• La douceur de la brise

    Il lui fait la cour avec son souffle léger, doux, suave. Elle se retourne pour voir celui qui sait la caresser à distance, d’une manière aussi merveilleuse.

    Lui, c’est Ζέφυρος – ΖΕΦΥΡΟΣ, non pas celui qui est fait d’une coque avec un mât et des voiles et qui passe l’hiver à Port Napoléon, mais celui qui est un compagnon d’Éole et fréquente les Olympiens.

    Elle, c’est Χλωρίς – ΧΛΩΡΙΣ, dont le nom se retrouve dans le mot « chlorophylle » de la langue française. La couleur préférée à elle, c’est donc le vert.

     

    La douceur de la brise

     

    C’est pourquoi Ζέφυρος – ΖΕΦΥΡΟΣ a pris un teint vert, aux reflets bleutés, pour s’approcher de la gracieuse Χλωρίς – ΧΛΩΡΙΣ. Stratégie de séduction, manœuvre de caméléon.

    Le coup de foudre est réciproque.

    L’instant de séduction mutuelle est capté et restitué par un maestro de la palette, natif de Florence. L’artiste est Sandro Botticelli. L’oeuvre, intitulée Primavera (Printemps) est exposée à la Galleria degli Uffizi.

     

    La douceur de la brise

     

    La lecture du tableau se fait de droite à gauche.

    Ζέφυρος – ΖΕΦΥΡΟΣ, francisé en Zéphyr, donne l’impulsion initiale et séduit Χλωρίς – ΧΛΩΡΙΣ, qui, après la fécondation, devient Flore, qui est le troisième personnage en partant de la droite.

    L’effet physique causé par le souffle de Ζέφυρος – ΖΕΦΥΡΟΣ apparaît dans les mouvements de la chevelure et de la robe de Χλωρίς – ΧΛΩΡΙΣ. Leurs ondulations autour d’un axe oblique sont cependant de faible amplitude, car le vent est modéré. Le climat traduit une séduction et non un conflit. Le toucher doit exprimer la délicatesse et faire naître le plaisir.

    La douceur de la brise produit des effets sur l’épiderme mais aussi sur le gosier. De la cavité buccale de Χλωρίς – ΧΛΩΡΙΣ, sort une guirlande de fleurs.

    Une autre silhouette féminine recevait aussi les caresses du souffle de l’air, pendant qu’elle glissait sur les canaux de Port-Grimaud, dans le golfe tropézien.

     

    La douceur de la brise

     

    Le mouvement des mèches blondes dans la nuque disait que le vent venait de face. Le visage allait à la rencontre du vent, qui était modéré. Le chapeau était tenu par la main gauche, plus par coquetterie que par précaution.

    Des paroles fleuries sortaient de la bouche. Elles avaient trait à la luxuriance de la verdure, à la beauté des aménagements au bord de l’eau.

    Dans le délassement généralisé, l’on est enclin à vivre plusieurs vies, celle qui se déroule à l’instant même, sous les yeux, et toutes les autres qui reviennent de bien loin, et qui forment le kaléidoscope d’un âge d’or inoubliable.

    En sillonnant de nouveau la cité lacustre, la Dame de Manosque ne pouvait s’empêcher de se rappeler les canaux qu’elle avait fréquentés du temps des trente glorieuses.

    La douceur de la brise est une subtile invitation à soulever les feuillets de la mémoire.

    La jolie brise est souvent évocatrice d’un cadre paradisiaque. À Santa Giulia, sur la côte orientale de la Corse, le Zeph a trouvé un décor qui était comme le paradis des lagons. Mais il fallait attendre l’heure du crépuscule pour que le site, alors débarrassé de la foule tapageuse, révèle toute sa splendeur. Avec délectation, le capitaine partait à la découverte des étonnantes formations rocheuses, qui constituaient l’une des attractions majeures du lieu.

