• Le remède à la solitude est-il facile à trouver ?

    Une fois trouvé, restera-t-il efficace pendant longtemps ?

    Qu’est-ce qui ferait que l’autre nous offre sa compagnie ? Notre attrait, qui est manifeste quand nous nous montrons abordables, affables, compréhensifs, secourables ou généreux.

    Être abordable, c’est non seulement se laisser aborder facilement, mais c’est aussi aller au devant des autres.

    Portoferraio, sur l’Isola d’Elba. Calata Giacomo Matteotti : quai des pêcheurs, à proximité de la Porte Mauresque de la Citadelle.

    Une mouette toute dodue tenait compagnie à un pêcheur, occupé à réparer ses filets. Aucune conversation entre l’homme et la créature ailée. Cependant, ils avaient le même centre d’intérêt : le contenu des filets. Le capitaine, qui revenait des remparts de la Fortezza Medicea, passait par là. Il a pris l’initiative de s’adresser au pêcheur, puis s’est intéressé au labeur de celui-ci.

     

    Le remède à la solitude

     

    La mouette, puis le promeneur ont tenu compagnie à l’homme qui travaillait dans l’ombre. Au capitaine, l’oiseau étincelant de blancheur a aussi offert sa compagnie divertissante.

    Remède triangulaire pour faire oublier pendant quelques instants la solitude sur la Calata Giacomo Matteotti.

    Ne blessons pas la bonne volonté de l’autre, et soyons prêts à faire le pas.

    L’attrait du Zeph est dans son mode vie, illustré par le jardin aromatique.

    Ostia, Porto turistici di Roma, troisième matinée. Matinée nuageuse, instable, peu favorable à l’optimisme, jusqu’à l’arrivée de notre ami Alberto.

     

    Le remède à la solitude

     

    Dès qu’il a franchi la passerelle, il nous a livré un trésor, en donnant le nom que porterait notre jardin aromatique dans la langue de Dante Alighieri :

    « Giardinetto » !

    Ne s'agirait-il qu'un simple « Petit jardin » ?

    Le célèbre dictionnaire Treccani donne la définition suivante :

    « In marina, ciascuno dei fianchi (o anche) dell’estremità poppiera dello scafo, così detto perché gli antichi vascelli portavano nello stesso luogo una piccola balconata, decorata con piante. Locuzioni : andatura al g. (o al gran largo, o al gran lasco), modo di navigare della nave a vela con un angolo d’incidenza del vento, dalla prora verso poppa, di circa 135° ; prendere il mare e il vento al g. (di dritta o di sinistra), in navigazione con tempo avverso, cambiare opportunamente la direzione della prora affinché le onde e il vento, sollecitando lo scafo nei settori indicati (cioè a dritta oppure a sinistra), riducano il tormento allo scafo e all’equipaggio. »

    « Dans la marine, chacun des côtés (ou aussi) de l'extrémité arrière de la coque, ainsi appelé parce que les anciens navires portaient au même endroit un petit balcon décoré de plantes. Locutions : allure au 'petit jardin' (ou au grand largue), mode de navigation du voilier avec un angle d’incidence du vent, de la proue vers la poupe, d’environ 135 ° ; prendre la mer et le vent au 'petit jardin' (à droite ou à gauche), en navigation avec un temps défavorable, changer opportunément la direction de la proue de manière à ce que les vagues et le vent, en stimulant la coque dans les secteurs indiqués (c’est-à-dire à droite ou à gauche), réduisent le tourment sur la coque et sur l'équipage. »

    Ainsi, l’Italien ne s’en va pas en mer sans avoir avec lui un bout de la terre nourricière. Si le Français fait ses mesures avec des degrés angulaires désincarnés, son cousin transalpin, lui, se réfère volontiers à l’emplacement de la terre emportée à bord, et se sert de cet emplacement comme repère pour évaluer l’écart angulaire. Référence en temps normal pour définir la direction de la route, comme dans une situation plus éprouvante, au cours de laquelle la place attribuée à la terre emportée représente le moyen d’atténuer la rudesse de la mer.

    Notre ami Alberto ne partageait pas seulement une connaissance linguistique, mais aussi une tradition maritime de son pays et sa propre expérience de marin. Il partageait l’universel, le spécifique et aussi l’intime.

     

    Le remède à la solitude

     

    De plus, le vocable apporté par notre ami Alberto a une connotation extrêmement élogieuse.

    En effet, le dictionnaire Treccani contient aussi cette définition :

    « Piccola composizione di fiori e foglie in oro, argento, pietre finemente lavorate, per anelli, spille, fermagli, tipica produzione dell’oreficeria del sec. 17° spec. italiana (in fr. bouquet d’orfèvrerie). »

    « Petite composition de fleurs et de feuilles en or, argent, pierres finement travaillées, pour bagues, broches, fermoirs, fabrication typique de l’orfèvrerie du 17ème siècle, spec italienne (en fr. Bouquet d'orfèvrerie) »

    En fournissant un mot de la langue de Dante Alighieri, notre ami Alberto apportait au jardin aromatique du Zeph une valeur ajoutée. La précision du vocabulaire confirmait la fonction ornementale, mais au sens des orfèvres. Avec la terminologie du dix-septième siècle, le Giardinetto n’était plus une banalité, mais une chose extrêmement précieuse et désirable.

