soif :

L’information était rédigée dans la langue des personnes que l’on voudrait voir s’attabler. Ici, elle s’adressait spécialement aux nouveaux occupants de l’Anatolie. En effet, le centre du panneau était monopolisé par les deux mots : TAZE BALIK.

En lettres minuscules, on obtiendrait : Taze Balık (sans le point au-dessus du i)

Balık, c’est du poisson, dans l’Anatolie du XXIè siècle.

Et pour dire qu’il est d’excellente qualité, on rajoute l’adjectif « Taze », qui signifie « Frais ».

Pour se désaltérer, on dispose du « Yeni Rakı ». Le « Rakı » (toujours sans le point sur le i), c’est l’équivalent du τσίπουρο (transcription : tsipouro) des Grecs. Pour insister sur le caractère tonique, on ajoute l’adjectif « Yeni », qui signifie « Jeune », c’est-à-dire « Pas encore assagi ».

Μυτιλήνη, la capitale de l’île de Λέσβος, conçoit le vivre ensemble comme une jouissance simultanée de l’espace vital, où chacun peut donner libre cours à sa sensibilité artistique, selon ses origines. Cette généreuse confiance des Grecs exprime une profonde empathie de leur part à l’égard des visiteurs.

Mettant à profit cette largesse phénoménale, l’Anatolie a chanté et dansé sur le sol hellène comme si celui-ci lui appartenait !

Μυτιλήνη voit cette appropriation, mais ne censure pas, même si les sonorités rappellent celles qui ont présidé à la « Grande Catastrophe » de Smyrne.

La construction de la paix reconnaît dans les déhanchements lascifs le même amour de la vie sur les deux rives de l’Égée. C’est ce même élan vital qui induit maintes sinuosités opportunes dans la diplomatie.

L’ivresse de la musique proclamait la dissolution des frontières et la consécration du vivre ensemble.

La générosité de Μυτιλήνη est stupéfiante. En voici un autre exemple, où le bénéficiaire n’est plus le voisin immédiat, mais un voisin très éloigné, puisqu’il vient de l’autre côté du Grand Océan.

En la circonstance, le vivre ensemble se voyait dans l’articulation festive de deux quartiers hautement pittoresques, qui affichaient, avec fierté, chacun son authenticité.

Voici le premier quartier en lice :

À droite de la photo, vers le coin supérieur de la fresque murale, étaient écrites ces lignes :

« Εάν αποσυνθέσεις την Ελλάδα, στο τέλος θα δεις να σου απομένουν μια ελιά, ένα αμπέλι κι ένα καράβι. Που σημαίνει, με άλλα τόσα την ξαναφτιάχνεις »

 

En français :

Si tu décomposes la Grèce, à la fin tu verras qu’il te reste un olivier, une vigne et un bateau. Ce qui veut dire : avec tant d’autres, tu la reconstruis.

 

Le texte est du poète Οδυσσέας Ελύτης. À ce chantre de la spécificité égéenne, nous avons consacré l’article « Le balcon posé sur la mer (43-3) à Λέσβος. Le balcon de la poésie 2. Οδυσσέας Ελύτης », paru le vendredi 15/11/2024.

La fresque exhibe les trois entités qui définissent, selon le poète, l’identité de la Grèce : l’olivier, la vigne et le bateau. L’homme qui prend place à côté de ce trio a le visage de Οδυσσέας Ελύτης.

L’olivier symbolise la sagesse et la paix.

La vigne représente la joie de vivre et la fertilité

Le bateau évoque le voyage et la liberté.

Sur le mur opposé, se déployait une autre fresque, tout aussi colorée et loquace :

La photo a été faite pendant que le Capitaine et le mousse regardaient le texte du poète.

Derrière eux, apparaissait le buste d’un guerrier qui avait participé à la libération de la Grèce du joug ottoman. La perspective montrait le sabre de l’Indépendance dressé au dessus de la tête du mousse. La prospérité retrouvée grâce à la liberté âprement conquise était peinte au-dessus de l’épaule gauche du Capitaine. Le bonheur de la nation hellène était symbolisé par celui d’un jeune couple grec. Le costume masculin montrait un tissu à rayures, qui rappelait que le destin grec était intimement lié à l’espace marin.

Voici cette seconde fresque dans son intégralité :

Nous reconnaissons, sans aucune difficulté, le jeune couple grec et le tissu à rayures qui apparaissait dans l’échancrure du col chez le costume masculin. Sans aucune difficulté non plus, nous reconnaissons le Résistant et son sabre dressé à la verticale. Dans cette photo, les positions gauche et droite sont inversées par rapport à la photo précédente parce que celle-ci reflétait la permutation causée par le selfie.

