• Si l’Aventy disait au Zeph qu’au prochain repas serait servie une choucroute qui aurait été préparée comme celle de janvier dernier, le Zeph s’écrierait assurément : « Chouette ! ». Puis le Zeph se serait empressé de revenir à la même table, avec le fébrile espoir de retrouver dans la même assiette fleurie ce chou si parfumé et cette viande si tendre.

     

    Le bonheur du retour

     

    Le bonheur du Zeph ne peut être qu’intense quand il retrouve le même talent culinaire de l’Aventy, fait d’intelligence, de patience et de générosité.

    La vivacité du souvenir rend le retour extrêmement désirable. Retour vers quelque chose qui était apprécié, donc qui n’est plus inconnu. Retour qui est étranger à l’idée d’une quête de nouveauté, mais qui souhaite de tout cœur une répétition à l’identique.

    Le bonheur du retour signifierait-il que la nouveauté pourrait être futile, voire indésirable ?

    Le bonheur de retrouver un lit ou des bras que l’on a chéris exclut aussi l’idée de les remplacer par des spécimens nouveaux. Le retour dans un lit que l’on a aimé pour son caractère douillet ou dans des bras dont on affectionne la douce étreinte procure un bonheur exalté par la mémoire.

    Le bonheur du retour concerne-t-il aussi la navigation du Zeph ?

    Certainement, et à plus d’un titre.

    Quand le capitaine et le mousse descendent le couloir rhodanien, ils ne vont pas à Port Napoléon, ils y retournent. Et dès qu’ils se retrouvent devant la barrière électronique qui attend le badge pour s’ouvrir, le mousse oublie rarement de s’exclamer avec allégresse : « Ça y est, on est chez nous ! ». Non pas que tout se qui se trouve de l’autre côté de la barrière nous appartient, ni que nous aimons prendre nos aises. À Port Napoléon, nous nous sentons chez nous parce que le cadre nous plaît beaucoup, énormément. Il y a le chenal d’accès, qui s’empourpre à l’aurore pour rappeler la lagune de Μισολόγγι – ΜΙΣΟΛΟΓΓΙ. De plus, c’est un magnifique repère astronomique : dans son axe, se lève le soleil quand c’est l’équinoxe.

     

    Le bonheur du retour

     

    Et puis, il y a ces fameux plumeaux, tantôt d’argent, tantôt d’or, qui dotent les berges d’une somptueuse parure. Qu’il soit sur son ber ou à flot, le Zeph a des voisins sympathiques, serviables et bienveillants, mais nullement envahissants. Alors le Zeph peut rêver en toute liberté ou se reposer en toute quiétude.

    C’est pourquoi chaque venue à Port Napoléon par le couloir rhodanien est un retour qui nous procure un vif bonheur, sans l’ombre d’une routine.

    Quand le Zeph va à Livorno, il revient chez lui. Pareillement lorsqu’il va à Savona, à Ostia.

    Quand le Zeph va Corfou, comme cela sera bientôt le cas, il rentre chez lui, en Grèce.

    À Missolonghi, au Pirée, le Zeph sera aussi chez lui.

    Combien le Zeph a-t-il donc de « chez lui » ? Plein, plein, plein ! Alors, vive le bonheur du retour !

    Quand le Zeph se sent chez lui, alors, tout naturellement, il fait comme chez lui. Il étend son linge, il cultive son jardin.

    C’était Livorno qui a donné l’impulsion pour le premier jardin. La visite du Mercato Centrale était éblouissante par le spectacle de l’opulence qu’offrait la terre nourricière. Fête des yeux, fête du cœur et de l’estomac également.

     

    Le bonheur du retour

     

    Ceux qui étaient les natifs du pays, par la langue et les mœurs, ont incliné leurs têtes dès qu’ils nous ont vus de loin. Par notre manière de vivre, ils ont reconnu la leur. Puis quand ils se sont retrouvés à portée de voix, ils ont adressé de joyeux compliments pour exprimer leur satisfaction, leur admiration et leur gratitude. Tout naturellement, leur façon d’agir était la nôtre. Spontanément, librement, le Zeph se sentait chez lui. C'est pourquoi il n'a pas craint de faire sécher son linge bien à la mode italienne.

     

    Le bonheur du retour

     

    Le Zeph était amarré à l’un des pontons aménagés le long de la Via del Molo Mediceo. À l’arrière-plan, on voyait les murs ocre rouge de la Fortezza Vecchia.

    À Livorno, le Zeph avait tout ce qu’il voulait : l’animation ou le calme, quand il voulait !

     

    Le bonheur du retour

     

    Aller de nouveau à Livorno, c’est savourer l’exquis bonheur d’un retour.

    Il existe une autre cité portuaire en Ligurie, où le Zeph s’est toujours senti chez lui : c’est Savona. Pour la première halte, la capitainerie lui a offert le petit déjeuner.

    Sollicitude pour la nourriture matérielle, mais aussi spirituelle. Toujours à l’occasion du premier séjour, l’homme d’église qui nous a ouvert gracieusement le cloître aurait bien voulu nous garder jusqu’au lendemain pour que nous puissions assister à un concert de voix d’ange.

     

    Le bonheur du retour

     

    Depuis, les retours à Savona ont été nombreux, avec un plaisir toujours renouvelé.

    Savona, l’élégante, sait choyer ses visiteurs.

    À Savona, il y a de la culture à profusion, pour élever l’âme et donner de la légèreté à l’existence.