    Une surprise linguistique en entraîne une autre. La compagnie des mots et des subtilités de la langue donne lieu à une aventure fort passionnante.

    Qu’est qui a fait que notre ami Alberto a tout de suite offert sa compagnie affectueuse, édifiante et érudite ? L’hédonisme flagrant du Zeph.

    À la capitainerie d’Ερείκουσα – ΕΡΕΙΚΟΥΣΑ, nous avons été reçus par une jeune femme dont la couleur des cheveux rappelait l’ocre de la terre locale.

     

    Le remède à la solitude

     

    Son premier geste était de nous offrir de l’eau bien fraîche pour nous rafraîchir le gosier.

    Pas de transaction avant le verre d’eau de l’hospitalité.

    Eau de la simplicité, mais aussi de la sollicitude.

    La pièce bénéficiait déjà de la fraîcheur de la climatisation. Mais la jeune femme tenait à personnaliser son accueil. Sa mère était une Grecque d’Athènes, mais son père était de la Géorgie. Alors elle a insisté pour nous réserver un accueil à l’orientale.

    Geste biblique.

    Nous n’étions pas seuls avec notre porte-monnaie et les documents du bateau. Nous avions la compagnie chaleureuse d’une personne qui accueillait avec beaucoup de dignité des voyageurs venus d’autres horizons.

    La jeune femme nous a donné une carte de visite du port. On y trouvait, entre autres, le nom de la personne responsable : un certain Γιώργος Κατέχης.

    Nous pensons que la jeune femme était l’adjointe du directeur Γιώργος Κατέχης.

    Le matin de notre départ, la jeune femme était très occupée avec l’arrivée d’un voilier qui avait une cargaison d’universitaires, habillés comme s’ils étaient à peine sortis de l’hiver.

     

    Le remède à la solitude

     

    Malgré ses nombreuses responsabilités, elle a quand même tenu à dire au revoir au Zeph et à lui souhaiter une bonne route.

    Durant tout le séjour à Ερείκουσα – ΕΡΕΙΚΟΥΣΑ, le Zeph n’était pas contraint à la solitude en dépit de son apparence de bohémien. Bien au contraire, il était dans le giron bienveillant de l’adjointe du directeur Γιώργος Κατέχης.

    Qu’est-ce qui a fait l’attrait du Zeph auprès de la jeune femme ? L'absence d’arrogance !

    Oθωνοί – ΟΘΩΝΟΙ, seuil de la Grèce pour ceux qui viennent de l’Occident-Extrême et de l’Adriatique. Dès les premiers instants, le Zeph n’était pas seul pour approcher le ponton de bois, pour sonder la profondeur de l’eau, pour tendre les amarres et les consolider, pour envisager la disponibilité de la place par rapport au va-et-vient des ferrys et autres embarcations prioritaires. Dès le début, le Zeph avait un ange gardien qui l’informait, le conseillait, le rassurait, et le complimentait même.

    À Oθωνοί – ΟΘΩΝΟΙ, point de solitude pour le Zeph : il bénéficiait de la compagnie d’un protecteur, appelé Fulmo.

    « Fulmo » est le terme en espéranto pour « éclair ».

    Avec la puissance de l’éclair, qu’a vu le Fulmo dans le Zeph quand celui-ci s’est présenté dans le port d’Oθωνοί – ΟΘΩΝΟΙ ? Des reflets de l’authenticité, une âme de vagabond, de poète et d’hédoniste. Cette vision a séduit le Fulmo. Depuis cet instant, le Fulmo s’est attaché au Zeph, et réciproquement.

    Tout de suite, le Fulmo a proposé au Zeph l’apéro de bienvenue. Quelle surprise pour le Zeph ! À cause de la promptitude de l’invitation, mais surtout en raison de la confection du breuvage de l’amitié, qui était un Gin Tonic. L’étonnement et l’émerveillement du Zeph étaient suscités par les adjonctions au mélange des constituants liquides : le Fulmo a eu l’intelligence d’y diffuser les saveurs de plusieurs tranches de concombre et d’une branche de romarin frais !

     

    Le remède à la solitude

     

    Comme le Zeph, le Fulmo avait un jardin aromatique, bien mis en évidence sur le pont, du côté de la poupe.

    Des effluves d’aromatiques pour tenir compagnie au voyageur dans ses déplacements en mer, et dans ses rêveries face à l’horizon sans fin.

    Le Fulmo avait un faible pour le vin blanc français. Le lendemain du Gin Tonic, le Zeph a proposé au Fulmo la dégustation d’un Bordeaux blanc de 2017.

     

    Le remède à la solitude

     

    Pour accompagner le cru français, il y avait des rondelles de poivron jaune rissolées avec des petits pois al dente.

    L’esprit d’entraide a rapproché le Fulmo et le Zeph. Il aurait été stupide de s’enfermer dans la solitude et de bouder la vie.

