• Du temps de la préhistoire du Zeph, nous choisissions la place Omonia chaque fois que nous avions à dormir à Athènes.

     

    Le parfum du café

     

    Pour aller voir l’Acropole, les poteries inspirées par l’Antiquité, les sublimes bagues byzantines ou les sandales au cuir si odorant, nous passions toujours par un endroit où se répandait généreusement la bonne odeur du café torréfié.

    Parfum suave, qui faisait oublier la fraîcheur descendue de la voûte étoilée.

     

    Le parfum du café

     

    Parfum des yeux dessillés.

    Parfum d’une douce appétence.

    Parfum stimulant, qui apportait la bonne humeur et l’entrain.

    Plaisir délicieusement δημοτικό – ΔΗΜΟΤΙΚΟ.

    Là où commençait la rue 3ης Σεπτεμβρίου – 3ΗΣ ΣΕΠΤΕΜΒΡΙΟΥ, les effluves de la torréfaction étaient les plus abondants.

    L’Italie aussi a son art d’embaumer l’espace public avec l’exquise odeur de la torréfaction. Le Zeph en a fait l’agréable expérience lors de son premier séjour à La Spezia.

     

    Le parfum du café

     

    En vérité, à ce moment-là, La Spezia n’était qu’une solution de repli, car les sites voisins, plus renommés, pratiquaient des prix excessifs. Donc nous avons utilisé La Spezia comme tremplin et c’était le train qui nous menait vers les Cinque Terre.

     

    Le parfum du café

     

    Pour aller à la Stazione à partir du port, il fallait traverser les jardins publics qui longeaient le bord de mer et formaient une immense oasis de fraîcheur, puis emprunter l’axe piétonnier qui remontait vers le centre historique. À l’autre bout de cette voie piétonne, l’agréable arôme de la torréfaction prenait la relève des effluves boisés.

    Parfum de la stimulation.

     

    Le parfum du café

     

    Parfum de l’ouverture des horizons.

    Parfum de début d’excursion.

    Parfum prometteur, qui mettait en forme pour découvrir Riomaggiore avec la lumière de l’Est.

     

    Le parfum du café

     

    C’était sur la Piazza Saint Bon, juste avant d’arriver à la Stazione, que le café torréfié répandait son arôme envoûtant.

    Nous humons le café, nous le dégustons aussi, avec extase même.

    Il existe des situations où le café s’impose, sans discussion. Quand le matin est encore blême, et que l’attente du ferry ou du bus a commencé avant l’aube. Ou que la pluie diluvienne qui était tombée la veille ne s’est pas du tout arrêtée pendant la nuit. C’est ce qui nous est arrivé lors de notre première halte à Ithaque. Il a plu, il a plu, sans arrêt, du matin au soir, puis du soir au matin. Pluie incessante, ciel gris et bas, paysages lugubres. À tel point que nous avons dû fuir l’île, sans penser un instant que Pénélope nous arrosait de ses larmes. Vite, sans aucun état d’âme, nous avons décidé de nous réfugier sur l’île voisine, qui était Céphalonie. Gentiment, des Grecs nous ont indiqué qu’il y avait un ferry qui faisait la liaison entre Ithaque et Céphalonie, mais qu’il fallait prendre sur l’autre versant de l’épine dorsale d’Ithaque, à Πίσω Αετός – ΠΙΣΩ ΑΕΤΟΣ. Un bus nous mènerait de la baie de Βαθύ – ΒΑΘΥ où nous passions la nuit, jusqu’à Πίσω Αετός – ΠΙΣΩ ΑΕΤΟΣ. Seulement, il faudrait se lever très, très tôt le matin pour attraper ce bus. C’est ce que nous avons fait. La pluie qui ne s’était pas arrêtée depuis la veille et l’amoncellement des nuages assombrissants donnaient l’impression qu’il faisait encore nuit quand nous sommes montés dans ce bus à Βαθύ – ΒΑΘΥ. La route serpentait le long de la ligne des crêtes pendant un long moment. Quand nous sommes arrivés à Πίσω Αετός – ΠΙΣΩ ΑΕΤΟΣ, aucun commerce n’était ouvert. Après de très longs moments d’attente sous l’auvent d’un bar, nous avons pu enfin goûter un café grec qui nous redonnait un peu de tonus. Parfum de la mise en forme, mais aussi de l’hospitalité. Car la patronne du bar a bien voulu que nous attendions dans son établissement l’arrivée du bateau pour l’île de Céphalonie, sans que nous devions passer à d’autres consommations.