     

    La douceur de la brise

     

    La roche prenait des formes généreuses, pleines de volupté et ruisselantes du désir d’être caressées. Dans ce décor de séduction, l’humour n’était pas absent. Celui-ci se distinguait par des silhouettes effilées et des extrémités pointues, qui s’affichaient pour créer l’effet ludique, sans pour autant rompre l’harmonie de l’ensemble.

    La douceur de la brise s’associait aux lueurs du couchant pour rendre l’exploration romantique et délicieuse.

    Puis est venue l’heure de fêter en compagnie de Διόνυσος – ΔΙΟΝΥΣΟΣ la découverte de ce décor onirique. La jolie brise était encore là, avec le dernier clin d’œil de l’astre solaire.

     

    La douceur de la brise

     

    Le breuvage dégusté était un Château Bernot de 2009. Ce Grand Vin de Bordeaux était produit par la maison Gaec Bernard Frères.

    Quel doux crépuscule, avec les caresses de la brise et la saveur exquise de la vigne !

    À Port-Grimaud et à Santa Giulia, le vent déployait son charme au-dessus de l’eau. À La Spezia, sur le rivage ligure, il excellait dans l’usage de la touche sensuelle pour rendre la terre ferme encore plus attrayante.

    Inlassablement, il jouait avec la chevelure abondante des palmiers qui formaient comme une haie d’honneur devant le port de plaisance.

     

    La douceur de la brise

     

    Au bruissement d’une végétation qui annonçait somptueusement le Sud, s’ajoutaient des lignes mélodiques qui s’élevaient vers le firmament comme des incantations pour obtenir le bonheur sur terre. Quête absolument poignante à l’heure du crépuscule.

     

    La douceur de la brise

     

    Comme dans le tableau de Botticelli, la douceur de la brise côtoyait l’émission d’une parole, musicale cette fois, et constellée de vœux. Des vœux pour que l’existence soit remplie de fleurs au parfum enivrant.

    La douceur de la brise, au goût iodé et au parfum de liberté, est l’une des choses merveilleuses qui créent l’enchantement à Port Napoléon.

    C’était l’un des derniers repas avant que le Zeph ne quitte son ber pour réaliser son voyage initiatique. On mangeait dehors, sur le pont en teck, pour profiter de la générosité du soleil. La serviette ocre, aux motifs géométriques blancs et noirs, battait contre les filières sous l’effet du souffle de l’air.

     

    La douceur de la brise

     

    Les vallonnements changeants, formés à la surface du textile, reflétaient le jeu incessant d’un vent espiègle. Mais l’intensité de celui-ci restait très modérée pour ne pas refroidir de façon incongrue les daurades grillées au wok, avec du gingembre, des poivrons et des courgettes.

     

    La douceur de la brise

     

    Le seul breuvage qui convenait à la situation était la retsina, πολύ κρύα, παρακαλώ – ΠΟΛΥ ΚΡΥΑ, ΠΑΡΑΚΑΛΩ ! (bien fraîche, s’il vous plaît !)

    La douceur de la brise faisait revenir l’univers savoureux des escapades égéennes qui avaient eu lieu chaque printemps, du temps de la préhistoire du Zeph.

    Douceur de la brise, résurgence du printemps égéen. Et l’élément oral ? Il a pris corps dans la voix d’Angélique Ionatos, qui nous a tenu compagnie pendant toute la dégustation sur ce balcon avec vue sur la mer.

    La douceur de la brise est une manifestation d’empathie de la part des éléments, pendant les moments d’insouciance et d’allégresse comme aux heures de gravité et de mélancolie.

    Le Zeph devait effectuer une mue pour accroître sa taille, sa robustesse, sa stabilité et son confort. Le bon déroulement de cette transformation cruciale exigeait que le Zeph ne soit pas du tout dérangé pendant cette période de transition. C’était dans ce contexte que le repas n’était plus pris en hauteur, sur le balcon juché sur le ber, mais au ras de l’eau, au bord du chenal d’accès, à proximité du quai d’accueil qui jadis avait offert son flanc protecteur à un Zeph tout novice, encore inexpérimenté et très attentif aux conseils de l’instructeur des premiers jours. Sur la photo, cet emplacement exclu des réservations était disponible.

