• Le fil d'Ariane de l'Aventy

     

     Le Zeph tient le fil d'Ariane donné par l'Aventy pour explorer le Sud de la péninsule italienne, pour aller de Licata à Siracusa, puis à Crotone, Santa Maria di Leuca, Otranto, Brindisi et Bari. Mais le véritable labyrinthe n'est pas la topographie des ports et des mouillages, mais le foisonnement et l'enchevêtrement des signes dissimulés, des messages sibyllins, des visions prophétiques.

    C'est l'Aventy qui décide de l'orientation de l'itinéraire, de la longueur de la progression, de la prise en compte de tel ou tel amer, de la valorisation de tel ou tel repère visuel. Le Zeph se fie entièrement à l'inspiration de l'Aventy, qui prend en charge le fractionnement du chemin, son incurvation et sa ponctuation.

    Mais par rapport à ce labyrinthe des symboles et des signaux cachés, y a-t-il eu un Minotaure à éliminer ?

     

     

    Comme le veut le scénario crétois, c'est l'Aventy qui a conduit le Zeph vers le monstre dont il fallait venir à bout. La rencontre a eu lieu aux premiers jours du mois de mai, quand l'Aventy a exhibé les métopes du Temple C de Selinunte.

     

     

    Le triomphe sur le Minotaure a son équivalent dans la décapitation de la Méduse. Éloignement de la menace de mort. Suppression d’une présence maléfique. Fin de l’impuissance devant la cruauté du sort.

    Mais une fois le Minotaure vaincu, il fallait encore trouver la sortie du labyrinthe. Sans le fil d’Ariane, pas de retour à la lumière libre, pas de délivrance complète. Sans le fil d’Ariane, la sensation de recommencer à l’infini le même parcours peut engendrer le découragement, la panique et le désespoir.

     

     

    Après la disparition du danger de nécrose, le chemin du Zeph vers un soulagement total doit passer d’abord par l’angoisse des embranchements, des impasses et des fausses pistes. Au cours de ce chemin long et compliqué vers la guérison complète, le Zeph reçoit l’aide de l’Aventy, qui le fait progresser de jalon en jalon, en lui envoyant des signaux pour lui redonner le moral. Semaine après semaine, l’Aventy dit au Zeph les amers qu’il faut retenir pour avancer dans le temps labyrinthique, sans céder au désarroi et à l’effondrement à cause des innombrables ramifications trompeuses.

     

     

    Le dernier repère visuel est l’une des sept sculptures qui coiffent la rosace de la façade de la cathédrale de Bari. C’est la deuxième sculpture quand l’arc décoratif est parcouru dans le sens des aiguilles d’une montre.

     

     

     La sculpture exhibée dans la photo qui conclut l’envoi de l’Aventy est un assemblage de deux créatures, mais pas l’une à côté de l’autre. Pas de conjugaison des forces par une juxtaposition latérale, où l’apport de l’un pourrait être équivalent à celui de son voisin.

     

     

     À l’horizontalité, l’artiste préfère la verticalité. Ainsi, une créature chevauche l’autre, la domine. Dans ce rapport de force, se lit aussi la définition de ce qui est l’amont et de ce qui est l’aval. Relation physique, lien logique, enchaînement chronologique. La silhouette hybride serait une scène d’enfantement, où la créature qui s’étire vers le haut, accouche de la créature qui émerge comme d’un ventre maternel.

     

     

    La torsion du corps d’en haut évoque les efforts pour accoucher. Les grimaces du visage traduisent les douleurs de l’enfantement.

     

     

    La physionomie de la créature d’en haut est celle d’une femme. La morphologie de la créature d’en bas pourrait la rattacher à la famille des canidés.

     

     

     Donc, enfantement monstrueux, engendrement maléfique.

     

     

    Que vient faire ce spectacle d’horreur sur la façade d’une cathédrale ? Il s’agit de protéger le sanctuaire en éloignant les créatures maléfiques, qui sont combattues en leur renvoyant l’image de leurs corps hideux.