     

    Le bonheur du retour

     

    Quand le Zeph va à Savona, il retrouve son chez lui, qui est beau, élégant, toujours désirable. Comme il est doux, le bonheur du retour dans de telles conditions !

    Corfou aussi a donné lieu à des retours heureux, auréolés de liberté et de fraternité.

    Le premier débarquement avait pour but d’échapper aux pluies incessantes qui s’abattaient sur la partie Sud de l’archipel ionien. La première halte a engendré le souvenir d’une île opulente, hospitalière et attachante.

    Un double retour a eu lieu à l’occasion du voyage initiatique et a permis de fortifier une amitié qui avait vu le jour à Πύλος – ΠΥΛΟΣ, sur le rivage occidental du Péloponnèse.

    Les deux amis rencontrés à Πύλος – ΠΥΛΟΣ s’appelaient Danielle et Alberto. C’étaient des Romains, non pas parce qu’ils étaient des sujets de César ou d’Auguste, mais parce qu’ils avaient élu domicile dans le XIIIè arrondissement de la Ville Éternelle. Quand le Zeph était de retour à Corfou, ils étaient en vacances à Γουβιά – ΓΟΥΒΙΑ, qui se trouvait à trois kilomètres au Nord-Ouest de la baie où mouillait le Zeph.

    En annexe, puis en bus, nous sommes allés les voir à Γουβιά – ΓΟΥΒΙΑ.

     

    Le bonheur du retour

     

    Danielle et Alberto étaient deux êtres férus de sciences et de lettres. Cependant, leur modestie était impressionnante. Ils étaient absolument charmants, car ils pratiquaient avec élégance un humour sain et édifiant, qui disait la joie de vivre, sans jamais égratigner l’autre, et encore moins le rabaisser.

    Le Zeph a eu le privilège de les avoir à son bord à l’heure du crépuscule.

     

    Le bonheur du retour

     

    Le mur de scène de ces agapes du soir était le promontoire qui bordait la baie au Nord. On pouvait reconnaître la silhouette de l’église Άγιος Γεώργιος – ΑΓΙΟΣ ΓΕΩΡΓΙΟΣ, qui avait l’allure d’un temple antique.

    Le retour à Corfou a fait éclore un bonheur intense grâce à la profonde amitié entre deux capitaines très, très amoureux de la mer.

    Une voix suave, de renommée internationale, a chanté à quel point l’île était attachante. La chanson disait :

     

    « Roses blanches de Corfou

    Roses blanches, roses blanches

    Chaque nuit je pense à vous

    Roses blanches de Corfou

     

    Votre parfum est si doux

    Quand l'aurore

    Vient d’éclore

    Mais je suis bien loin de vous

    Roses blanches de Corfou »

     

    Pendant de très longs mois, le Zeph se sentait bien loin de Corfou. Mais à présent, l’heure du retour est toute proche. Et le délicieux bonheur qui va avec !

     

    Le bonheur du retour

     

    Chaque fois que le Zeph met le cap sur le Pirée, il revient chez lui, avec en prime, la fierté non dissimulée d’être tout à fait autonome.

     

    Le bonheur du retour

     

    Le Pirée est lié à un double souvenir gustatif : le καφές ελληνικός – ΚΑΦΕΣ ΕΛΛΗΝΙΚΟΣ et le κλαμπ σάντουιτς – ΚΛΑΜΠ ΣΑΝΤΟΥΙΤΣ.

    Le premier, obtenu à partir de grains savamment torréfiés, était servi à la mode grecque, qui considérait que le plaisir de la dégustation se trouvait dans la suspension des fines particules de caféine.

     

    Le bonheur du retour

     

    C’était le breuvage de l’attente, quand on guettait le ferry à la nuit tombante ou à l’aube. Boisson de l’hospitalité pour dire au revoir, mais aussi pour souhaiter la bienvenue.

    Quant au second, c’était une version contemporaine de la traditionnelle πίτα γύρο – ΠΙΤΑ ΓΥΡΟ : le froment ne se présentait plus sous la forme d’une galette circulaire, mais de tranches polygonales, joliment assemblées avec une pique en bois.

     

    Le bonheur du retour

     

    Nous avons découvert le κλαμπ σάντουιτς – ΚΛΑΜΠ ΣΑΝΤΟΥΙΤΣ par hasard au Pirée, en attendant le ferry pour Rhodes. Puis une fois dans le Dodécanèse, nous avons continué avec ce plaisir de la nouveauté.

    Pour son voyage initiatique, le Zeph a fait un retour très émouvant au Pirée.

    Il était amarré à la Marina Ζέα – ZEA.

     

    Le bonheur du retour

     

    Sans nul doute, le καιρός – ΚΑΙΡΟΣ réservera au Zeph d’autres retours chargés d’émotions au Pirée.

    Quand le café est bon, trop bon, on y revient, on veut le même, exactement le même, sans rien changer, ni au contenu, ni à la quantité, ni au tour de main, pour être sûr que le bonheur du retour ne sera pas gâché.

     

    Le bonheur du retour

     

    Sous la plume de Milan Kundera, on peut lire ceci :

    « Qui a raté ses adieux ne peut attendre grand-chose de ses retrouvailles. »

    À Savona, à Livorno, à Ostia, à Corfou, à Missolonghi ou au Pirée, les adieux étaient déchirants. C’est pourquoi le bonheur du retour n’en sera que plus fabuleux !

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