     

    La douceur de la brise

     

    Pour ce repas au bord de l’eau, il y avait du vent, puisqu’il a fallu protéger les flammes du camping gaz par une table renversée. L’orientation de la paroi de protection montrait que le vent venait du Sud-Ouest. Mais il restait modéré et a permis de mener à bien les différentes cuissons.

    La douceur de la brise, qui s’alliait à la fraîcheur apportée par la proximité de l’eau, faisait de ce repas un moment de pur délice. La terrasse improvisée reflétait l’esprit δημοτικό – ΔΗΜΟΤΙΚΟ, avec lequel nous avions eu rendez-vous régulièrement, à chaque équinoxe de la belle saison. C’est pourquoi la douceur de la brise qui le ramenait à la mémoire était une aimable invitation à passer les prochains printemps en Méditerranée orientale.

    Douceur de la brise, printemps égéen de nouveau. Quel phénomène oral a eu lieu à cette occasion ?

    Aucune voix humaine n’a commis la maladresse de souiller la pureté des lieux. On ne percevait que le bruissement du feuillage, le murmure de l’eau et occasionnellement, les éclats de rire des mouettes. Seule Dame Nature s’exprimait, avec sa polyphonie.

    À Saint-Mandrier aussi, dans la rade de Toulon, l’expérience de la douceur de la brise était variée, riche et merveilleuse.

    Il y a eu d’abord l’escale improvisée, contrainte et forcée, parce que l’un des feux de la proue était tombé en panne tout au début de la route qui devait nous amener en Corse, puis à Rome et Naples. Donc, arrivée nocturne à Saint-Mandrier. Amarrage fébrile. Dîner frugal. Le capitaine avait besoin de repos pour entreprendre la réparation des feux dès l’aube.

    Après avoir lavé et rangé la vaisselle, le mousse est allé sur le pont en teck pour savourer l’ambiance nocturne. Comme elle était magique !

     

    La douceur de la brise

     

    À la douceur de la brise, se mêlait la voix d’une cantatrice. Une voix qui semblait remonter des entrailles de la terre. Aucune ride sur l’onde. La navette entre Saint-Mandrier et Toulon a fini son service.

    Comme dans l’univers de Botticelli, la caresse du vent s’associait au charme de la parole, qui fleurissait à travers des mélodies. Ensemble, le souffle léger de l’air et les envolées du chant célébraient un printemps universel.

    Sans la douceur de la brise, l’envoûtement de cette nuit aurait été moins mémorable.

    À Saint-Mandrier, le charme de la douce brise opérait de nuit, mais aussi de jour.

    À l’occasion d’un printemps, le Zeph a prévu une escale de plusieurs jours à Saint-Mandrier. L’objectif était de découvrir l’arrière-pays du port de plaisance. L’un des chemins de randonnée menait de l’espace portuaire vers l’isthme des Sablettes, qui se trouvait un peu plus loin, vers l’Ouest. Puis la piste contournait la colline centrale en passant au Sud, pour flirter avec des rochers ocres et l’écume argentée des vagues.

    Un vent léger rendait la promenade très agréable. Il se plaisait à dresser les courts cheveux du capitaine.

     

    La douceur de la brise

     

    La douceur de la brise était un délice, surtout avec un temps qui était très ensoleillé. La double caresse du vent et du soleil produisait l’effet conjugué du frigidarium et du caldarium des thermes romains. Le délassement était au rendez-vous, tout comme son ami, le sommeil. Ainsi le capitaine s’est délecté d’une grande sieste, choyé à la fois par une jolie brise et un astre solaire généreux.

    La douceur incite au partage et construit la cohésion.

    C’est pourquoi le capitaine n’a pas hésité à inviter la Dame de Manosque et l’instructeur des premiers jours pour qu’ils profitent, eux aussi, de l’escale à Saint-Mandrier.