    Combattre la monstruosité par la monstruosité : c’est une stratégie très en vogue dans l’art médiéval bourguignon. Voilà qui renoue avec les itinéraires de découverte offerts par l’Aventy à l’occasion des deux escales à Melay.

    Stratagème du miroir pour vaincre l’ennemi. Voilà qui rappelle comment Persée a pu s’approcher de la Méduse pour la décapiter, sans avoir à affronter directement le regard du monstre.

     

     

    Le héros s’est servi du bouclier que lui avait offert Athéna et dont le poli permettait d’avoir une image de la Méduse et de localiser sa position. Exploiter l’image de l’ennemi pour le combattre, l’art médiéval occidental s’est souvenu de la leçon pour protéger l’espace sacré.

    L’exhibition de la silhouette hybride dans la photo de conclusion est donc en parfaite cohérence avec le savoir-faire antérieur de l’Aventy.

    Y a-t-il un message prophétique dans cette mesure défensive mise en évidence par l’Aventy ? En quoi le Zeph est-il concerné par le surgissement du spectacle hideux qui conclut l’envoi de l’Aventy ?

    Selon l’art médiéval bourguignon, l’affichage de cette silhouette est un geste de prévention. Contre quoi l’Aventy veut-elle protéger le Zeph ? Contre des accouchements monstrueux, semblables à celui où une femme enfante un canidé. La figure féminine représente ce qui est habituel, familier, connu. Le corps du canidé traduit ce qui est imprévisible, inquiétant et dangereux. La silhouette hybride prend forme quand l’histoire personnelle du Zeph accouche d’une monstruosité. Et c’est déjà arrivé, quand la fracture du bras a engendré l’embolie pulmonaire. Effectivement, l’apparition inattendue de l’embolie pulmonaire était le surgissement d’une monstruosité ! Dans sa sollicitude, l’Aventy a recours au stratagème médiéval pour conjurer l’occurrence d’autres accouchements monstrueux, qui mettraient en péril l’avenir du Zeph. Le choix de la photo de conclusion de l’Aventy est donc un geste prophylactique.

    Le message de l’Aventy est parvenu au Zeph jeudi dernier. La veille, l’œdème qui a inquiété et dérouté tout le monde, y compris le kinésithérapeute, s’est résorbé comme par miracle ! Bienvenue à la prophylaxie, pour éviter la répétition de la catastrophe !

     La gratitude est de mise à l’égard d’une sollicitude efficiente semaine après semaine.

    L’admiration est aussi sans bornes pour un talent de scénographe, qui s’exprime dans l’art de créer, de multiplier et d’amplifier des résonances. Résonance entre les métopes du Temple C sur l’Acropole de Selinunte et la silhouette hybride sur la façade de la cathédrale de Bari. Résonance entre l’art médiéval bourguignon et le discours iconographique dans les Pouilles, résonance qui vient du fait que les personnes qui s’embarquaient à l’époque pour retrouver le tombeau du Christ étaient venues aux postes d’embarquement avec leurs images mentales et leurs conceptions de l’art.

     

     

    En effet, entre les XIIè et XIVè siècles, Bari était le principal port de départ pour rejoindre la Terre Sainte.

     

     

    Résonance donc entre la façade de la cathédrale de Bari, qui parle des embarquements pour la Terre Sainte, et le parvis du sanctuaire Santa Maria de finibus terrae, d’où l’Aventy avait privilégié le cap sur Jérusalem !

    L’on n’est pas déçu quand on suit le fil d’Ariane de l’Aventy, loin de là ! L’itinéraire donne beaucoup d’émotions, mais il rassure par sa somptueuse cohérence.

    Merci à l’Aventy, pour le fil d’Ariane, qui réconforte le cœur du Zeph, semaine après semaine.

     

     

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