    Par anticipation, ce café de l’attente avait aussi le parfum de la consolation, car nous ignorions tout de la terrible épreuve qui nous guettait. Nous voulions fuir le déluge, nous nous sommes retrouvés comme dans une nasse !

    Quitter le quai du désenchantement pour accoster un autre quai du désenchantement !

     

    Le parfum du café

     

    Consternation au moment du débarquement.

    Un môle nu, rude, antipathique, presque grossier et hostile, nous toisait.

    À peine arrivé, le ferry était aussitôt reparti.

     

    Le parfum du café

     

    Service minimun pour le ferry, désarroi maximun pour le touriste naïf et imprudent.

    Nous avions le sentiment que l’on nous a abandonnés à l’orée d’un désert. Le lieu avait l’allure d’un désert, non pas parce que la végétation se raréfiait, mais parce que le pays ne semblait pas habité. Du débarcadère, nous sommes montés jusqu’à la route qui passait au-dessus. Les quelques informations glanées par-ci, par-là laissaient entendre qu’il y aurait un bus local qui passerait pour nous amener vers Αργοστόλι – ΑΡΓΟΣΤΟΛΙ, la capitale de l’île. Mais personne n’arrivait à dire quand ce bus local passerait, ni où se trouvait l’arrêt.

    Le naufrage était total !

    De l’autre côté du détroit, pas de café. Donc pas de parfum de café. Seulement le parfum de la peau qui transpirait à cause de la chaleur et de l’inquiétude, et le parfum de la terre meuble, sèche, sur une route poussiéreuse.

    Non pas que les Grecs de l’autre côté du détroit ne servaient pas de café. Mais pour les deux routards abandonnés, l’heure n’était pas à la détente mais au guet. Il fallait guetter l’hypothétique bus salvateur, et s’installer à un tournant supposé stratégique. Il allait de soi qu’aucun panneau n’indiquait le lieu de l’arrêt. Faute de siège comme sur une terrasse de café, l’on s’adossait ou l’on s’arc-boutait comme on pouvait, sur les murs de pierre qui délimitaient les jardins bordant la route.

    Un Grec qui prenait soin de son espace de verdure nous a vus par-dessus son muret. Lui aussi, guettait, mu par sa curiosité et sa bienveillance. Il a confirmé que nous étions au bon endroit pour attendre le bus, qui ne passerait que dans trois heures. Trois heures sous un soleil de plomb ! Puis est arrivé ce qui devait arriver. L’empathie a engendré l’hospitalité. Le Grec nous a fait entrer dans son oasis de fraîcheur et nous a offert le café de la délivrance. Un café bien grec, au sens propre, comme au sens figuré.

    Parfum de la simplicité.

    Parfum d’humanité.

    Parfum du soulagement et de la joie.

    Le lieu où nous avons failli faire naufrage sur l’île de Céphalonie était Σάμη – ΣΑΜΗ.

    Le café de Σάμη – ΣΑΜΗ avait le parfum de la mise à l’épreuve avant d’avoir celui du miracle.

    Le café a laissé son empreinte olfactive dans l’histoire du Zeph.

    On voulait que le Zeph entame une mue. Qu’il s’agrandisse pour être plus hospitalier. Question de confort, mais aussi de sécurité. Il sera plus long de quelques mètres, mais surtout, il offrira un giron plus spacieux. Ses nouvelles dimensions lui apporteront plus de stabilité sur les flots.

    Pendant que l’indispensable mue s’amorçait, nous sommes retournés vers les lieux qui étaient ceux de l’enchantement au cours de la première existence du Zeph. Porto Ercole faisait partie de ceux-là.

    Pour ces escapades du souvenir, nous avons choisi le mode de vie en plein air.

     

    Le parfum du café

     

    La simplicité du cadre de vie n’était pas incompatible avec le désir de rendre le temps savoureux. Le parfum du café y a beaucoup contribué.