Dans tous les cas, l’intérêt de la seconde fresque se trouve dans les scènes champêtres qui succèdent au rappel de la Guerre d’Indépendance grecque et qui se déploient maintenant à droite de la photo.

Le paysage rural peint est celui de la récolte des olives. On voit une silhouette masculine utiliser une longue gaule pour faire tomber les fruits de leur arbre. Quant aux silhouettes féminines, elles s’affairent à ramasser ce qui est déjà tombé sur le sol ou à transporter le contenu des paniers vers le lieu de stockage.

Le personnage le plus à droite sur la photo est une jeune Grecque. Elle se tient debout, avec son panier tressé.

La tête, découverte, laisse voir des cheveux d’ébène, bouclés court. L’habit est formé d’une chemise bleu indigo et d’une jupe ocre rouge.

En contrebas de ce personnage féminin, s’étire une voie, perpendiculairement à celle qui longe les deux fresques murales.

Voici ce chemin perpendiculaire aux deux fresques :

À l’arrière-plan, un peu sur la gauche, on reconnaît la jeune Grecque qui se tient debout, avec son panier tressé, sa chevelure bouclée court et sa chemise bleu indigo.

Au premier plan, les murs sont décorés avec les figures charismatiques de la culture hispanique qui a élu domicile dans le Nouveau Monde. Sont mis à l’honneur le Jamaïcain Bob Marley, le Cubain Fidel Castro, l’Argentin Diego Maradona.

L’on passe de l’Amérique latine à la Grèce en virant à bâbord. Et l’on va de Λέσβος à Cuba en tournant à tribord.

Aucune barrière ne sépare les deux univers. Aucun obstacle ne gêne le flux de liesse qui circule d’un monde à l’autre, librement. Le pas dansant et le cœur ivre, l’on franchit le coude où s’articulent les deux cultures, celle de la Mer Intérieure et celle de l’Océan Extérieur. Malgré la très forte personnalité de chacun des deux territoires, il n’y a, entre eux, ni rivalité, ni conflit, car les deux atmosphères se complètent pour faire monter l’hymne à l’hédonisme. Le vivre ensemble, qui prospère grâce à sa nature festive, est à mettre au crédit de la municipalité de Μυτιλήνη.

Le vivre ensemble sous-entend un accueil chaleureux en direction de la diversité. Le voyageur peut venir de très loin. Μυτιλήνη va alors à la rencontre de celui-ci en installant aux avant-postes de la cité portuaire les symboles qui chantent le bonheur du vivre ensemble.

En voici un exemple, à l’entrée méridionale de la vieille ville :

À droite de la photo, l’Afrique est évoquée par des cheveux crépus et des lèvres charnues tandis que l’Asie apparaît à gauche, avec des yeux bridés.

Les personnages se donnent la main : c’est la ronde de la fraternité. Il s’agit d’une fraternité pacifique, car des colombes, posées sur le globe terrestre, tiennent compagnie aux humains.

La sculpture a deux messages.

D’abord, elle affirme qu’à Μυτιλήνη, des cultures peuvent vivre ensemble, dans la prospérité.

Ensuite, elle forme le vœu que le bonheur du vivre ensemble fleurisse sur toute la surface du globe.

La sculpture de la ronde de la fraternité des peuples se trouve sur un emplacement dont le nom officiel est H Πλατεία Ειρήνης και Φιλίας (en français : La Place de la Paix et de l’Amitié).

Cette place est située à la jonction de deux grands axes de circulation. Un axe relie le Nord et le Sud tandis que l’autre axe relie l’Est et l’Ouest.

Le discours du vivre ensemble est donc proposé à la cogitation des nombreuses personnes qui passent par ce point névralgique.

Un autre fait mérite d’être signalé par rapport à la topographie. En effet, la sculpture du vivre ensemble entre les peuples se dresse à proximité d’un centre d’enseignement consacré aux sciences. Cette proximité signifie que l’aptitude à vivre ensemble est le fruit d’une éducation.

À la personne qui vient d’un horizon lointain, même très lointain, Μυτιλήνη promet l’accès au bonheur du vivre ensemble.

L’horizon lointain peut être compris au sens de la distance géographique, mais aussi par rapport aux violents bouleversements de l’Histoire. Dans ce second cas, le discours du vivre ensemble à Μυτιλήνη résonne avec ces mots : « Ô toi qui souffres à cause de la cruauté du Destin, viens trouver refuge sur mon île, dans mon port. Tu y trouveras la paix et tu renaîtras grâce à la fraternité. »

Voici l’iconographie qui accompagne ce discours :

Le nom donné par les Grecs à cette œuvre d’art est : « To Μαγικό Χαλί ».

