• Le sourire pascal

    Hier, c’était le dimanche de Pâques.

    Ce jour-là, l’Occident commémorait la résurrection du Nazaréen.

    Festivité du calendrier liturgique, qui donne de la joie au cœur et qui rend le sourire plus prompt à s’épanouir sur les visages touchés par l’espérance.

    L’histoire du Zeph a-t-elle un lien avec Pâques ?

    La toute première escale du Zeph, c’était aux Saintes-Maries-de-la-mer. Le trajet entre Port Camargue et les Saintes-Maries-de-la mer était sa première route maritime. Pour le Zeph, c’était le premier test de fiabilité sur les flots. Alors la présence du capitaine instructeur était indispensable, comme soutien technique et affectif.

    Le Zeph est arrivé aux Saintes-Maries-de-la-mer à l’heure où le quai d’accueil ruisselait d’or. Très vite, les deux capitaines se sont rendu compte que leur premier choix n’était pas le bon. On a fait marche arrière, et le Zeph est allé s’installer à un ponton plus loin.

    À part cette manœuvre vite corrigée, tout le reste du voyage a donné satisfaction.

    Bien sûr, ce soir-là, le capitaine avait le sourire. Et il n’était pas le seul à l’avoir. L’instructeur, venu en guest star et en conseiller technique, l’avait aussi. Son sourire était non seulement celui de la coopération réussie, mais aussi celui de la solidarité intergénérationnelle.

     

    Le sourire pascal

     

    Et le mousse ? Avait-il le sourire ? Le mousse redoutait le mal de mer. Comme il n’était pas barbouillé, il pouvait sourire. Mais son sourire était très discret, parce que la vision mentale du mal de mer continuait à le hanter.

    Quelques vingt siècles auparavant, la Magdaléenne avait débarqué au même endroit.

    De tous les disciples du Nazaréen, elle était la première à découvrir que la tombe du Maître était vide. Après avoir annoncé l’heureuse nouvelle à ses frères de Judée, elle s’en allait en Gaule pour porter le message du Ressuscité. En cela, elle a suivi la dernière instruction du Maître :

    καὶ ἔσεσθέέ µμου µμάάρτυρες ἔν τε Ἱερουσαλὴµμ καὶ ἐν πάάσῃ τῇ Ἰουδαίίᾳ καὶ Σαµμαρείίᾳ καὶ ἕως ἐσχάάτου τῆς γῆς.

    ΠΡΑΞΕΙΣ ΤΩΝ ΑΠΟΣΤΟΛΩΝ

    « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

    Actes des Apôtres, chapitre 1, verset 8.

    À l’époque, la Gaule était une contrée de l’Extrême-Occident, aux confins de la Terre, par rapport à la Judée.

    Long voyage par voie de mer, depuis la terre d’Israël jusqu’au rivage de la Camargue !

    Combien de tempêtes la Magdaléenne a-t-elle essuyées au cours de son périple ?

    Malgré l’épreuve physique, c’était avec le sourire aux lèvres et le cœur frémissant de joie qu’elle a posé le pied sur le rivage saintois, dont le nom se souvient de ce débarquement.

    Obéissant à l’injonction du maître, la Magdaléenne est allée jusqu’aux confins du monde d’alors pour témoigner de ce qu’elle avait vu en Judée.

    Consciente de ses besoins spirituels, elle était assidue à l’enseignement du Maître.

     

    Le sourire pascal

     

    Elle étanchait sa soif de justice grâce à la Parole du Nazaréen. Elle le suivait partout, jusqu’au pied du poteau de supplice.

     

    Le sourire pascal

     

    Sur le Lieu du Crâne, au milieu des vociférations de la foule, elle était avec la mère du Maître.

     

    Le sourire pascal

     

    Elle assistait en direct à la lente et horrible agonie.

    Elle a participé à la déposition du corps dans la tombe, juste avant le sabbat qui commencerait le vendredi soir.

