• Le visage de Lucie est celui de la cohérence avec soi-même.

    Le crime de Lucie est celui de ne pas se renier. Pour cela, Lucie a été torturée, puis exécutée.

    Y a-t-il un lien entre Lucie et la navigation ?

    L’histoire antique répond à l’interrogation.

     

     

    En effet, quiconque accoste le rivage dalmate à Split, va immanquablement à la rencontre de l’empereur Dioclétien.

     

     

    Quiconque s’intéresse au règne de Dioclétien, se heurte assurément à l’immense et terrible vague de persécution déclenchée par le pouvoir impérial contre les disciples du Nazaréen. Lucie faisait partie des milliers de vies fauchées et brisées à ce moment-là.

     

     

    Il arrive que la houle de l’Histoire fait remonter des déchets nauséabonds.

    Sommée d’abjurer, Lucie n’a pas cédé devant la menace.

     

     

    Son visage était celui de la détermination et de l’inflexibilité, quand il fallait montrer du courage.

    Livrée en pâture à tous les débauchés d’un lupanar, Lucie s’est figée dans une raideur cadavérique qui a empêché tout transport de son corps jusqu’au lieu de profanation, malgré l’impressionnant dispositif mis en place pour assurer le déplacement.

     

     

    Visage de l’immobilité et de l’inertie quand il fallait opposer de la résistance.

    Arrosée de poix et jetée au bûcher, Lucie a eu les yeux arrachés et la gorge transpercée par une épée.

     

     

     Visage de douleur : sans doute. Visage de la peur : aucunement, en raison d’une solide espérance.

    L’iconographie évoque avec retenue et dignité le supplice de la mutilation.

     

     

    Triste sort pour un phare quand sa lanterne est brisée !

    Quel visage peut avoir un corps terreux, prêt à se dissoudre dans la poussière ? Un visage meurtri, défiguré et avili.

     

     

    Le Caravage, champion de l’art du clair-obscur, insiste sur la proximité avec la laideur et la brutalité des fossoyeurs, et montre qu’il ne faut pas s’attendre à un visage de gloire, mais à un visage humilié.

    Le martyr de Lucie amène la question suivante : quelle navigation existe-t-il pour un non-voyant ?

    L’histoire contemporaine répond à l’interrogation. Effectivement, dix jours après les adieux à la Sérénissime, le vent murmurait dans les voiles de l’Aventy que la descente de l’Adriatique déboucherait sur un retour à la terre sicilienne. Or, c’est à Venise que reposent des reliques de Lucie.

     

     

    Et Syracuse, célèbre port de la Sicile, était la ville natale de Lucie. Donc, un périple où le point de départ et la destination finale sont étroitement liés à Lucie. De plus, à mi-parcours, la halte à Split attire l’attention sur les événements qui ont donné à la piété de Lucie une renommée universelle. Se peut-il que Lucie, même sans ses yeux, soit en train d’accompagner l’Aventy depuis le départ de la Lagune ?

    À vrai dire, Lucie était déjà avec l’Aventy, avant même l’épisode vénitien. Quand l’Aventy a quitté la rive orientale de l’Adriatique pour la rive occidentale en juin dernier, Lucie l’attendait déjà à Ravenne, dans la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf :

     

     

    La mer elle-même ne semble pas insensible au martyr de Lucie. Le fond marin de la Méditerranée abrite des formes de vie qui mettent en évidence ce dont le visage de Lucie a été privé.

     

     

    Le visage de Lucie est celui de la fidélité. Fidélité à quoi ? À qui ?

    Fidélité aux convictions qui forgent l’être intime. Fidélité aux contributeurs qui donnent sens à la vie.

     

     

    Les Anciens disaient que le visage était le miroir de l’âme. Les persécuteurs ont détruit le regard de Lucie. Ont-ils pour autant anéanti le pouvoir réfléchissant du visage de Lucie ?

    Malgré l’adversité, c’est un visage de lumière.

     

     

    Malgré le fracas de la vague de persécution, c’est un visage de l’éternité.

     

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