    Pour fêter notre arrivée dans les eaux grecques, le capitaine voulait que nous honorions la cuisine locale, dans une taverne du port d’Oθωνοί – ΟΘΩΝΟΙ. Près de la Mairie et près de la plage, nous avons dégusté une savoureuse moussaka et des crevettes délicieusement grillées au feu de bois.

     

    Le remède à la solitude

     

    Une agréable surprise nous attendait après le paiement de l’addition, qui était très, très raisonnable. Pour nous dire au revoir, la jeune femme qui nous avait apporté la nourriture, est venue vers nous pour nous offrir une assiette de fraîcheur : on y trouvait plusieurs tranches de pastèque, tout juste sorties du frigo, et quatre abricots, gorgés de vitamines et de tonicité, posés aux quatre points cardinaux.

     

    Le remède à la solitude

     

    En guise d’explication, la jeune femme nous disait que les abricots venaient du jardin de son grand-père.

    Le geste n’était ni anodin, ni inoffensif. Il était intentionnel. Au-delà du témoignage d’une sympathie circonstancielle, il exprimait un désir sincère de fraternité universelle. En faisant goûter la production du verger de ses ancêtres, la jeune femme, pleine de douceur et de candeur, voulait partager, non seulement le patrimoine agricole, mais aussi le patrimoine affectif.

    Qu’est-ce qui a fait notre attrait auprès de l’hôtesse ? Notre goût de l’authenticité, notre profond respect de l’âme grecque.

    Isola di Ponza, dans l’archipel des Ponziane. Ballade à l’extrémité septentrionale de l’île. Tirant profit du relief, les maisons rivalisaient d’ingéniosité pour bâtir leurs jardins suspendus, face à la mer. L’une d’elle a particulièrement fasciné le mousse par l’abondance des pétales pourpres, qui jaillissaient de partout, dans la cour intérieure. Pendant qu’il réfléchissait au moyen de capter, avec le trépied, le déploiement de tant de splendeur, il a entendu : « Fai dentro ! »

    C’était une voix féminine. La maîtresse des lieux venait d’inviter le photographe à franchir le seuil.

     

    Le remède à la solitude

     

    « Fais dedans ! »

    Qu’est-ce qui était le plus important : le verbe ou l’adverbe ?

    « Fais ce que tu veux, agis à ta guise, ne t’arrête pas, poursuis ton œuvre, ne bride pas ton inspiration, donne libre cours à ta sensibilité ! »

    Ou :

    « À l’intérieur, de ce côté-ci de la porte, dans l’espace privé, dans la cour des amis, tout près des intimes ! » ?

    Le tandem de deux vocables était inséparable. Avec puissance et joie, il proclamait au milieu d’un cosmos d’azur et de pourpre l’ouverture d’une porte et d’un cœur, donc l’abolition de la solitude de part et d’autre du seuil.

    Qu’est-ce qui a été à l’origine du magique « Fai dentro ! » ? L’amour du beau, ressenti simultanément de part et d’autre de la porte d’entrée, en résonance l’un de l’autre, en complément l’un de l’autre.

    Voici la profusion vue de l’intérieur, la splendeur vue de plus près :

     

    Le remède à la solitude

     

    La maison qui a laissé la porte grande ouverte pour honorer l’art avait un nom. Sur la céramique de la porte d’entrée, on pouvait lire : « Fam. Ida Vincenzo ».

    Être secourable, c’est donner sans calculer l’avantage, ni attendre un retour.

    Avant-hier, vers le milieu de l’après-midi, le Zeph a offert son flanc droit à un voilier battant pavillon allemand, pour que les occupants de celui-ci aillent à terre et visitent la ville de 16h à 19h. Le voilier était un Beneteau Évasion 37 et s’appelait Hati Hati.

     

    Le remède à la solitude

     

    Cinq personnes étaient à bord, deux couples et un garçon de huit mois, né sur le même bateau. Il s’appelait Noé. À l’arrière du voilier Hati Hati, Noé avait sa piscine gonflable.

     

    Le remède à la solitude

     

    Certes la compagnie de Noé était éphémère, mais si agréable et rafraîchissante.

    Les parents de Noé faisaient montre d’un grand savoir-vivre. Ils étaient très respectueux du voisinage.

    Anna, la maman de Noé, a remarqué le sac utilisé pour recouvrir le moteur de l’annexe du Zeph. Elle a vu le nom du Carrefour de La Part-Dieu.

     

    Le remède à la solitude

     

    Alors, elle a pris sa voix fluette et chantante pour poser au capitaine du Zeph la question : « Vous êtes de Lyon ? »

    L’extrême courtoisie et la gratitude très sincère du Hati Hati envers le Zeph faisaient que chaque coque n'était pas seule avec elle-même, mais que les deux nefs ont vécu un moment de partage à la fois agréable et stimulant.

    L’esprit de partage séduit toujours.

    Le remède à la solitude est à la portée de tous. Il faut, et il suffit, d’être disponible. Disponible pour recevoir, et aussi pour donner.

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