• La courbure de la perfection

    La courbure du cercle, et par voie de conséquence, celle de la sphère sont souvent associées à l’idée de la perfection.

    D’autres courbures ont-elles ce privilège ?

    À l’inverse, la présence du cercle correspond-elle toujours à la perfection ?

    Autrement dit, la courbure du cercle est-elle une condition nécessaire à l’évocation de la perfection ?

    Peut-elle être une condition suffisante ?

    L’association entre le cercle et la perfection a été utilisée de manière grandiose par l’architecture dans la construction de la Basilique Sainte-Sophie, à Constantinople. Une coupole de trente-et-un mètres de diamètre est suspendue à cinquante-cinq mètres du sol pour rendre gloire au Très-Haut.

    Le jour même où Constantinople est tombée entre les mains des Ottomans, l’un des premiers gestes fondamentaux du chef des vainqueurs, qui est le Sultan Mehmet II, est de venir en personne dans la Basilique pour contempler de ses propres yeux la courbure de la perfection.

    De nos jours, tous les édifices de la liturgie grecque perpétuent le souvenir de cette magnifique audace architecturale.

    Dans ce domaine, Κυπαρισσία – ΚΥΠΑΡΙΣΣΙΑ n’est pas du tout en reste.

    À la grande église qui est près de la Mairie et du marché en plein air, on trouve tous les éléments de la symbolique mise en place par la Basilique-Mère Sainte-Sophie.

    La coupole centrale, fière de sa courbure sphérique, représente la demeure céleste. S’y trouve le Christ Pantocrator, qui bénit de sa main droite l’assemblée des disciples.

     

    La courbure de la perfection

     

    L’effigie du Ressuscité en gloire est inscrite dans le cercle de la perfection.

    L’harmonie parfaite des cieux est évoquée par la courbure du cercle tandis que le monde terrestre est régi par le principe de l’orthogonalité. Ici-bas, c’est l’angle droit qui prime, et non la courbure circulaire.

    Pour établir la transition entre le ciel et la terre, l’architecture byzantine a encore innové en créant les pendentifs, qui sont des triangles incurvés, à cause de leur courbure sphérique.

    Dans la grande église de Κυπαρισσία – ΚΥΠΑΡΙΣΣΙΑ, les quatre pendentifs sont réservés aux quatre rédacteurs de la Bonne Nouvelle.

    Quand on entre dans l’église, les deux pendentifs qui s’offrent à la vue sont celui de Matthieu, habillé de bleu, et celui de Marc, qui écrit sous la dictée de Pierre.

     

    La courbure de la perfection

     

    Le pendentif de Matthieu est à gauche. Celui de Marc, à droite.

    Le cercle descend en direction de la terre par la matière incurvée des pendentifs, mais aussi par la lumière du lustre composé de plusieurs anneaux concentriques.

    L’éclairage apporté par la main des disciples va à la rencontre de la lumière spirituelle qui est prodiguée d’en haut.

    La lumière des cierges ou de l’astre du jour fait luire l’or de la multitude d’icônes qui parent l’iconostase. Cette cloison, qui évoque le rideau du Temple de Jérusalem, sépare l’espace intérieur en deux parties : la partie invisible, qui se trouve derrière cette cloison, rappelle le Lieu dit Très-Saint dans le Temple Hébreu, tandis que la partie visible, réservée aux disciples qui n’officient pas, correspond au Lieu dit Saint.

    Tous les lieux de culte qui suivent le rite byzantin sur le sol grec possèdent-ils la même profusion de cercles ?

    À Kαλαμάτα – ΚΑΛΑΜΑΤΑ, ce n’est pas le cas de la chapelle dont s’est dotée la gare routière, qui s’est installée vers les Halles, au pied de la Citadelle.

    L’espace de prières, qui est à la disposition de tous les passagers des bus, se trouve sur le côté Nord-Est de la salle d’attente.

     

    La courbure de la perfection

     

    On trouve la coupole centrale avec la courbure sphérique. Mais, au sommet, pas de Christ Pantocrator inscrit dans un cercle !

     

    La courbure de la perfection

     

    Le divin n’a pas besoin de l’insistance du cercle pour répondre aux prières.