    Le café à domicile et non en terrasse.

     

    Le parfum du café

     

    Plaisir de l’autonomie.

    Savourer son café chez soi.

    S’offrir des délicatesses.

    La mue du Zeph donnait lieu à un agrandissement mais aussi à un embellissement.

    Semaine après semaine, le capitaine s’attelait à l’immense tâche de rénovation.

     

    Le parfum du café

     

    Le café agrémentait des pauses bien reposantes et accompagnait le regard de la satisfaction.

     

    Le parfum du café

     

    Se dégourdir les doigts, oublier le vrombissement du moteur et le crissement de la meule. Accorder du repos aux oreilles en humectant son palais avec un breuvage chaud qui sentait bon la torréfaction.

    Le café pour le plaisir personnel et pour le lien social.

    Après sa mue, le Zeph est retourné à Procida, dans la baie de Naples. Non pas à la Marina Grande, où il s’était arrêté les deux fois précédentes, mais à Chiaiolella, au Sud-Ouest de l’île.

     

    Le parfum du café

     

    Comme à son habitude, le capitaine s’est mis à marchander la place au ponton. Pas de chance, le boss de la concession nautique était intransigeant : il n’y aurait pas de rabais. Et le Gaulois, de continuer à harceler le Napolitain, quitte à multiplier les traits d’esprit. Le Napolitain a fini par se piquer au jeu. L’interdiction d’accorder des rabais restait irrévocable. Mais le Napolitain a suffisamment de subterfuges pour adoucir la situation sans enfreindre la consigne officielle, bien connue de ses subalternes. C’est ainsi que le Napolitain a offert au Gaulois des jetons pour la douche sur le rivage, et même des tickets de bus pour aller faire la passeggiata à la Marina Grande.

    Puis le Napolitain a aidé le Gaulois à trouver aisément un dépannage pour un souci technique.

    Pour remercier le Napolitain et le séduire encore plus, le Gaulois a proposé un café avec le raffinement dernier cri. Le boss de la concession nautique connaissait-il la pub de George Clooney en matière de café ? Rien n’était moins sûr. Mais le Napolitain était tout content de venir goûter le café offert à bord par celui qui lui avait subtilement tenu tête.

    Café de l’inflexibilité assouplie, de la rigidité amadouée.

    Parfum d’honneur dans une joute aristocratique, qui convoquait l’humour et non l’agressivité.

    Puis parfum de l’estime réciproque.

    Le capitaine, toujours avec le protocole de la séduction, a proposé au Napolitain de choisir entre différents parfums : Kazaar, Dharkan, Indriya, Roma, Caramelito, Vanilio...

    Le Napolitain s’est exclamé, avec le cri du cœur : Roma !

    Réponse émouvante, et très cohérente.

    L’Italie se nourrit à deux mamelles : celle du Nord, qui est Roma, et celle Sud, qui est Napoli.

    L’exotisme des Kazaar, Dharkan, Indriya...n’intéressait pas le Napolitain. Il voulait un parfum de chez lui, qui le flatterait tout en le changeant de son quotidien immédiat. Un seul parfum répondait à cette attente : celui de la mamelle du Nord.

    Le parfum du café offert à Chiaiolella était celui du fantasme avant d’être celui du plaisir.

    Il y a aussi le café qui a été préparé avec soin pour Cassandre, et qui l’attend toujours.

     

    Le parfum du café

     

    Parfum du souvenir.

    Parfum d’une très forte empathie.

    Cassandre a eu le même ennui que le capitaine. Nous souhaitons à Cassandre un prompt rétablissement. Que tout se raccorde et se consolide parfaitement, avec le minimun de douleur !

    Offrir une tasse de café est un geste de courtoisie, qui n’effraie pas, mais qui peut vaincre la timidité de l’interlocuteur et le séduire beaucoup.

    Le café offert est une déclaration d’empathie, une ébauche de lien social.

     

    Le parfum du café

     

    Parfum de la palpitation de la vie.

    Parfum tantôt de la gravité, tantôt de la légèreté de l’existence.

    Subtil agrément pour enchanter ou consoler.

    Le parfum du café est un surprenant miroir olfactif de l’aventure, sur terre et en mer.

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