    Le surlendemain, tôt le matin, elle était la première à découvrir que le corps du défunt avait disparu, et à comprendre que le Maître était relevé d’entre les morts.

     

    Le sourire pascal

     

    Elle a vu le Ressuscité avant tout le collège des apôtres, et c’était elle qui avait le privilège de les informer.

    Quelle expression du visage avait-elle et quel ton avait sa voix quand elle annonçait aux apôtres que le tombeau était vide ?

     

    Le sourire pascal

     

    Sans doute, le sourire illuminait déjà son visage avant qu’elle ne leur dise : « Le Maître est relevé d’entre les morts ! »

    En ce dimanche de Pâques, la Magdaléenne avait bien des raisons de sourire.

    C’était cette expérience visuelle et émotionnelle qui lui donnait la détermination et la force physique pour aller jusqu’aux extrémités de la terre d’alors et diffuser l’enseignement du Maître.

    Le blason des Saintes-Maries-de-la-mer montre des silhouettes féminines debout sur une embarcation qui s’approche du rivage, sans mât et sans rames.

     

    Le sourire pascal

     

    Était-ce possible que la Magdaléenne soit venue de la lointaine Judée jusqu’en Camargue avec un tel esquif ? La lecture au premier degré conduit à des incongruités. Le mât et les rames représentent le savoir technique et la force humaine. La Magdaléenne a su et a pu débarquer sur le rivage saintois, non pas parce que la science de la navigation de l’époque lui garantissait la sécurité du périple, mais parce que sa volonté de missionnaire avait triomphé de tous les obstacles durant la traversée et que la nef de l’évangélisation avait été poussée par le souffle de l’Esprit.

    La Magdaléenne aurait-elle approuvé ce qui est dit par ce blason ?

    Elle a habité sur les bords du lac de Tibériade, au nord de la terre d’Israël. Elle savait que pour aller chercher du poisson dans le lac, il fallait un mât et des rames.

     

    Le sourire pascal

     

    Raison de plus pour la Grande Mer Intérieure, surtout quand il s’agissait de la traverser sur toute sa longueur, d’Est en Ouest. Certes, il arrivait que l’embarcation où se trouvaient les frères spirituels de la Magdaléenne n’avait pas besoin de mât, ni de rames. Mais, dans cette situation, l’activité du groupe n’était pas la capture du poisson, mais l’écoute d’un cours sur la mission de pêcheur d’hommes.

     

    Le sourire pascal

     

    Le mât et les rames devenaient superflus quand l’objectif était de bien écouter et de bien retenir les instructions de l’Enseignant. De même, la force de propulsion de la nef de l’évangélisation ne dépendait pas des conditions matérielles, mais du zèle des disciples.

    À l’automne dernier, la Dame de Manosque a entrepris un grand voyage. Elle s’est embarquée sur une nef fleurie de couronnes d'adieux.

     

    Le sourire pascal

     

    Sur l'embarcadère, se dressaient des colonnes qui étaient comme des poteaux d’amarrage stylisés. Les chapiteaux portaient l’empreinte de l’univers marin. Y apparaissaient l’enveloppe torsadée des coquillages et les ondulations des algues. Mais au milieu de la faune et de la flore marines, surgissait aussi le chancelier à sept branches.

     

    Le sourire pascal

     

    L’allusion au Saint des Saints du Temple de Jérusalem était manifeste.

    Le Temple, dans son entier, apparaissait sur un chapiteau voisin.

     

    Le sourire pascal

     

    Et sur une autre face du même chapiteau, se dévoilait une embarcation en pleine mer. Le contexte iconographique stipulait que c’était la nef de l’évangélisation.

    L’effigie de l’Orient était bien ostensible.

    Très probablement, la Dame de Manosque est partie vers l’Est, dans la direction de la terre du Nazaréen, vers là d’où était venue la Magdaléenne.