    La perfection qui caractérise l’être divin n’est pas liée à la surabondance d’une courbure géométrique.

    À défaut du reflet de l’or, des vitres colorées font entrer une joyeuse polychromie grâce à la complicité de l’astre du jour.

    L’iconostase et le lustre sont modestes aussi.

    L’absence de Christ Pantocrator entouré par une ligne périphérique circulaire montre que la courbure du cercle n’est pas une condition nécessaire.

    Un autre contre-exemple affirmant cette non-nécessité se trouve dans le geste de la bénédiction. Il s’agit ici de la bénédiction selon le rite grec. D’où l’appellation benedictio graeca.

     

    La courbure de la perfection

     

    L’index est levé pour décrire la neuvième lettre de l’alphabet, qui est le iota : I, en majuscule. Le majeur est courbé pour signifier la dix-huitième lettre, qui est le sigma : Σ, que la liturgie byzantine écrit encore sous la forme d’un C de l’Extrême-Occident.

    Donc le deuxième et le troisième doigts forment le tracé des deux lettres, qui sont la première et la dernière lettres de IHCOYC, ou IHΣOYΣ avec des majuscules laïques, c’est-à-dire Jésus, en français.

    Le pouce, quant à lui, rejoint l’annulaire pour évoquer la vingt-deuxième lettre, qui est le khi : X. Mais aucun texte officiel n’impose une courbure circulaire à cette boucle esquissée.

    L’auriculaire, légèrement recourbé, représente de nouveau la dix-huitième lettre, qui est le sigma : Σ, encore écrit sous la forme d’un C de l’Extrême-Occident.

    Ainsi, le pouce et les deux derniers doigts donnent le tracé de deux lettres, qui sont la première et la dernière lettres de XPICTOC, ou encore XPIΣTOΣ, ce qui donne Christ, en français.

    En plus de la proclamation du nom et de la mission du Ressuscité, les doigts de la main droite font référence à la nature de ce médiateur. Les trois doigts séparés parlent de la Trinité qui se compose du Père, du Fils et de l’Esprit Saint pendant que la jonction du pouce avec l’annulaire décrit à la fois la nature divine et la condition humaine du Christ.

    Quand la main droite du Ressuscité fait bénéficier ses disciples de la perfection de l’amour divin, aucun doigt ne présente la courbure du cercle. Une fois de plus, celle-ci n’est pas une condition nécessaire.

    À Κυπαρισσία – ΚΥΠΑΡΙΣΣΙΑ, sur le port, une chapelle surprend par ses dimensions modestes. Elle est dédiée à Άγιος Νικόλαος – ΑΓΙΟΣ ΝΙΚΟΛΑΟΣ, qui protège, grâce à sa sainteté, les marins, les bateliers et les pêcheurs.

     

    La courbure de la perfection

     

    Oralement, puis par écrit, le Hanabi a recommandé au Zeph la visite de cette chapelle.

    Qu’a-t-elle donc de si particulier ?

    Elle n’a pas d’iconostase.

     

    La courbure de la perfection

     

    La personne en prière est immédiatement en contact direct avec le divin. Le Lieu dit Très-Saint, que l’iconostase soustrait habituellement au regard du simple visiteur, est livré à la contemplation, sans protocole liturgique, sans tracasserie administrative.

    Face à la détresse des gens de la mer, la réponse qui vient du Très-Haut se passe d’intermédiaire.

    Au plafond, il y a bien le Christ Pantocrator, inscrit dans le cercle de la perfection. Comme ailleurs, il bénit avec sa main droite.

    Mais la position des doigts est-elle conforme en tous points à la doctrine officielle ?

     

    La courbure de la perfection

     

    Autre situation encore, qui témoigne que la courbure du cercle n’est pas indispensable à l’évocation de la perfection : le témoignage de l’Histoire sur le site de la Citadelle de Πύλος – ΠΥΛΟΣ. Une très belle église, face à la mer, apporte à la fois de la poésie et de la majesté au lieu. À l’intérieur, on retrouve la voûte avec la courbure sphérique, qui parle de la demeure céleste à la manière byzantine. Mais pas de Christ Pantocrator, dont l’effigie serait entourée par le cercle de la perfection.

