• Le rêve de concorde

    Pour marquer le début de sa pause estivale, l’Aventy a envoyé au Zeph des images d’Olympie. Les Jeux qui s’y déroulaient dans l’Antiquité servaient l’idéal panhellénique en instituant la trêve sacrée entre les cités-états pendant toute la durée des Jeux. La compétition sportive contribuait ainsi à l’accomplissement du rêve de concorde au sein du monde grec d’alors.

    Ce mois de juillet a honoré l’héritage antique en faisant de la fête du ballon celle de tous les peuples. Avec enthousiasme, le Vieux Port de la Ciotat a montré son adhésion à l’idée que la Coupe mondiale du foot pouvait œuvrer en faveur d’une concorde fraternelle entre tous les pays du globe. Le centre névralgique de cette démonstration haute en couleurs se trouvait au milieu de la courbure de l’anse, sur l’esplanade qui prolongeait les terrasses du « Cristal Bar ».

     

    Le rêve de concorde

     

    La demi-finale entre la France et la Belgique avait lieu à l’heure du crépuscule.

    Au début du match, les lumières du marché nocturne étaient comme des lueurs d’espoir pour tous les supporters qui arboraient le drapeau français autour de leurs corps ou sur leurs corps.

     

    Le rêve de concorde

     

    Leur désir de victoire était naturelle, légitime, et finalement comblé.

    Pendant quelques instants, les quais du Vieux Port de La Ciotat se sont embrasés pour se réjouir de l’accès à la finale. Lumière et ombres à cause de l’éclairage pendant cette liesse émouvante. Mais, le lendemain matin, tous les drapeaux étaient encore en exposition au « Cristal Bar ».

     

    Le rêve de concorde

     

    En plein jour, le rêve de concorde entre tous les peuples était toujours d’actualité dans le décor du Vieux Port de La Ciotat.

    Pendant que l’équipe de France se préparait à Clairefontaine, le Zeph se dirigeait vers Toulon.

    À Toulon, un seul type de drapeau était visible : celui de la France. Sur les quais de la vieille darse, aucun drapeau étranger n’indiquait que la finale entre la France et la Croatie était l’aboutissement d’une compétition internationale.

    Face à la mer, la dizaine de drapeaux qui battaient au vent était exclusivement sur le modèle de celui qui flotte sur le Palais de l’Élysée.

    L’uniformité était sans doute dictée par le protocole, parce que l’on était la veille de la fête nationale, et que le statut de préfecture marine exigeait de Toulon une présentation cohérente et exemplaire.

    Mais au-delà du calendrier protocolaire français, il y avait celui de la Coupe du monde, qui a fixé la confrontation finale au lendemain de la fête nationale.

    Il suffisait de lever le regard pour voir que celui que les Toulonnais appelaient « l’homme de la mer » pointait invariablement son doigt sur le drapeau français.

     

    Le rêve de concorde

     

    Le seul horizon que ce bras levé était sensé montrer était la victoire de la France contre la Croatie.

    Quel rêve de concorde était évoqué par ce décor ? Un rêve de concorde franco-française.

    La France avait terriblement besoin de la victoire à la Coupe mondiale du foot pour oublier pendant un temps ses fractures, causées par l’identité plurielle ou par la crise économique.

    Sur le quai d’honneur de Toulon, la concorde rêvée délaissait le contexte international et se concentrait sur un impératif hexagonal.

    Puis est arrivé le jour de la finale. Le Zeph se trouvait alors dans le Vieux Port de Cannes.

    Tous les bars de la Croisette avaient leurs terrasses bondées. Le suspens se répandait dans l’air, la nervosité s’emparait de chaque badaud.

    Un seul emblème national était visible. C’était cohérent : la France ne pouvait que gagner, la France devait gagner.

    Le rêve de concorde franco-française évoqué à Toulon devait s’accomplir. Et il s’est accompli magnifiquement !

     

    Le rêve de concorde

     

    La liesse était paroxystique sur la terrasse du restaurant « Le Byron », qui se trouvait juste devant le kiosque à musique qui gardait l’accès aux pontons gérés par la capitainerie du Vieux Port de Cannes.

     

    Le rêve de concorde

     

    Presque toutes les photos de la joie collective ont été prises à partir de l’estrade du kiosque à musique. Le photographe avait lui-même du mal à contenir son émotion.

    Malgré l’effet stimulant du triomphe, une découverte est venue assombrir le tableau de l’euphorie. À côté de l’appareil photo ravi, d’autres têtes se sont aussi penchées pour regarder d’en haut les scènes de rue. Elles avaient le visage étrangement impassible, imperméable, fermé. De toute évidence, elles ne se sentaient pas concernées par la concorde franco-française, qui était célébrée juste en contrebas, à coup de klaxons et de fumées pourpres.

    L’exception à la règle avait le droit d’exister. Mais quand l’exception surgit pour exprimer la fermeture et la rigidité, elle inquiète.

