Il avait prévenu tous les guetteurs qu’il se réveillerait aujourd’hui à 15h pour s’adonner à ses jeux favoris. Son dada était de provoquer du chahut. Il se montrait toujours prompt à s’esclaffer quand les autres perdaient l’équilibre. Il était le souffle d’Éole.

Redoutant la promptitude du vent, le capitaine a quitté le fief du Bec de l’Aigle tôt ce matin pour être à l’abri avant l’entrée en scène du diablotin. Le refuge serait Hyères-les-Palmiers.

 

 

On avait trente-cinq miles à parcourir.

À l’heure annoncée, le plaisantin a commencé ses pitreries. Par chance, le Zeph s’apprêtait à passer devant les phares du port protecteur.

 

 

La promptitude de la folie du vent déplaisait fortement au Zeph. Mais chez d’autres, cette promptitude déclenchait celle du désir immodéré de sensations fortes. Ébahi, le Zeph écarquillait ses yeux pour voir des voiles noires filer devant lui.

 

 

Les deux coques, l’une blanche et l’autre bleue, fendaient les flots à la vitesse du faucon pèlerin. La coque blanche était estampillée GE 12009.

 

 

La coque bleue portait le sigle GE 21667.

 

 

Prompt à semer le trouble, le souffle d’Éole était aussi prompt à pratiquer la surenchère. Attendu avec une force 4, il s’est déchaîné avec une force 5, voire 6.

Le Zeph a demandé à la capitainerie une assistance pour s’amarrer.

 

 

On lui a répondu promptement : « Il n’y aura pas d’assistance. »

La place attribuée au Zeph se trouvait vers les drapeaux.

 

 

Tous les drapeaux claquaient dans le vent, qui jubilait bruyamment à cause de son impact endiablé.

On nous a dit de nous placer au quai marqué en rouge.

 

 

Le capitaine cherchait un appui qui pourrait contrecarrer la poussée du vent. Hélas, les mauvaises plaisanteries de celui-ci ont dérouté le propulseur, qui n’obéissait plus aux ordres du capitaine. Le Sun Odyssey 36, baptisé « Summertime », que le Zeph voulait avoir à tribord pour s’amarrer, a failli avoir une collision au niveau de la pendille.

 

 

L’ancre suspendue du Zeph était fortement attirée par celle du « Summertime », ce qui empêchait l’axe du Zeph d’être perpendiculaire au quai rouge.

Pour donner au Zeph une position plus décente, il fallait tirer, et tirer, et tirer sur la pendille de celui-ci. Mais cette pendille refusait obstinément de sortir davantage de l’eau. Alors le capitaine, qui jetait ses dernières forces dans la traction, a demandé le secours du mousse. De mémoire de Zeph, jamais une pendille n’a requis la puissance de quatre bras !

 

 

Pendant que nous étions à la capitainerie pour remplir les formalités d’enregistrement, un Dufour 412, baptisé « Be Blue », s’est rangé à bâbord du Zeph. Profitant de notre absence, le vent farceur a vite incité les deux coques à se faire la bise vers la proue.

 

 

Malgré ses nombreuses ressources pour déstabiliser, le souffle d’Éole n’a pas réussi à perturber le savoir-vivre des deux coques entrées en contact malgré elles. Celle qui a heurté a été prompte en excuses et en propositions de réparation. Celle qui a été heurtée a été prompte en paroles indulgentes et en gestes magnanimes.

 

 

À l’heure du crépuscule, la promptitude du vent a laissé un goût chocolaté, fort délicieux. C’était le goût des chocolats offerts par « Be Blue » au Zeph pour se faire pardonner.

 

 

Comme le vent, si prompt à semer le désordre, a dû être très étonné par la promptitude du lien social qui naissait du savoir-être des gens de la mer !