     

    La courbure de la perfection

     

    Il existe une explication à cette omission. Initialement, le lieu de culte n’était pas consacré à l’enseignement du Nazaréen, mais à un autre monothéisme, né dans la Péninsule Arabique sept siècles plus tard.

    La première utilisation de l’édifice a laissé des traces que l’archéologie, pour des raisons de probité, n’a pas effacées.

    Sur le parvis, de part et d’autre de la porte d’entrée, se trouvent deux niches pour la prière. Voici la niche qui est du côté Nord-Est :

     

    La courbure de la perfection

     

    L’autre niche sur le parvis est donc du côté Sud-Ouest.

    Il existe une troisième niche. Où pourrait-on la trouver ? Derrière l’iconostase, à l’emplacement qui évoque le Lieu dit Très-Saint du Temple des Hébreux.

    Les trois niches sont tournées vers le Sud-Est, c’est-à-dire en direction de Jérusalem.

    Quand l’espace intérieur de la mosquée initiale, érigée sous le Sultan Murat III, devenait insuffisant, la prière pouvait être faite à l’extérieur, en suivant l’orientation indiquée par les deux niches du parvis.

    La décoration des niches est éloquente. Les muqarnas qui les décorent n’exhibent aucunement la courbure du cercle. La concavité des alvéoles n’a rien de sphérique. Pourtant, le divin célébré par cet ornement architectural a aussi l’attribut de la perfection.

    Nombreux sont les cas où la courbure du cercle apparaît comme une condition non nécessaire.

    Qu’en est-il de la condition suffisante ?

    Le site de la Citadelle de Πύλος – ΠΥΛΟΣ en fournit un contre-exemple très clair.

    Le chemin qui va de l’Église au Musée passe à côté d’un tertre qui rappelle le fracas des armes. On y aperçoit des canons et des boulets, tous rongés par la rouille. Mais l’oxydation n’a pas effacé la courbure du cercle, ni celle de la sphère.

     

    La courbure de la perfection

     

    La bouche des canons est encore circulaire. Les boulets demeurent sphériques. Mais l’éthique n’y voit aucun idéal, donc aucune perfection. Quelle perfection pourrait exister dans une tuerie ?

    Il en résulte que la courbure du cercle n’est pas non plus une condition suffisante.

    Dans son histoire personnelle, le Zeph a-t-il rencontré des cas de perfection ? Si oui, quelle était la courbure de ces moments bénis ?

    Le samedi 17 août 2019, à Κυπαρισσία – ΚΥΠΑΡΙΣΣΙΑ, le Hanabi a offert au Zeph le concert de l’amitié.

    Y avait-il quelque chose à redire sur la prestation que le Maestro du Hanabi a accomplie ? Non, tout était parfait. Rien n’était à changer.

    Aucune fausse note. Aucun faux pas. Tout était au top. L’enchantement était maximal.

    Le concert de l’amitié donné par le Hanabi s’est produit à la pleine lune. La perfection de l’astre de la nuit sied à merveille avec le talent insurpassable du Maestro et son dévouement sans bornes.

    Mais la courbure du cercle n’était pas la seule à accompagner la perfection à bord du Hanabi.

    En effet, la courbure que le Hanabi se plaisait à exhiber se voyait du côté de la proue. Elle servait à conduire la fraîcheur à l’intérieur du bateau.

     

    La courbure de la perfection

     

    Elle n’a rien de la courbure d’un cercle ou d’une sphère.

    À bord du Hanabi, la courbure de la perfection n’est pas toujours liée au cercle.

    Et que dire de la boucle d’amarrage que le Nirvana a faite pour le Zeph à Μισολόγγι – ΜΙΣΟΛΟΓΓΙ ? Personne ne se souciait de lui donner la courbure du cercle. Par contre, la courbure aléatoire qu’elle a adoptée est devenue la courbure de l’entraide, de la patience et de la convivialité.

    Ce mercredi 27 juillet, le Zeph ne demandait qu’une chose : de l’eau pour ses réservoirs.

    L’emplacement devant le robinet d’eau était parfait. Nul besoin d’avancer ou de reculer.