    La mairie de Cannes, elle, se devait d’être en phase avec la fierté nationale. C’est pourquoi l’équipe municipale a déployé deux immenses drapeaux sur la façade principale de la maison communale.

     

    Le rêve de concorde

     

    Un drapeau de plusieurs mètres de hauteur, à droite de la porte d’entrée. Et le même, à gauche de la même porte d’entrée. Était-ce pour évoquer la concorde entre la France de droite et la France de gauche ?

    Chacun de ces deux drapeaux gigantesques remontent du sol jusqu’au sommet de l’édifice municipal. Était-ce pour évoquer la concorde entre la France d’en bas et la France d’en haut ?

    Était-ce à Cannes qu’il y a eu le clap de fin du long métrage sur l’accomplissement du rêve de concorde ? Nullement.

    Après Cannes, Nice dévoilait au Zeph des scènes de concorde.

    Au centre de la composition, il y avait l’accolade du rapprochement et des bonnes intentions.

     

    Le rêve de concorde

     

    Geste délibéré entre adultes éclairés et raisonnables.

    Juste en dessous, c’était le baiser fraternel.

     

    Le rêve de concorde

     

    Effusion de tendresse mutuelle pour le jeune âge, qui s’imprégnait volontiers des bonnes manières des aîné(e)s.

    Le drapeau de la victoire était brandi en haut à gauche.

     

    Le rêve de concorde

     

    À droite, la trompette rappelait au Zeph les klaxons qui avaient résonné à tue-tête sur la Croisette jusqu’à l’aube du lundi, il y a dix jours.

    Tous les personnages adultes intervenant dans la composition de la scène de la concorde étaient féminins. Le parti pris de l’artiste était intéressant. Voulait-il signifier par là que la concorde était une qualité essentiellement féminine et que l’accomplissement du rêve de concorde était souvent le fruit d’efforts de la gent féminine ?

     

    Le rêve de concorde

     

    Ce tableau de la concorde arrivait à point nommé. Il figurait sur la face Sud du monument que la ville de Nice avait érigé pour Garibaldi.

    Mais le cadeau-surprise que Nice réservait au Zeph ne se trouvait pas sur la place Garibaldi, mais au Vieux Port même.

    La place 26 que la capitainerie attribuait au Zeph le plaçait dans l’axe d’un pointu qui s’appelait « Passionata » et qui arborait encore la multitude de drapeaux évoquant le caractère international de la Coupe du monde de foot.

     

    Le rêve de concorde

     

    Le Zeph bénéficiait de ce rappel pendant la première moitié de son séjour à Nice.

    Puis le calendrier des changements a fini par imposer sa loi dans l’espace des pointus.

     

    Le rêve de concorde

     

    Dans l’espace des pointus, mais pas partout au Vieux Port.

    En effet, le jour du départ du Zeph, sur la terrasse du restaurant qui s’appelait « Les Arcades », et qui se trouvait à l’arrêt « Le Port » des lignes de bus, flottaient encore les drapeaux qui étaient là, depuis le début de la compétition internationale, et qui n’avaient pas été enlevés malgré la victoire de la France.

     

    Le rêve de concorde

     

    L’hymne olympique se termine ainsi :

    Κάμποι, βουνά και θάλασσες φέγγουνε μαζί σου

    σαν ένας λευκοπόρφυρος μέγας ναός

    Και τρέχει στο ναό εδώ προσκυνητής σου.

    Αρχαίο Πνεύμα αθάνατο, κάθε λαός.

     

    Les campagnes, les monts, les mers brillent autour de toi,

    Comme un grand temple fait de pourpre et de blancheur,

    Et dans le temple ici accourent tous les peuples

    Pour se prosterner devant toi, esprit antique et éternel.

     

    Avec bonheur, La Ciotat et Nice ont montré leur fidélité à l’idéal olympique en rappelant ostensiblement la dimension planétaire du rêve de concorde, dont l’accomplissement était un des objectifs de la compétition internationale.

    Quant au Zeph, il ne peut rester indifférent à l’accomplissement du rêve de concorde, surtout à son bord. La pérennité du Zeph dépend directement de la durabilité de cet accomplissement.

    À ce sujet, la contribution des anges du Languedoc est une leçon à méditer.

    Généreuses par nature, ces créatures angéliques le sont davantage encore dans la gestion de la mémoire de leur don. De chacun de leurs gestes donateurs, elles n’en font, ni une monnaie d’échange, ni un moyen de pression.

     

    Le rêve de concorde

     

    Spontanément, et avec élégance, elles mettent en pratique l’exhortation que les Écritures adressent à l’être qui vient de rendre un service :

    μὴ γνώτω ἡ ἀριστερά σου τί ποιεῖ ἡ δεξιά σου

    ΚΑΤΑ ΜΑΘΘΑΙΟΝ

     

    que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite.

    Évangile selon Matthieu, chapitre 6, verset 3

     

    Pas de mémoire comptable.

    C’est dans l’écrin du désintéressement que s’accomplit le rêve de concorde à bord du Zeph.

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