En français : Le Tapis Magique

Des carrés scintillants, qui sont déjà en eux-mêmes des mosaïques, sont assemblés pour former un immense rectangle. Au centre du rectangle, un carré de taille intermédiaire porte le quadruple sceau culturel de l’île. En effet, la signature de Λέσβος se voit au niveau des quatre sommets. De haut en bas et de gauche à droite, on reconnaît une trirème, une lyre, une poterie et un chapiteau.

La trirème rappelle que le destin de Λέσβος est lié à l’élément marin.

La lyre évoque l’héritage laissé par Σαπφώ (transcription : Sappho), la grande poétesse de l’Antiquité.

La poterie, qui possède deux yeux, illustre les activités nées de l’art et du négoce.

Le chapiteau, orné de deux volutes, témoigne que dans les premiers temps, l’architecture locale s’inspirait des formes de la féminité.

Cette définition de l’identité de l’île est accompagnée d’une esthétique qui est en lien avec l’universel. En effet, entre les quatre sommets qui décrivent l’ADN de Λέσβος, s’intercale un autre carré, dont les côtés ne sont pas parallèles à ceux des carrés voisins, mais redressés de 90° par rapport ceux-ci, de manière à donner l’apparence d’un losange. En définitive, la composition de l’ensemble s’apparente à une rose des vents. Dans ce cas, le sommet supérieur du losange, qui est dirigé vers la mer, indique l’Est. En conséquence, le sommet inférieur montre l’Ouest. Quant au sommet qui se trouve à gauche sur la photo, il se trouve dans la direction de la Citadelle byzantine et marque donc le Nord. Par conséquent, le sommet droit du losange donne la direction du Sud.

Il existe deux lectures possibles de cette rose des vents, fort originale.

La première lecture s’inscrit dans la vision de l’expansion du savoir grec jusqu’aux quatre coins du monde.

La deuxième lecture décrit l’attrait de Λέσβος qui ouvre généreusement ses bras pour consoler celles et ceux qui sont meurtris par les vicissitudes de l’Histoire en ce XXIè siècle.

L’œuvre d’art a une vocation politique et éthique car elle a un rapport avec une condition humaine marquée par l’affliction et frappée par le deuil, physiquement ou symboliquement.

Les humiliés qui ont joint leurs mains et leurs cœurs pour confectionner ce magnifique miroir du vivre ensemble sont venus de la Syrie, de l’Iran, de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Sierra Leone, du Nigeria. Ils ont mené à bien leur projet de concorde grâce aux conseils avisés de deux expertes. L’une d’elles est une mathématicienne grecque, diplômée de l’Université de Thessalonique : c’est Καλλιόπη Καλαϊτζίδου (transcription : Kalliopi Kalaïtzidou). L’autre mosaïste chevronnée est une artiste française de la Provence : c’est Valérie Nicoladzé.

La grande mosaïque du vivre ensemble à Μυτιλήνη est présentée sur un mur du prestigieux édifice que les Grecs appellent « To Δημοτικό Θέατρο » (en français : le Théâtre Populaire). Le qualificatif « Δημοτικό » (en français : Populaire), qui expose la vocation à servir les intérêts du peuple, est le support linguistique idéal pour accueillir une œuvre qui exprime la sollicitude de Μυτιλήνη à l’égard des estropiés de la vie.

De plus, l’on a coutume de dire que ce qui se joue sur les planches sert de miroir pour que chaque spectateur puisse mieux voir à l’intérieur de lui-même. La même démarche s’applique pour la grande mosaïque qui s’adosse au Théâtre Populaire de Μυτιλήνη.

L’éclairage choisi est celui qui fournit les teintes les plus chaudes. C’est donc sur le mur occidental qu’apparaît la mosaïque du vivre ensemble.

Avec la merveilleuse lumière du couchant, la mosaïque du vivre ensemble devient le miroir des dispositions mentales et des qualités de cœur.

La brillance du verre chante l’altruisme et la bienveillance de Μυτιλήνη.

La lumière magique des tesselles jointes proclame que le projet de vivre ensemble se réalise grâce à la quête du beau.

Le balcon posé sur la mer à Λέσβος est « εἰρηνοποιός » (littéralement : bâtisseur de la paix). Il favorise le vivre ensemble, qui est si précieux.

Tag(s) : #2024 La GRECE, #sporades du nord
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