    De l’eau douce en abondance pour le Zeph, et un bel apéro pour le capitaine et l’équipage, grâce à la diligence du Nirvana.

    L’amarrage était parfait. Le spectacle du ciel qui rougeoyait pendant l’apéro à bord du Nirvana était parfait.

     

    La courbure de la perfection

     

    Ce soir-là, l’ambiance conviviale offerte par le Nirvana était parfaite, même si la boucle d’amarrage n’a pas obéi à la courbure du cercle.

    Autre moment marqué du sceau de la perfection : les retrouvailles du Zeph et du Mayapi à Kαλαμάτα – ΚΑΛΑΜΑΤΑ.

    La belle amitié entre le Zeph et le Mayapi a vu le jour il y a trois ans, dans les eaux qui baignent l’île de Πόρος – ΠΟΡΟΣ. Puis, avec le temps, le lien de l’amitié s’est fortifié grâce au souvenir vivace et savoureux d’une confiture de fraises, confectionnée en mer par la navigatrice Marie-Hélène.

    Le Zeph a revu le Mayapi le 29 août dernier, à Kαλαμάτα – ΚΑΛΑΜΑΤΑ.

     

    La courbure de la perfection

     

    La fameuse confiture de fraises était aussi rendez-vous, précédée par l’excellence de sa réputation. Mais c’est mal connaître la navigatrice Marie-Hélène que de parler seulement des fraises.

    Pour fêter les retrouvailles, le Mayapi a aussi offert au Zeph de la confiture de figues et de la confiture de pêches, confectionnées avec le subtil bercement des flots et le très grand talent de la navigatrice Marie-Hélène. Quels délices !

    Le mot « perfection » vient du verbe latin « perficio ». La racine -ficio renvoie au verbe facio, facere, qui signifie « faire », tandis que le préfixe per- se réfère à une action menée « jusqu’au bout ». Est parfait, ce qui est accompli « jusqu’au bout, totalement ».

    Le Mayapi est allé jusqu’au bout de ce qu'il pouvait faire pour combler le Zeph, puisqu’à la délicieuse confiture de fraises, le Mayapi a ajouté les non moins délicieuses confitures de figues et de pêches.

    Pour les trois confitures, le contenant est une fusion de deux formes géométriques. Le couvercle utilise la courbure du cercle pour des raisons pratiques. Mais la base est un décagone régulier. Le pot est donc la fusion d’un cylindre et d’un prisme droit. Même si le décagone régulier est inscrit dans un cercle, la présence des arêtes verticales ne confère pas à l’ensemble la parfaite harmonie de la sphère.

    Le fait que la courbure du cercle ou de la sphère n’est pas omniprésente sur le pot n’affecte en rien la qualité du produit et du savoir-faire. Tout était parfait : les fruits, le talent de la maîtresse de maison, le geste de l’amitié.

    Avec le Mayapi, il y avait la perfection du sucré, mais aussi celle du salé.

    Les confitures, c’était pour les moments de nostalgie du Zeph.

    Mais pour tout de suite, en guise d’apéro à son bord, le Mayapi nous a offert des filets d’anchois faits maison, divinement marinés, à la chair si tendre, si goûteuse et si parfumée !

     

    La courbure de la perfection

     

    C’était la perfection de l’immédiateté.

    Mais quelle courbure avaient ces filets d’anchois ? Ils s’étalaient dans toute leur longueur et se prélassaient dans l’onctuosité de la marinade. Ils n’avaient aucune courbure et s’en moquaient éperdument. Ils se contentaient d’être extrêmement désirables.

    Pouvait-on faire mieux ? Certainement pas. Car le geste amical du Mayapi s’est exprimé dans toute sa plénitude. L’accueil qu’il a offert au Zeph était donc parfait !

    Seul l’amour peut prétendre à la perfection.

    L’amour transcende la matière. Et quand l’amour est parfait, il peut communiquer sa perfection à la matière.

    La courbure de la perfection n’est pas du domaine géométrique. Elle dépend de la qualité du don de soi. Offrande de sa personne pour servir le divin ou réjouir le cœur de son prochain.

    Ce n’est pas la courbure qui donne la perfection.

    C’est la perfection qui choisit sa courbure.

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