    Elle s’en est allée, à l’instar de la Magdaléenne, peut-être sans mât et sans rames, juste avec le vent de l’espérance.

    Ô toi qui est sœur spirituelle de la Magdaléenne, puisses-tu voguer vers l’éternité en toute sérénité !

    Au temps où le mousse n’était pas encore mousse, mais simple routard, Corinthe était l'une de ses destinations favorites, surtout à la saison du renouveau. Il rêvait de pouvoir réaliser des photos de l’antique cité au milieu des fleurs.

     

    Le sourire pascal

     

    C’était au cours d’une de ces prospections qu’une famille de Grecs l’a interpellé. Ces Corinthiens du vingtième siècle étaient en train de faire rôtir dans leur jardin un agneau pascal. Et à l’étranger de passage, ils ont voulu manifester leur hospitalité en lui offrant un morceau de cette viande odorante qu’ils étaient en train de cuire.

    Personne ne faisait grise mine, ni les Grecs qui offraient la nourriture, ni le routard qui la recevait. Personne non plus ne riait aux éclats. Une telle exubérance aurait été déplacée. L’heure était certes à la joie, mais ni à l’excès, ni à la démesure. Le sourire était ce qui convenait le mieux pour exprimer la joie du partage pascal.

    En Orient, le partage pascal ne se cantonne pas à la saison de Pâques.

    À Λειψοί – ΛΕΙΨΟΙ, celui qui deviendrait le capitaine du Zeph des années plus tard, et celui qui en serait le mousse se sont vu offrir de la brioche quand ils passaient devant l’église du port, à l’heure de la sortie des offices.

     

    Le sourire pascal

     

    La brioche, qui avait une texture bien moelleuse et un goût très parfumé, portait une empreinte écarlate, qui devait sans doute rappeler le sang du sacrifice de l’Agneau de Dieu.

    Là non plus, il n’y avait pas lieu de s’esclaffer bruyamment. Le sourire suffisait pour exprimer l’amabilité et la bonté. En retour, pour dire la qualité de la gratitude, il n’y avait pas mieux que le sourire.

    Toujours dans le Dodécanèse, à Σύμη – ΣΥΜΗ cette-fois, l’habitué des ferrys et des bus locaux qu’était le mousse à cette époque-là a été abordé sur les quais du port par un Grec qui vendait des pastèques transportées sur un tricycle. Celui-ci voulait demander à celui-là si la guerre était finie sur la bande côtière de l’Indochine. Le voyageur a répondu que la paix était revenue. Soulagement immédiat du Grec.

     

    Le sourire pascal

     

    Mais comment le Grec a-t-il montré qu’il était content de savoir que la guerre était finie en Mer de Chine ? Le sourire apparaissait tout naturellement sur son visage. Mais l’homme n’a pas sautillé ni gesticulé pour montrer sa joie. Le voyageur venu de l’Orient-Extrême, non plus. Peut-être que le volume de la voix a légèrement monté des deux côtés et que le Grec voulait offrir une tape affectueuse sur l’épaule du voyageur. Mais à aucun moment, la sincérité n’a été gâchée par l’exubérance. C’était comme si le goût savoureux de la pastèque suffisait pour dire que le sourire d’une amitié désintéressée était un délice de la vie.

    À Corinthe, sourire de bienvenue d’un côté, sourire de gratitude de l’autre. Des deux côtés, sourire pour une harmonie printanière.

    À Λειψοί – ΛΕΙΨΟΙ, sourire pour une improvisation réussie.

    À Σύμη – ΣΥΜΗ, sourire pour une fraternité universelle.

    Le sourire pascal est le sourire du retour à la vie et de l’hymne à l’espérance.

    Puisse le sourire pascal illuminer chaque jour de notre existence, sur terre ou en mer, non seulement pour le capitaine du Zeph et son équipage, mais encore pour tous nos chers lecteurs !

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