    Le jour de leur venue, il y avait un festival de mini-voiliers à proximité de la capitainerie.

     

    La douceur de la brise

     

    Toutes les coques en parade étaient télécommandées. Autrement dit, leur force motrice était l’électromagnétisme, mais aucune n’était dépourvue de voile, pour préserver la poésie de l’illusion du vent. Ce matin-là, du vent, il y en avait, suffisamment pour faire vibrer quelques membranes, mais pas trop pour ne pas faire chavirer les beaux jouets.

    La douceur de la brise qui répandait le babillage des joueurs fiers de leur œuvre et de leurs manœuvres, contribuait à rendre la manifestation sympathique et digne d’intérêt.

    Mais c’est sans doute loin de la foule, que l’on apprécie davantage la douceur de la brise.

    Après les agapes de midi, le capitaine a proposé aux invités le ravissant sentier du littoral, qui serpentait au Sud de la presqu’île.

    Le vent léger, qui avait procuré tant de plaisir pendant la première découverte était encore là. Discrètement, il soulevait une extrémité du châle de la Dame de Manosque.

     

    La douceur de la brise

     

    Fixant l’horizon, celle-ci demandait au capitaine dans quelle direction elle regardait. Puis elle a entendu qu’inconsciemment, elle était en train de diriger son regard vers le pays de sa propre jeunesse, vers la terre qui avait vu fleurir le printemps de son existence. Comme dans le tableau Primavera du peintre florentin, l’évocation du printemps était indissociable de la présence d’une brise douce et caressante. En la circonstance, des paroles ont été émises, certes sur le mode de l’interrogation. Mais c’était pour mieux faire retentir les échos fleuris et embaumés de la nostalgie.

    À Port Grimaud et à Santa Giulia, la douceur de la brise était associée au plaisir d’être sur l’eau. À Port Napoléon et à Saint-Mandrier, elle accompagnait la jouissance sur la terre ferme. La douce brise maintiendrait-elle encore son rôle charmeur dans un flirt avec le feu ?

    À cette question, la halte à Vulcano, dans l’archipel éolien, répondait par l’affirmative.

    Les fumerolles du volcan ne montaient pas verticalement. Elles penchaient légèrement en direction du sommet.

     

    La douceur de la brise

     

    Le vent était léger. Il a aussi soulevé un pan de la chemise du capitaine.

    Le souffle de l’air introduisait de la fraîcheur au milieu d’un environnement chauffé à la fois par le soleil et le feu qui venait des entrailles de la Terre.

    La douceur de la brise permettait d’éviter la monotonie et rendait la visite très agréable.

    Après le pittoresque des scènes de fumerolles, il y a eu le plaisir de faire la sieste au soleil, sur un muret du restaurant à proximité du débarcadère. Là encore, les caresses de la jolie brise ont incité l’astre solaire à choisir la douceur, et non l’ardeur, pour apporter son action tonifiante.

    Avec art et subtilité, la douceur de la brise a exercé son charme en jouant avec le feu des astres et de la Terre.

    Par rapport au calendrier, la visite de Vulcano et de l’archipel éolien a lieu pendant la saison que les cousins transalpins nomment primavera. Voilà qui n’est pas sans rappeler le titre de l’œuvre de Botticelli.

    D’après les Anciens, le cosmos est composé de quatre éléments : l’Air, l’Eau, la Terre et le Feu. La douceur de la brise est une manière intelligente et féconde pour l’élément aérien de créer une relation bilatérale avec chacun des trois autres. Ces moments de synergie donnent du bonheur au Zeph.

    Sur le tableau de Botticelli, la douceur de la brise est associée à l’émission d’une parole fleurie et à l’éclosion du printemps. Le Zeph remercie de tout son cœur les divinités de l’avoir rendu sensible à la douce brise, qui fait de sa navigation un voyage sans cesse printanier.

    Pin It

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :